VOISINS┃j.sancho (✓)

chapitre trente-trois.

Hilde regarda l’écran de son téléphone portable pour la énième fois en l’espace d’une minute. Il était bientôt minuit, et Petra devait embarquer pour son vol dans un quart d’heures. Sa meilleure amie se tenait aux côtés de sa mère et de quelques-uns de leurs camarades de classe, faisant ses derniers aurevoirs et recevant les ultimes conseils et recommandations de Bernie. Malgré la tristesse que provoquait son départ, tout le monde était heureux de la voir épanouie et excitée par cette nouvelle aventure. 

Enfin, tout le monde sauf Jadon, puisqu’il n’était pas présent. 

Le footballeur britannique disputait actuellement un match amical contre la Lazio, de l’autre côté de la ville. Il avait promis à Petra de se dépêcher pour lui dire au revoir, dès que la fin du match serait sifflée. Alors la jeune femme avait visiblement décidé d’attendre son petit ami, quitte à rater son vol. Mais heureusement pour elle et son compte en banque, Jadon finit bel et bien par se montrer. Ce fut cinq minutes avant le début de son embarquement que Petra distingua ses cheveux crépus, sa peau chocolat et son ensemble d’entraînement jaune pétant. 

Elle sourit en le voyant perdu parmi la foule. Puis, dès que Jadon la repéra, ils se précipitèrent l’un vers l’autre, comme dans l’une de ces scènes de retrouvailles niaises dans les téléfilms romantiques qui passaient le dimanche après-midi à la télévision. Hilde les regarda s’embrasser avec une lassitude assumée. Dès qu’elle se trouvait au même endroit qu’eux, elle devenait invisible pour sa meilleure amie. Elle s’était habituée à cela désormais. C’est pourquoi elle décida de leur laisser un peu d’intimité, et partit rejoindre Bernie qui se tenait plus loin.

— T’es en retard, Petra souffla alors que Jadon se détachait de ses lèvres.

— Désolé, l’arbitre a ajouté du temps additionnel.

— J’espère que vous avez gagné, au moins, Petra plaisanta, et son petit ami sourit. 

— Ouais, tu regarderas le résumé du match dans l’avion. J’ai dribblé tous les joueurs adverses, une vraie humiliation. 

Petra voyait bien dans ses yeux qu’il ne se sentait pas bien. Sa voix tremblait, et il la regardait comme s’il s’apprêtait à la perdre à tout jamais. Elle tendit la main vers sa joue mal rasée, pencha la tête pour lui signifier qu’elle comprenait. C’était difficile pour elle aussi, parce qu’elle aimait Jadon de tout son coeur. Mais il n’y avait pas de quoi en faire tout un drama, dans quelques semaines, ils se retrouveraient comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. 

— Les passagers du vol 267 de Lufthansa en direction de Madrid sont priés de se diriger vers la zone d’embarcation. 

— Bon, je dois y aller, Petra déclara en reculant. 

Jadon hocha la tête, résigné.
— Je t’aime, Petra. 

— Je t’aime aussi, Jadon. On se voit en novembre, d’accord ?

— Je viendrais avant si j’ai des jours de repos, Jadon promit, et Petra sourit face à son ton solennel. 

— OK. 

Petra se hissa pour l’embrasser une dernière fois. Elle prit le temps de savourer le goût de ses lèvres, remarqua à quel point la manière dont sa bouche se mouvait contre la sienne était devenue familière. Jadon la pressa plus fort contre lui, posant une main sur sa mâchoire pour approfondir leur baiser. Petra se demanda à cet instant précis si elle pourrait vivre sans embrasser son petit copain tous les jours. Depuis qu’ils étaient ensemble, les journées où ils ne s’étaient pas vus pouvaient se compter sur les doigts d’une seule main. 

Pourtant, elle savait qu’ils allaient y arriver. 

— Ne tombe pas amoureuse d’un espagnol en attendant, Jadon la mit en garde. 

— Je promets rien, Petra rit. 

Jadon esquissa un sourire, puis leurs mains se détachèrent. Elle lui jeta un dernier regard avant de se diriger vers Hilde et sa mère. Elle offrit une longue étreinte à sa meilleure amie, qui lui chuchotait à l’oreille, se blottit ensuite contre Bernie pour un câlin. Jadon la regarda lui faire un signe de la main tandis qu’elle rejoignait la zone d’embarcation. Il l’observa s’éloigner avec une boule dans la gorge. Il se retenait de pleurer, parce que après tout, ce n’était pas comme s’il n’allait plus jamais la revoir. Mais les deux mois qu’ils s’apprêtaient à passer l’un de l’autre lui paraissaient insurmontables. 

Car plus le temps passait, plus ses sentiments pour elle devenaient puissants. 

Et deux ans plus tard, Jadon était encore plus amoureux de Petra qu’il ne l’était lorsqu’il lui avait fait ses aurevoirs pour la première fois à l’aéroport de Dortmund. Après trois saisons passées sous les couleurs des Schwarz-Gelben, un championnat gagné ainsi que plusieurs coupes remportées, il se sentait prêt à relever de nouveaux défis sportifs. Le fait que Petra fasse encore ses études à Madrid guida son choix. Alors, quand Jadon vint rendre visite à sa petite amie en novembre, comme il avait pour habitude de le faire depuis qu’elle avait déménagé, il venait de signer un contrat de cinq ans avec le Real Madrid. 

En plus, il s’était installé dans l’appartement juste à côté du sien. 

FIN