chapitre vingt-neuf.

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Le lendemain matin, Jacob donna rendez-vous à Petra chez lui sous les coups de dix-neuf heures. Petra fut assez étonnée en recevant son message. En général, lorsque l’entraînement finissait tard comme aujourd’hui, son petit ami préférait se reposer tranquillement. Elle se prépara alors en vitesse après être rentrée des cours et effectué ses devoirs.  Avant de quitter sa demeure, Petra prévint sa mère qu’elle risquait de revenir assez tard. Les soirées en compagnie de Jacob s’éternisaient toujours un peu.

En se rendant à l’arrêt de bus à l’entrée de son lotissement, elle passa devant la maison de Jadon. Son coeur se serra lorsque son échange avec son voisin la veille lui revint en mémoire. Comme à chaque fois qu’elle pensait à lui, Petra se sentait suffoquer. Jadon était un imbécile, mais elle ne lui connaissait pas des talents d’acteur. D’ailleurs, il n’était pas vraiment du genre à simuler sur les terrains de football pour obtenir ce qu’il voulait. Il était tellement mal hier soir, et il n’aurait pas pu faire semblant. Petra finit par le chasser de son esprit lorsqu’elle se rendit compte que sa poitrine la faisait atrocement souffrir.

Une fois chez Jacob, elle pensa passer une soirée agréable. Cependant, elle se rendit rapidement compte que quelque chose clochait. Jacob se montra distant, eut un mouvement de recul dès qu’elle s’approcha de lui et refusa de l’embrasser. Dans ses yeux luisait une colère froide.

— Je préfère qu’on s’arrête, Jacob déclara, et Petra n’en crut pas ses oreilles. 

— Quoi ?

Petra eut du mal à réaliser que Jacob était en train de rompre avec elle. Il se tenait debout, lui faisait face avec cet air nonchalant qu’elle détestait tant. Il la fixait d’une façon froide, dénuée d’amour. Petra essaya de se souvenir de ce qu’elle avait pu faire ou dire pour le contrarie. Jacob s’était pourtant bien entendu avec Bernie, avait beaucoup ri avec Hilde et l’avait embrassé avant de repartir. Cependant, elle omettait bien sûr un détail qui l’avait empêché de dormir pendant plusieurs jours.

— J’ai appris ce matin que Jadon et toi, vous vous étiez embrassés. Je lui ai cogné mon poing dans la figure, évidemment. Il va garder une sacrée marque pendant un moment, mais c’est mérité.

La respiration de Petra se bloqua aussitôt. Jacob esquissait un rictus amer, comme s’il énonçait un sujet lointain. Mais dans sa voix, la colère pointait petit à petit le bout de son nez. La jeune femme fit un pas vers lui, les larmes aux yeux.

— Jacob, attends, ce n’est pas du tout ce que tu crois, je— 

— Laisse-moi finir, Jacob l’interrompit, sec. Ca fait un moment qu’il est triste, que ça ne va pas aux entraînements. Je le voyais bien. Ce matin, on aurait dit qu’il revenait d’entre les morts, alors quand on a un peu insisté pour lui demander quel était le problème, il s’est mis à pleurer et à s’excuser auprès de moi. J’ai compris immédiatement. Et je l’ai frappé. Ca m’a fait de la peine de le voir aussi mal, il n’a même pas cherché à se défendre. Il pleurait toujours et s’excusait. Alors j’ai hésité à te tenir responsable, Petra.

Petra ne fit plus aucun effort pour retenir ses larmes. Jacob serra les poings, paraissant si énervé qu’il aurait pu en enfoncer un dans le mur le plus proche. Petra se détesta, parce que non seulement elle avait trahi la confiance de Jacob—en plus de ne jamais lui avoir retourné ses sentiments—mais elle blessait également Jadon, et avait semé la zizanie dans le vestiaire d’un club. Cependant, le footballeur danois finit par détendre ses doigts au bout de quelques secondes, puis secoua la tête avec une expression désabusée sur le visage. Il semblait vraiment au bout. Petra sut que c’était fini. 

— C’est dingue, mais je savais depuis le début que Jadon avait des sentiments pour toi. Depuis le soir où on s’est rencontrés au restaurant. Il te regarde de cette drôle de façon, comme s’il hésitait entre te faire tourner en bourique ou te sauter dessus. Visiblement, il a choisi la dernière option. Je sais que tu éprouves quelque chose pour lui aussi, et putain, ça me tuait à chaque fois que je vous voyais rire ensemble, que vous vous parliez. Je me doute bien que tu m’aimes un peu, sinon tu ne serais pas sortie avec moi, mais tu n’es pas amoureuse. Et tu me mentais.

— Jacob, Petra renifla, essuyant les traces de sa faiblesse sur ses joues. Je ne voulais pas te blesser, c’est pour ça que je n’ai rien dit. C’était une erreur, je suis désolée, j’aurai dû t’en parler tout de suite. Et tu te trompes, parce que je te jure qu’il ne s’est jamais rien passé avec Jadon à l’exception de ce baiser.

Jacob prit une longue inspiration. Visiblement, il ne voulait rien savoir, et cela brisa le coeur de Petra. Elle voyait bien qu’elle était en train de le faire souffrir, comme elle faisait souffrir Jadon. La culpabilité, la honte et le dégoût d’elle-même devinrent insupportables. Alors, lorsque Jacob ouvrit sa porte d’entrée en grand, puis désigna du menton la sortie de son salon, Petra se résigna.

— Ecoute, je ne t’ai pas demandé de venir pour entendre tes excuses, ou pour qu’on essaye d’arranger les choses. Ma décision est prise, je ne vais pas revenir dessus. Tu devrais y aller maintenant, Petra. Au revoir.

VOISINS┃j.sancho (✓)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant