chapitre trente-et-un.

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Trois jours, alors que Petra descendait ses poubelles, elle croisa Jadon devant sa maison. Il portait son ensemble d’entraînement et sortait de sa maison. Elle ne put louper son visage tuméfié, son oeil au beurre noir, sa lèvre fendue et son arcade ouverte. Elle frissonna en se disant que c’était Jacob qui avait commis une atrocité pareille. Le footballeur danois avait toujours été doux et respectueux envers elle, elle ne l’imaginait pas capable d’une telle violence. Lorsque Jadon remarqua sa présence, il baissa les yeux et lui tourna le dos. Ses épaules étaient voûtées, comme si sa culpabilité reposait sur elles. 

Petra repensa aux mots de Hilde. Elle se dit ensuite que c’était le moment ou jamais. 

— Jadon ! Petra hurla, avant de se mettre à marcher pour le rejoindre. Salut. 

— Salut, Jadon répéta en croisant son regard, comme si la situation lui paraissait irréelle. 

— J’imagine que tu vas à l’entraînement. T’as fait quelque chose pour ton oeil ? 

— Petra…

— Je sais pas pourquoi je te demande, c’est évident que non, Petra rit nerveusement, ignorant soudainement la raison qui l'avait poussé à lui parler. Tu devrais passer de la pommade dessus, assez rapidement, avant que ça gonfle encore. Ca va devenir compliqué pour toi de faire des centres après.

— Petra, je t’aime. Je t’aime, et je suis désolé. Pour tout. 

Jadon était sincère. Et sa déclaration lacéra le cœur de Petra. Ce fut la raison pour laquelle elle se mit à pleurer. Parce que malgré la douleur, ces mots la rendaient folle de bonheur. Et d’amertume, aussi.

— C’est maintenant que tu me dis ça, Jadon ? Après tout ce qu’il s’est passé entre nous, après avoir fait du mal à Jacob, à Margaret, à moi, c’est maintenant que tu te décides à le faire ? 

Jadon tendit ses doigts pour effacer ses larmes. Petra les frappa d’un coup sec, car elle savait qu’elle ne serait plus en mesure de réfléchir correctement à son contact. Déjà qu’en sa présence, elle se sentait fébrile et vulnérable. Le footballeur britannique baissa plongea ses yeux cernés dans les siens. Ils ne dormaient pas beaucoup tous les deux depuis quelques temps, visiblement.

— Petra, je te demande pardon. J’étais perdu, depuis que je suis arrivé à Dortmund, dans cette ville, dans cette maison. Je pensais que tout allait bien dans ma vie, j’avais ma copine à Londres, mes coéquipiers étaient tous sympas, je commençais à me familiariser avec la langue. Mais t’as commencé à me perturber, et depuis qu’on est allés au cinéma avec Reiss et Hilde, j’ai réalisé que j’étais tombé amoureux de toi. Alors ouais, j’ai hyper mal géré, j’ai commencé à jouer au con et à te repousser. Je voulais que ça s’arrête, et je pensais qu’en te faisant du mal, t’allais t’éloigner. 

Jadon passa une main dans ses cheveux, avant de secouer la tête. Un sourire amer se dessina ensuite sur ses lèvres :

— Conneries, ouais. C’était toujours moi qui revenais vers toi. Je voulais pas te laisser partir, Petra, et toi, tu commençais à nier tes sentiments pour moi. Ca me rendait dingue. Et quand j’ai vu que tu commençais à tourner la page avec Jacob, ça m’a rendu fou. J’ai pété les plombs, comme un sale malade. C’est tout ce que je suis. Je supportais pas de te voir heureuse avec lui. Tu… 

Il s’interrompit, pinçant les lèvres et baissant ses yeux sur ses chaussures. 

— Je m’excuse, Petra. Je comprendrais si tu veux plus jamais me parler, ou me voir. Je ferai en sorte de te faciliter la tâche. Je mérite que ça de toute façon, ton indifférence. 

— T’as raison, Jadon, tu mérites que ça, Petra argua, la gorge nouée. Je te déteste, si seulement tu savais. Depuis que t’es entré dans ma vie, tout est devenu un gigantesque chaos. J’ai failli perdre ma meilleure amie, j’ai perdu un garçon super qui prenait soin de moi, j’ai perdu mon intégrité et mes valeurs. Je me reconnais même plus quand je me regarde dans la glace. Bordel, pourquoi est-ce que je t’aime encore, malgré tout ça ? 

Jadon fut alors incapable de se retenir. Il supprima les quelques centimètres qui les séparaient, puis il s’empara de ses lèvres. Petra se rendit sans combattre, sentant tout son corps s’embraser d’amour. Elle était tellement amoureuse de Jadon qu'elle était incapable de résister. Et elle hocha ainsi la tête, quand d’une voix suppliante et les yeux larmoyants, son voisin murmura ces mots :

— Petra, pardonne-moi s’il te plaît.

Des personnes extérieures à la situation auraient pu la trouver naïve et bête de ne pas éprouver tant de rancœur à son égard, prenant le prétexte que Petra était aveuglée par un amour de jeunesse fougueux. Mais lorsque Jadon sourit, franchement et sans artifices, puis que des larmes de bonheur s’échappèrent de ses yeux, elle pensa qu’elle se fichait bien de ce que les gens pouvaient croire. 

Parce que pour elle, envers et contre tout, ce serait toujours Jadon. 

VOISINS┃j.sancho (✓)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant