Chapitre VI

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Kélya m'avait indiqué où dormir. Je m'allonge sur la paille qui me sert de lit et ferme les yeux quand j'entends quelqu'un entrer dans la tente :

Cameron : Excuse moi, je te réveille ?

Moi : Non, non, qu'est ce qu'il y a ?

Cameron s'assoie en face de moi et me regarde dans les yeux :

Cameron : Je meurs de peur. On sait tous que nous sommes en enfer maintenant et, même si jusque là tous se passe bien, je sais que ça ne durera pas...

Moi : Pourquoi est-ce que tu viens en parler à moi ?

Cameron : Parce que, tu as l'air sereine et...

Moi : Détrompe toi, j'ai peur, mais, si jusque maintenant j'ai pu paraître sereine c'est parce que je sais que Dieu veille sur moi. Regarde, nous ne sommes plus seuls maintenant !

Cameron : Tu es forte... je t'admire.

Moi : Tu ne devrais pas il n'y a rien à admirer. Ces hommes m'ont tout pris et voilà que je travaille pour eux...

Cameron : Je vais y aller... merci Maryse.

Je lui souris et attends que les autres femmes finissent de s'installer pour éteindre la bougie qui illumine la tente.

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Kélya : Lève toi.

Je sors de mon sommeil et entrouvre les yeux. La pâle lumière de l'aube entre dans la tente. Je m'assoie et regarde Kélya qui me tend une robe en lin. Je la prends et l'enfile rapidement. Je sors de la tente et me range avec tout les autres. Nous sommes par ligne de cinq et des hommes blancs nous encadrent. Édouard apparaît et regarde le rang, un sourire mauvais sur le visage. Je vois Cameron courir pour rejoindre le rang mais il rentre dans un homme blanc qui lui donne un coup de poing. Je tente de le rejoindre mais Kélya m'attrape le bras en me faisant un « non » de la tête. Édouard s'approche de Cameron et lui attrape le visage :

Édouard : Regarde où tu marches sale nègre !

Il prend le fouet attaché à sa ceinture et commence à fouetter Cameron, qui crie le plus fort possible. Au bout de sept coups de fouets il le force à se relever et le pousse dans le rang.

Quelques minutes plus tard nous arrivons dans les champs. Kélya me tend un coutelas :

Kélya : Tu dois couper les tiges et ces extrémités puis tu les mets derrière toi. Un autre viendra les transporter dans la charrette, et encore un autre ramènera la charrette au château.

Je hoche la tête et commence à couper une tige. C'est dure et fatigant. Plusieurs heures plus tard le soleil tape de plus en plus fort. J'essuie la sueur qui coule sur mon front et regarde autour de moi. Cameron est plus loin dans les champs, je ne le vois même pas. Je souffle et plante mon coutelas dans une tige pour reprendre mon souffle :

Édouard : Tu prends une pause ?

Moi : Effectivement.

Il attrape mon poignet et me jette au sol :

Édouard : Tu penses vraiment pouvoir prendre une pause hein ?

Il lève son fouet, mais Kélya s'interpose et dit :

Kélya : Pardonnez la, elle ne savait pas !

Édouard : Alors je vais lui apprendre !

Il pousse Kélya sur le côté et me donne des coups de fouets. Comme la dernière fois je me retiens de crier et compte les coups. Dix, onze, douze, treize, quatorze... il s'arrête et attrape mes cheveux pour soulever ma tête :

Édouard : Tu as compris maintenant ?

Je soutiens son regard sans flancher. Je ne réponds rien. Il me force à me lever et me hurle :

Édouard : Recommence à travailler, maintenant !!!

Je reprends mon coutelas et recommence à travailler. Seulement, je suis beaucoup moins efficace, mes blessures me font mal et je saigne :

Kélya : Ne prends jamais de pause d'accord !

Moi : Je crois avoir compris.

Kélya me regarde avant de continuer à travailler

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Nous rentrons au village bien après que le soleil se soit couché. Kélya m'a dit d'aller me reposer pendant qu'elle et les autres préparent le repas. Je marche jusqu'à la rivière, qui a un courant très faible, qui nous sert de douche. Je me plonge dans l'eau et souffle de douleur. Je me cale entre deux rochers et regarde la lune :

??? : Maryse ? Tu n'aides pas à préparer le repas ?

Je me retourne et découvre Babakar portant des bûches :

Moi : Toi tu aides pour le feu ?

Babakar : Oui. Tout va bien ?

Je me redresse et lui montre les marques de fouets :

Babakar : C'est pas vrai !?

Moi : C'est Édouard... j'ai fais une pause. Mais ça va. Il me faut juste une bonne nuit de repos, ne t'en fais pas.

Babakar : Attends ne bouge pas !

Babakar s'éloigne rapidement. Je sors de l'eau et remets ma robe. Quelques minutes plus tard il revient avec un bâton et de la canne à sucre :

Moi : C'est quoi ça ?

Babakar : Un bâton pour t'aider à marcher et de la canne à sucre. C'est super bon tu vas voir.

Il me la tend et dit :

Babakar : Croque dedans et aspire.

Je m'exécute. Un coup de sucre envahi ma bouche. Je le regarde l'œil brillant :

Moi : C'est bon !

Babakar : Allez on va rater le repas. Allons-y.

Babakar et moi arrivons et prenons une noix de coco vidée de sa chair pour servir de bol. Nous la remplissions de riz et de ragoût de viande de porc. Nous chantons et rions tous ensemble. Ceci est le seul moment où nous avons l'impression d'être vraiment libres. Mais, nous le savons tous, ce n'est qu'une impression.

La Canne à SucreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant