22. Tourments

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Janvier 2020.

Can

La sueur.

Le réveil en sursaut.

Cette sensation que tout m'échappe, me glisse des mains.

Encore et toujours ce même cauchemar.

Pourquoi ?

Je quitte Izmir aujourd'hui, le service militaire, fierté en poche d'avoir accompli mon devoir de citoyen, de soldat. 

Chaque nuit ici le même scénario, un brouillard dense, froid, tout est gris. 

Une main qui enserre la mienne et ce visage, interrogateur mais qui finit toujours par me sourire. Il n'y a qu'elle en couleur. Ce doux visage rond, ses yeux en amande qui s'émerveillent, ses joues rougies, ses prunelles noires et ses cheveux aux reflets dorés. Elle est si belle...

Et son rire, son rire contagieux.

Pendant cette phase de mon cauchemar je suis toujours dans cet état de transe, joyeux. J'ai beau le faire et le refaire, qu'il se finisse toujours mal, à ce moment précis je suis béa. 

Mais ces instants sont de courte durée.

Rapidement je sens que je glisse dans l'isolement, dans la froideur. 

Non seulement je suis seul mais j'ai la sensation étrange qu'on m'arrache une partie de moi. 

Il y a des draps blancs partout qui volent, je n'arrive pas à distinguer les visages qui se cachent derrière. L'odeur de l'hôpital. Des cris, un appel à l'aide. Puis du sang, du sang et des larmes.

Une autre main que j'essaie d'attraper mais elle est inatteignable. 

Chaque pas que je fais en avant pour essayer de l'atteindre elle s'éloigne un peu plus. Je sais qu'elle finira par disparaître mais je ne peux pas m'empêcher d'essayer. 

En vain.

Je crie et je sens la chaleur des larmes abondantes sur mes joues. 

Peut-être est-ce l'approche du mois de février ? Ma présence à Izmir ? Étrange coïncidence...

Tout aurait pu être si différent...

A chaque fois que j'ouvre les yeux dans cet état second, je mets un moment avant de réaliser, la récurrence des faits n'y change rien.  Pourquoi le sort s'est-il acharné ? Le destin nous a réuni, il a même failli nous lier à jamais mais il en a été autrement. 

Quelquefois, dans un élan d'espoir, dans un sursaut d'énergie je voudrais me battre, me battre pour récupérer ce qui m'a échappé, essayer encore mais j'ai peur au final de faire plus de mal. 

De nombreuses épreuves ont failli nous séparer. Le secret, les ragots de la presse, les jalousies de l'entourage professionnel et toujours nous avons su rebondir. Dans la douleur, en y laissant des plumes, mais nous y étions parvenus. 

Mais dieu a eu le dernier mot, nous arrachant le plus précieux, nous punissant peut-être d'avoir été trop heureux, nous rappelant que nous ne méritions pas ce bonheur

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Mais dieu a eu le dernier mot, nous arrachant le plus précieux, nous punissant peut-être d'avoir été trop heureux, nous rappelant que nous ne méritions pas ce bonheur.

Depuis, j'ai tenté de continuer à survivre. 

Mes petites routines pour habiller ma vie jour après jour.

Quelques hauts quand j'ai pu me sentir utile, apporter du bonheur aux fans, à ma famille, à des inconnus dans le besoin. Donner le change que j'avance. J'ai quand même quelquefois l'impression d'être utile. Le temps qui s'est écoulé depuis l'effondrement de mes espérances me parait complètement distendu. 

Et les bas, ces moments qui résument aujourd'hui les trois quarts de mon existence.

La fin d'Erkenci Kus a sonné le glas de tout ce qui réjouissait ma vie. L'amour de ma vie m'a quitté, folle d'un chagrin impossible à supporter, ma carrière est au point mort, ma réputation en Turquie est au dessous de zéro. Je me demande si je ne vais pas retourner à ma petite carrière d'avocat...après tout ou partir quelques temps à l'étranger...?

Aujourd'hui, tel l'albatros de la fiction, je n'arrive même pas à retrouver mon foyer, celui où mon âme me conduit parce qu'il n'existe pas. A t'il seulement existé ? 

J'erre sans espoir de trouver une échappatoire. 

La plus grosse erreur que j'ai fais de toute ma vie, prendre le large, m'aura coûté tout le reste.

Ses quelques paroles, un mauvais choix, ce brin d'égoïsme et le drame qui a suivi ont laissé s'envoler tous mes espoirs d'avenir

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Ses quelques paroles, un mauvais choix, ce brin d'égoïsme et le drame qui a suivi ont laissé s'envoler tous mes espoirs d'avenir. Celui que je n'avais jamais imaginé, celui que je n'attendais pas et qui me rend malade de manque...je l'ai approché de si près...

Après ces quelques mois, la douleur est moins constante, c'est comme tout...avec le temps...

Mais lorsqu'elle se réveille, les lames du couteau qui me transperce sont à chaque fois plus tranchantes...

Je me renferme sur moi même. Même ma mère et mon père ont du mal à briser cette carapace que je me construis chaque jour. Je n'ai pas d'autre choix, aujourd'hui tout est un dilemme.

Revenir à ma vie d'avant en faisant profil bas pour redorer mon image et reprendre ma carrière ?

Partir quelques temps à l'étranger pour me vider la tête, faire de nouvelles expériences ? 

J'avoue je pencherai pour la deuxième solution mais professionnellement, et mes managers m'ont averti, ce ne serait certainement pas un bon choix.

Au final ces trois semaines d'armées m'auront au moins  permis de rester loin du tumulte de ma vie.

Le retour à Istanbul ne me procure aucune joie. Je n'ai pas voulu le croire quand mes plus proches ont insisté mais je crois qu'ils ont raison, je suis en pleine dépression. Ce n'est pas mon tempérament d'être ainsi, de ruminer, de me plaindre. Après l'euphorie des premières semaines, occupé à me convaincre moi même que tout allais bien, à faire la fête, la promotion des endroits que je fréquentais, l'hiver est venu. 

Il me faut un projet, un nouveau départ. quelque chose qui déclenche en moi une nouvelle envie de vivre...pour, enfin, passer à autre chose et oublier les heures sombres de ma perte, de cet abandon...

Je soupire profondément. 

Je ferme les yeux.

Et mon téléphone qui vibre sur la table...


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Un chapitre plus court, un bond dans le présent, triste, qui m'a été inspiré par ces 3 semaines de longue attente de notre chouchou. Trois semaines pour faire le point, se tourner vers l'avenir. Je ne sais pas encore combien de chapitres seront nécessaires. Quand je me prend à écrire je me laisse emporter et j'ai tellement de choses à raconter...

Merci de vos encouragements ! 



Et plus si affinités...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant