45. Toi et moi

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13 Août 2019


Can

J'arpente les couloirs presque déserts de l'aéroport d'Istanbul. En cette fin d'après midi, la chaleur est étouffante dehors. Mon petit sac de voyage à bout de bras je pars rejoindre Demet à Bodrum où elle passe quelques jours de repos avec des amis et la famille de Faruk. Je ne peux pas m'empêcher d'être nerveux. La bulle qui entourait notre relation menace d'exploser en même temps que l'arrêt de la série. C'était il y a quelques jours à peine...et pourtant. L'euphorie des derniers instants de tournage, de la découverte des dernières lignes de script, ces derniers moments partagés avec toute l'équipe, je me sens déjà en manque. Le soulagement aura été de courte durée et je ne peux pas m'empêcher d'être un peu frustré par cette fin avortée. Nous espérions mieux, tous.

La réussite, l'éclat, les récompenses, les félicitations unanimes et doucement l'annonce de la fin de la série. Le spleen qui s'installe, chassé par le soulagement des vacances tant attendues. Les futurs projets en suspens qui gravitent déjà au dessus de nos têtes...c'est finalement presque aussi vertigineux que le rythme endiablés de cette année passée sur les tournages.

Mais depuis 23 jours exactement, 23 jours nos vies ont basculé.


Flash back 20 juillet 2019...

Demet est de plus en plus irritable ces derniers jours. Le tournage haché, les scripts  approximatifs qui se succèdent, les scènes coupées et l'ambiance pesante de cette fin qui approche nous mets tous sous pression. Nous avions encore tellement de choses à raconter...et elle prend çà très mal. Loin de son coté toujours si professionnel, là, je dois bien reconnaître qu'elle ne gère plus du tout le trop plein d'émotions. 

La peur du vide ? De ce qui va se passer après la série ? N'importe qui pourrait trouver çà débile vu de l'extérieur, elle a un tel talent, que risque t'elle ? Ils vont tous se l'arracher. Moi je me sens moins à l'aise. La presse me fait la misère, un pas de coté et j'en paie le prix pendant des semaines. 

Lorsque je toque à la porte de sa caravane c'est une voix étouffée dans un sanglot qui me répond. 

- Dem ?

Assise sur la petite banquette près de la fenêtre elle renifle bruyamment. Les traces sur ses joues ainsi que ses yeux rougis  ne laissent pas beaucoup place à l'imagination, elle a pleuré. Qu'est-ce qui a pu se passer pour la mettre dans cet état ? Je m'approche d'elle, m'accroupis pour me mettre à son niveau et attrape ses mains que je serre dans les miennes pour capter son attention.

- Tu me fais peur Dem qu'est ce qui se passe ? 

- ...

- Dem s'il te plaît...c'est ta mère ? Ton frère ? C'est grave ?

Je sens que sa gorge est tellement nouée qu'elle est incapable de me parler alors je me redresse et la prends dans mes bras. Elle me fait peur mais je sens bien qu'avant d'obtenir une quelconque réponse j'ai besoin de la rassurer. Je m'assois à coté d'elle sans la lâcher et la berce tendrement. Les minutes s'écoulent en silence et ses sanglots finissent par s'atténuer, sa respiration s'est apaisée. Je tente alors de reprendre mon interrogatoire mais elle anticipe ma démarche comme pour se jeter à l'eau craignant certainement de craquer à nouveau.

- Je suis enceinte Can.

Le visage entre ses mains, la tête baissée elle m'a lâché cette bombe sans même me regarder en face. Ses mots raisonnent dans un coin de ma tête, quelque part entre mon oreille gauche et la droite. Je rêve.

Et plus si affinités...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant