47. En équilibre

747 60 58
                                    


Can

Septembre 2019...

Cette fin d'été, les rivages de la Méditerranée se sont accordés avec mes obligations professionnelles. Accompagné de mon père, de mes agents et de quelques autres dévoués à ma cause, je me suis plongé dans cette ascension de reconnaissance à l'extérieur des frontières de mon propre pays. Noyé au milieu de la foule des femmes qui s'arrachent, un sourire, une photo, un baiser volé, mon corps obéit aux contraintes, au planning serré de mon calendrier professionnel mais mon âme est ailleurs, perdue dans un dédale de choix impossibles, de luttes qui me semblent perdues d'avance.

Des jours que je me débats avec le téléphone pour essayer d'entendre le son de sa voix mais elle refuse de me parler. Sa mère me donne des nouvelles, presque chaque jour, insistant sur le fait qu'elle a besoin de temps, qu'il cicatrisera sa douleur mais je rejette totalement cette idée. Je ne suis pas quelqu'un de patient. J'ai toujours eu besoin d'être rassuré, de me sentir en confiance dans mes relations avec les autres. Peut être qu'au final c'est la seule chose que mes parents n'ont pas réussi...l'absence d'un foyer unit m'a toujours fait craindre de perdre le peu que je possédais. Si je pouvais avoir mon père, je ne pouvais pas être avec ma mère en même temps. J'ai l'impression que c'est encore ce qui est en train de se passer avec Demet. Ma carrière décolle, grâce à l'alchimie qui nous a unit sur Erkenci Kus et j'ai l'impression qu'indirectement si çà marche professionnellement il faut que çà foire ailleurs...

Elle m'a forcé à aller à Naples. Elle refusait que je reporte ou annule mes obligations, elle tenait si fort à ce que nos vies continuent...

Oui mais lorsque je suis revenu à Istanbul, quelques jours après, j'ai voulu la rejoindre. Même si je savais qu'on ne pourrait pas passer beaucoup de temps ensemble, j'étais prêt à faire une croix sur des projets, pourvu que cela me permette de la rassurer, d'être avec elle pour poser les mots. Mais encore une fois je me suis heurté à un mur.

A Naples, entre deux bains de foule, j'ai acheté des tonnes de cadeaux pour elle. Du plus insignifiant petit souvenir de touriste au sac de luxe de marque italienne...sans parler des présents que les fans m'avaient confié pour elle...

Je n'ai même pas eu le temps de lui offrir quoi que ce soit tant notre entrevue fut courte.

Je savais par sa mère qu'elle devait quitter Izmir quelques jours pour un contrôle de son état de santé. Elle a accepté de me voir et nous nous sommes retrouvés à l'abri des regards dans une petite salle de restaurant. J'aurais voulu quelque chose de plus intime, j'aurais voulu la prendre dans mes bras et ne plus la lâcher mais c'est elle qui a voulu un lieu public. C'était étrange. La distance qu'elle mettait entre nous, son regard fuyant. Lorsque je l'ai embrassée, elle m'a à peine retourné mon baiser et lorsque j'ai enchaîné sur ce que lui avait dit le médecin elle m'a rassuré tout en restant très évasive, détachée. J'ai pris sa main et je l'ai serré fort sur cette table qui mettait trop de distance entre nous.

Elle l'a retirée et s'est mise à pleurer quelques secondes avant de se reprendre.

Les mots qui ont suivi m'ont piétiné le cœur.

J'avais l'impression qu'elle s'était entraînée depuis des jours pour me réciter la décision qu'elle avait prise, que même avec la meilleure volonté du monde je n'arriverais jamais à la faire changer d'avis. Ce sentiment d'impuissance face aux mots qu'elle débitait, ma colère, mon désespoir, sa tristesse, je ne sais ce qui était le pire...

« C'est trop douloureux ce que nous avons traversé Can. Je ne peux pas me réveiller chaque matin et partager ma vie avec toi alors que dès que je pose mon regard dans le tien j'y lis ma propre douleur. Je regrette tellement qu'on en soit arrivé là. C'est peut être la preuve que nous ne sommes pas assez forts pour un avenir ensemble. C'est peut être trop tôt pour moi ou trop tard pour nous deux...on ne peut pas s'emprisonner Can, ce n'est pas nous çà...je ne veux pas tirer un trait sur toi mais j'ai besoin de temps et de distance pour avoir les idées claires. Ensemble nous allons nous enfermer dans la tristesse, en pensant à ce que nous avons perdu , ce que jamais nous ne pourrons remplacer. Ta carrière explose et la mienne a besoin de suivre son cours. Je sais que tu vas m'en vouloir, je sais que tu vas me détester et je me déteste de me sentir si faible, de ne pas être capable de me battre mais c'est le cas, je ne suis pas assez forte pour çà. »

Et plus si affinités...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant