Promotion Tanguy Rapsail (II)

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Chiara

La nuit est sombre, glacée par le vent malgré le soleil de la journée. Pourtant les jardins de l'École resplendissent sous les faisceaux de lumière. En face de la tribune, dans l'immense cour, un hologramme dessine le visage du Capitaine Raspail.

Il avait l'air d'inspirer la confiance ce jeune officier. Allez, de Là-haut, envoie moi un peu de courage !

Toutes les tribunes se sont tues et le silence règne seul. Raoul me sourit, serre ma main. Ce soir, chez les Cadets, c'est à la reine de parler et non au roi. C'est ainsi que le veut la tradition.

Je descends jusqu'au micro, le reste de la famille royale me suit. Nous voilà alignés face aux rangs impeccables. Chacun son uniforme. Royal pour nous, guerrier pour les Cadets. Et au milieu Godeffroi, leur capitaine pour cette année.

Chers Cadets de notre Royaume... J'aimerais que ce soir mon discours ne soit que pour vous.

Votre capitaine m'a dit un jour que vous étiez les premiers chevaliers. Il me pardonnera de lui emprunter cette belle expression ! Au fil des siècles, votre École a connu tempêtes et transformations mais combattue souvent, jamais elle ne s'est laissée abattre. Oui, à partir de ce soir vous rejoignez la lignée séculaires de nos héroïques chevaliers.

Vous vous disiez peut-être que cette jeune reine vous idéalise bien. Ignore t'elle donc que votre quotidien n'a rien de si fabuleux ? Mais ce soir couronne, dépasse et renouvelle à la fois votre engagement. Demain vous aurez quitté L'École comme vous en rêviez depuis quatre ans. Car elle est de ces écoles dont on rêve, qu'on maudit en y étant avant de les regretter lorsqu'on en sorti !

Ce m'est une joie immense et indicible de poser ce soir sur vos épaules l'antique épée du premier chevalier. La reine devant le guerrier, image magnifique de la force à genoux devant le pouvoir de la faiblesse, la servant et non l'asservissant. Pas plus que vous je n'ai connu ce temps où les républiques qui gouvernaient le monde prônaient la mort du mâle blanc au profit d'un genre unique où hommes et femmes seraient enfin égaux ! Votre parrain les a combattu de sa vie. Puissiez vous faire de même chaque fois que l'on attaquera ce qui nous est cher.

Ma voix s'enflamme, frémit.

Vous savez, peut-être mieux que tous, que nos temps auront besoin de vous. Lorsqu'on voudra vous persuader de renier ce qui fait l'ultime sens de votre engagement, battez vous ! Si on veut vous faire croire que votre adoubement n'a pas de sens et qu'une femme devrait plutôt être à genoux, battez vous !

C'est maintenant à vous tous, nos sujets bien-aimés, que je m'adresse. Ce soir, leur serment voue ces jeunes hommes à votre défense. Soyez donc dignes d'eux.

Puis tout s'apaise, mon ton se fait plus doux.

Oui chers Cadets, chaque année vous êtes le miracle de la fidélité. Premiers chevaliers car le glaive, une fois que son métal gris se sera abattu sur votre épaule, vous appartiendra aussi. Par ma voix tout le Royaume vous remercie. Que Dieu, la Sainte Vierge et Saint Georges vous gardent !

Sur le coussin de velours, voilà le vieux glaive cuivré. Il est temps d'oublier mon indignité pour le saisir. L'air grave de Godeffroi me rassure. C'est plus léger que je l'espérais !

Le premier Cadet met un genou en terre. L'or de son uniforme scintille dans la nuit, sa cape blanche illumine le soir.

Épaule droite.

Les vieux mots s'élèvent.

Une, deux, cinq, vingt fois mon bras retombe, oubliant sa fatigue devant le regard brillant de ces jeunes hommes.

Où est ta victoire ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant