Affaires à l'aurore

96 19 4
                                    

12 septembre 2...

Arianna

Cette fois, rien ne me dérangera de ma contemplation. Après l'orage est venu le calme et ce matin, je sens que l'aube aura un goût particulier.

A côté de moi, la Maison des Vestales me touche de son calme et de sérénité. Parfois, j'envie ces femmes dont le plus grand souci n'était que d'entretenir un feu. Je devrais me sentir plus libre qu'elles, moi qui puis courir le monde, les hommes et les coeurs sans que nul n'y trouve à redire. Sans qu'il n'y ait plus personne pour m'en empêcher. Etrange pourtant, j'aimerais connaître autre chose parfois.

Voilà, voilà que les premiers rayons du soleil apparaissent à l'orient. Ce ne sont d'abord que de fragiles et minces filets, précédés d'un halo doré, puis ils grossissent jusqu'à devenir d'épais rubans rosés dans le ciel qui se met à bleuir.

C'est chaque jour un spectacle différent, étonnant. Je vois ce dont on veut parler en évoquant la grandeur du lever de Louis XIV à Versailles. La mise en scène majestueuse du réveil d'un prince chatoyant.

- Alors vous venez vraiment là tous les matins. Un peu facile pour vous retrouver non ?

Il est derrière moi, le prince d'il y a deux jours. Je savais qu'il reviendrait. Je lui ai pris trop pour qu'il n'essaie pas au moins. Et il l'a fait puisqu'hier il est passé chez Madame. Sans succès.

- Je ne veux pas me cacher. Mais je n'ai plus rien de ce que je vous ai pris.

- Volé, vous voulez dire.

- Je vous paierai ne vous inquiétez pas.

Il finit par passer devant moi et je peux enfin le détailler. Chemise de luxe, pantalon en toile faussement simple et des lunettes de soleil encore inutiles qui traînent négligemment sur ses cheveux, il est un peu dandy. Plutôt long et mince comme ce que j'avais constaté. Relativement attirant même si son physique n'a rien de celui d'un mannequin sexy.

- Ah oui ? Je suis curieux de savoir comment vous comptez me dédomager? ironise t il.

- Comme ça.

Je me glisse vers lui et résolument tente de l'embrasser. Je le sens hésiter une seconde mais pas pour longtemps et se reculer brusquement. Ma main a seulement le temps d'effleurer sa joue.

- C'est ce que vous vouliez non ?

Il n'arrive pas à cacher un sourire un peu scotché.

- Excusez moi, mais ça ne me ressemble pas d'embrasser des inconnues dans des ruines antiques ! sourit il.

- Au contraire, je crois pouvoir dire d'expérience que cela vous ressemble beaucoup !

Il semble avoir totalement oublié sa tentative nocturne. Les hommes...

- Mais vous, qu'est ce que vous voulez, jeune fille ? Continuer à voler les gens comme ça ?

- Je ne crois pas que cela vous regarde, mais je vais vous le dire. Je veux juste contempler tous les matins le lever de soleil sur le Forum.

Je me demande pourquoi il est vraiment venu. Il ne se serait pas déplacé seulement pour récupérer ses affaires ou essayer une seconde fois de me voler un baiser.

- Je sais qui vous êtes et ce que vous avez fait jusqu'ici, Arianna.

- Et alors ? Vous allez peut être me forcer à devenir quelqu'un d'autre ?

- J'aimerais vous proposer un marché plutôt. Ecoutez...

Ladislaw

Que croit elle, cette jeune femme aux cheveux de cuivre ? Ils ont les mêmes reflets d'or que ceux de Léonore...

Elle pense peut-être que je succombe si facilement ? Diplomate que je suis, la gente féminine a souvent tenté de m'amadouer comme cela. Me croit elle si aisément corruptible ? Je sais qui elle est, ce qu'on pensera d'elle.

Mais je suis assez grand pour me le permettre.

- Allez y. Vous savez sûrement déjà que j'accepte le plus offrant.

- Je sais. Mais j'ai besoin de quelqu'un comme vous.

Elle se rassoit sur la pierre.

- Quelqu'un qui vous dise d'abord de vous taire et d'admirer l'aurore ? sourit elle sans me regarder.

- Eh bien, en partie !

Où est ta victoire ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant