Le camp (I)

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26 décembre 2… 

Arianna

Où est que Ladislaw m’a encore amenée ? Je veux dire, il me connaît, je n’ai rien à faire dans un camp militaire voyons.  

- Si vous pouviez m’expliquer ce à quoi je suis censée servir ? 

Pas de réponse évidemment, Son Altesse est bien trop occupée ! 

- Qu’attendez vous encore de moi ? Séduire un de vos frères en détresse ou bien espionner des militaires à qui vous ne faites pas confiance ? 

L’ironie le fait sourire, pauvre roi plein de soucis…

- Rien de tout ça très chère, mais j’ai pensé que ton charme et ta présence illuminerait le quotidien de ces soldats qui se battent pour nous au front, dans le froid et la boue, sourit il. 

- Votre soeur, la reine ou Philoména auraient pu être chargées de cette tâche non ? Pourquoi moi ? Je ne suis personne après tout.  

- Justement, ils oseront te parler, en tant que mon ancienne assistante, tu n’auras pas de règles à suivre pour aller vers eux. Et puis, mes soeurs sont encore plongées dans leur douleur, toi tu as la force de sourire à tous ces hommes, de leur remonter le moral ! Ils font partie des rares à avoir choisi de ne pas partir en permission pour assurer notre sécurité, tu seras comme un peu de leur foyer qui vient leur rendre visite… 

- C’est très bien vu, très bien pensé, Altesse. 

 La jeep file rapidement sur une route de forêt, parmi les hauts sapins qui se profilent comme autant de silhouettes noires et décharnées. Enfin des panneaux, voilà ce camp où nous venons passer quelques heures avec ces hommes, leur souhaiter un joyeux Noël. Surtout leur donner foi en leur nouveau souverain. Foi en son génie politique, en son habileté militaire. Je suis prête à tous les sourires du monde s’il faut convaincre qui que ce soit de la grandeur de Ladislaw. 

Des tentes de toiles, des préfabriqués grisâtres, beaucoup de camions camouflés, de jeeps, de véhicules en tous genre, le tout blanc ou gris pour se fondre le plus possible dans le paysage. Ce qui est drôle, c’est que cela ne jure pas tant que ça avec la richesse du palais d'où nous venons. Étrangement, il règne dans ces deux endroits une force et une simplicité déroutantes. A notre approche, le camp s’anime, on sort des tentes, la vie réapparaît et des centaines d’hommes et de femmes en treillis se pressent à la grande grille du camp. 

On nous fait descendre avec cérémonie, dois je sourire tout de suite ? Le capitaine qui nous accueille est un vieil ami du roi qui le serre très simplement dans ses bras en une accolade fraternelle. 
Grande visite du camp. Tant de pauvreté et de privations malgré tout ce que la technologie de notre époque peut apporter de confort. Mais plus que les installations, ce sont les gens que je regarde. Certains semblent épuisés, d’autres plus résistants paraissent en pleine forme au contraire. Les aléas d’une mobilisation quasi générale, on se retrouve avec toutes sortes de profils, une difficulté supplémentaire à gérer. Mais si Ladislaw craignait les réactions à son égard, je crois qu ecela n’était pas justifié. La grande majorité le contemple avec admiration et petit à petit, je vois même les regards des plus réticents se transformer pour laisser place à un certain respect, voire à une forme d’amitié. Il n’a pas peur de se mêler à eux et fait valser les codes pour prendre place où il le souhaite dans la grande pièce où se tiendront la messe et le déjeuner de Noël. Une pauvre salle de préfabriqué en vérité, mais je crois que les rois ont toujours veillé à ce que les aumôniers aient de magnifiques autels portatifs et des espaces assez grands pour que les hommes puissent s’y tenir pour la messe quotidienne. Ici, on ne fait pas exception à la règle et le padre s’est surpassé. 

Où est ta victoire ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant