Premiers défenseurs et derniers chevaliers

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1 janvier 2...

Philoména

Les rues débordent, débordent de joie tandis que passent les jeeps remplies des soldats vainqueurs. Quel étonnement dans le Royaume ! Ainsi l'impératrice a débarrassé le monde de son mari et rallié leur fils, le prince Charbel, à la cause de la paix. En quelques heures, alors que notre armée et les Français gagnaient sur le terrain, que le pape unissait le pays par la récitation du chapelet, le nouvel et jeune Empereur contactait ses cousins pour demander et obtenir la fin des hostilités.
Quel bonheur, la paix enfin ! Que d'actions de grâce au Seigneur qui nous a donné la victoire et le repos !
Ma petite sœur bat des mains à côté en s'ecriant d'un coup : Regarde là bas, ton fiancé !
Elle a raison.
Debout sur le marchepied d'un camion conduit par Godeffroi et Aurelie, souriant malgré son treillis boueux et sanglant, voilà mon prince. Son regard me croise. Ses cheveux sont incroyablement ébouriffés mais ses yeux brillent  d'un bonheur enfantin et grave. Je n'hésite pas trop.
Ma petite sœur court déjà et fend la foule vers le camion qui roule au pas. Je la suis, Jean vient de l'attraper au vol pour la caser en riant parmi ses camarades.

Jean

L'enfant rose au milieu des treillis, un signe vivant de la paix ? Les gars rient alors qu'elle attrapé à pleines mains le drapeau du Royaume et le fait flotter dans le vent froid. Et puis ma Philoména qui d'un bond un peu maladroit me rejoint. Au fond, je l'ai quittée il y a quelques heures seulement mais c'est comme si j'avais vécu des siècles depuis.
Je ne veux pas t'embrasser en équilibre sur ce fragile marchepied, maintenant que la paix est à nous. Je te fais monter au milieu des autres, te suis. Tu trembles un peu de froid mon ange, mais je t'embrasse, assez rapidement pour ne pas choquer, assez amoureusement pour que tu saches que je t'aime. Tu souris. Il y a quelques cris, des hourras qu'on lance au milieu du fracas des voitures. C'est drôle ?

- On dirait que tu fais des miracles Philo'. Je le demande si je ne suis pas entrain de devenir un prince populaire moi aussi.

Philoména

Je lui tire moqueusement la langue sans le détromper, même s'il me semble plus probable que la foule continuera à préférer Godeffroi et Aurelie qui, se prêtant au jeu, ont échangé un baiser langoureux et photogénique.
Qu'importe, si cela te fait sourire mon Jean ! Tu fais des signes, réponds aux acclamations, il faudrait que ce soit tous les jours la paix !
Mais il reste quelque chose pour qu'ils t'aiment vraiment !

- Viens, suis moi, dis-je en sautant hors du camion.

- Qu'est-ce qu'il y a ? s'étonne mon fiancé en faisant signe à ses amis de prendre soin de ma petite sœur.

- J'ai des amis de fac là bas, viens boire un coup avec eux.

- Tu es sûre ?

- Oublie un peu tes principes, laisse  les te connaître et t'aimer. Comme je t'aime…

Allez c'est gagné, il ne résiste pas et me suis dans la foule. Dix minutes plus tard, attablé autour d'une bière et entouré d'une cinquantaine d'étudiants, mon Jean, finalement devenu le centre de l'attention, n'en finit pas de raconter les exploits de ses camarades.
Je vais me chercher un verre de vin chaud quand :
Cette tête rousse qui a visiblement oublié les lunettes ? Cette autre brune qui ne se sépare pas de son appareil photo ?
Que font ils là ? Sûrement rien de bon ! Je les arrête au vol.

- Bonjour les garçons.

- Tiens tiens, la petite Philoména du prince Jean, se moque Théo en me prenant rapidement en photo.

- Archie est là aussi ? Je croyais que tu étais

- En exil ? Eh bien la reine Chiara lui a permis de revenir il y a quelques jours, grâce à moi. On manquait de journalistes sérieux, explique le roux.

- Vous ? Sérieux ? Laisse moi rire. Et vous êtes ici pour ?

- Interviewer ton cher fiancé bien sûr. Depuis tout à l'heure il se rengorge de ses exploits mais sait il que le fameux Baldwin est aux abonnés absents pour le moment ? glisse Théo.

- Pardon ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

- Tiens, regarde.

Archie me fait tourner gentiment par les épaules. Le visage de Jean, joyeux tout à l'heure se métamorphose.
Que tout le monde sorte, ordonne t il froidement. Théo lui a évidemment chuchoté quelque chose à l'oreille.

- Théodore et Archibald Andrési, les "fameux", ironise mon fiancé. On peut savoir ce qui vous fait insinuer des choses pareilles sur mon ami ?

Les garçons restent muets, un air délicieusement amusé collé sur leurs visages.

- Jean, j'ai peur qu'il n'aient pas tort... Tu es sûr que Baldwin va bien ?

- Attends tu crois ces types ?s'étonne t il.

- Eh bien... Archie et Théo ont leur défauts mais ils sont les fils du premier mariage de mon père, soit...

- Ses demi-frères, conclut Théo en se plaçant lui aussi derrière moi.

- Pardon ? Eux, tes frères ?

Si ce qu'ils disent est vrai... Je vois apparaître dans le regard du prince dont le visage se décompose , la colère, le vide et la peur secrète, de perdre encore ceux qu'il aime.

Ladislaw

Mon beau pays vainqueur. À quel prix ?

Quand donc cet oncle un peu effrayant mais tout de même gentil, cet oncle qui nous emmenait, Père, Mère, Raoul et moi, en randonnée par les grands déserts du Sahara, cet oncle qui m'offrit pour mes dix-huit ans de magnifiques chevaux de course ; quand donc s'est il transformé en un tyran sanguinaire ? Quand a t il décidé de renier toutes les promesses de son couronnement et de son baptême ? Quand est il devenu capable d'abattre froidement Constantin, le fils aîné que vingt ans plus tôt il portait en triomphe ?

Allons, le Royaume est sauvé !
Mais cet agent, ce Guy... Je dois m'entretenir avec lui, connaître tout dans les moindres détails.
Si je l'ai envoyé, c'est que Père et Raoul l'auraient sûrement fait. Ils étaient de ces hommes qui veulent tenter, sans cesse, de sauver leur prochain. Et moi ?
Pour leur mémoire, j'aurais essayé une voie plus pacifique.
Mais cet Empereur là, ce n'était plus mon oncle, seulement un tyran sans roi ni raison.

Qui suis je pour juger ?
Je suis le roi. Et ancien diplomate, aguerri à ces eaux étranges et dangereuses de la politique étrangère.

Demain, Charbel et tante Mathilda viendront signer ces fameux accords. Après-demain, une grande cérémonie d'hommage à nos morts.
Moins sont tombés que durant les conflits anciens, mais ils sont trop nombreux encore. À commencer par les premiers d'entre eux.
Raoul, notre frère, notre roi.
C'est comme si je sentais encore ta présence dans ces murs, avec celle de notre père.
Et Baldwin ? Le mari de ma sœur serait donc tombé ? Elle l'ignorait encore, Mère a dû l'en prévenir à l'heure qu'il est. Doucement.
On a trouvé un corps, mais défiguré et  si peu reconnaissable...
Et à ses côtés le carnet noir, marqué de son nom. Les premiers mots

Je vais me battre, toute ma vie je me suis battu.

Cela lui ressemble bien. Enfant perdu que Godeffroi nous a ramené à l'École. Chevalier jusqu'à la fin.

Les portes, grandes ouvertes, ont claqué victorieusement. Je marche vers toi, petite Léonore devenue cette grande princesse.

- Mon cœur saigne pour toi, ma sœur...

- Ne vous désolez pas, Votre Majesté, affirme sa voix claire. Je sais qu'il n'est pas mort.

Le Capitaine et son épouse chef de guerre, notre fier Jean et sa Philoména, Cyr au regard changé par la balle qui effleura sa tête en une légère traînée de sang, miracle de la journée ? Notre mère, ses jumeaux avec leurs sourires fous. Dans un recoin du grand bureau, l'amitié d'Arianna dans un clin d'œil rassurant.

- Je sais qu'il n'est pas mort, je le sens, je le retrouverai.


Allez, plus qu'un petit épilogue et les aventures de nos princes s'arrêteront là ! Mais, la fin est très ouverte et j'ai déjà en tête un tome 2!

Où est ta victoire ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant