Armure d'intransigeance (II)

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La grande pièce baigne dans cette lumière dorée des vieilles lampes. Une ancienne salle d'armes, habile mélange de médiéval et de Renaissance. Ils sont une douzaine, les filles serrées les unes contre les autres, rieuses, enveloppées dans des plaids de lainage écossais, les garcons, leurs cigarettes entre les doigts, assis à même le sol, près du feu.
Philoména vient de se glisser par terre et sans abandonner la couverture, s'installe en tailleur près de Jean. Un bref regard et il reprend sa partie d'échecs. Sourcils froncés, un demi-sourire, le jeune homme est en train de gagner. Comme souvent.

- Un peu de vin Philoména ?

Armel s'accroupit près d'eux, la cheminée proche dore ses cheveux blonds. Il sourit à la jeune fille, tape sur l'épaule de son ami avant de s'éloigner.
Jean parle à son adversaire, parfois à Philoména. En face de lui, Baldwin soupire de constater sa défaite. Un air complice flotte une seconde entre le prince et la jeune fille, si fugace qu'eux-mêmes l'ont à peine remarqué.

- Tu en veux ? propose t'elle en tendant son verre encore brûlant.

- Je ne bois jamais désolé.

- Mais s'il a été chauffé il n'y a plus d'alcool non ?

- Question de principes qu'est-ce que tu veux, je suis un peu brut de décoffrage !

- Eh bien je vois ça, je vais finir toute seule donc.

Jean ne répond rien, se lève simplement pour ranger l'échiquier. Claire danse des flammes, entrelacs fascinants aux milles couleurs d'orangé, d'or et de sang. Monte dans le soir ce feu qui apporte un peu l'espoir de jours plus heureux.
Philoména ne peut voir que derrière elle, Jean fixe aussi le brasier. Son visage dur laisse place à une moue triste. Le souvenir de son père assurément. Armel l'a remarqué, siffle le silence et l'ayant obtenu, débouche une bouteille de porto pour en servir à tous.

- Mes amis, je crois qu'on a pas encore porté de toast ce soir.

- C'est vrai, renchérissent les autres

Filles et garçons se lèvent d'un seul mouvement.

- Puisque notre prince est parmi est parmi nous, buvons à feu le roi son père, ainsi qu'à Raoul IV son frère. À nos rois, mes amis !

Le breuvage doré s'élève dans les verres de cristal, dansant à la lueur de la nuit pour venir réchauffer les cœurs.

- Vive le roi ! lance un des garçons avec force, repris par les autres.

Le grand cadet blond s'approche de Philoména, avec sa détermination habituelle.

- Ça te dit d'aller faire un tour dehors ?

Elle lui rétorque, mi étonnée, mi inquiète.

- Réfléchis un peu, tu n'as pas vu comme il fait froid ?

- C'est vrai mais je peux te trouver un manteau si tu as peur d'être malade, affirme t'il, joignant déjà le geste à la parole.

Elle l'arrête.

- Pas la peine, il faut plutôt que je rentre chez moi. Un autre soir peut-être ?

Où est ta victoire ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant