L'agitation contrôlait le bataillon depuis quelques semaines. La perte de leur seul otage avait laissé à l'humanité un amer goût de défaite. Les soldats s'observaient d'un air morne. Les entraînements, habituellement pleins d'entrains et de bonne volonté, étaient réalisés par dépit et habitude. Pourtant, le major Smith avait tenté d'insuffler dans les esprits du bataillon la motivation nécessaire pour continuer. Le blond avait annoncé l'opération de reconquête de Shiganshina quelques jours auparavant, mais la morosité semblait toujours mener ses soldats par le bout du nez. Ils avaient une pléthore de temps avant de retourner au front, puisqu'il fallait recruter de nouveaux soldats et laisser les minutes panser les plaies.
Le Bataillon d'exploration n'était pas le seul à demeurer apathique. La reine Historia, ces dernières semaines, avait dépensé une fortune afin d'envoyer en mission tous les soldats capables à la recherche d'Ymir. Tous revinrent les mains vides. La détentrice du titan mâchoire semblait s'être envolée en même temps qu'Annie, et son amante tentait de se raccrocher à l'espoir futile de la trouver. Elle ignorait le sentiment diffus qui la rongeait. Elle ignorait cette sensation de vide et ses larmes dans la nuit. Elle ignorait cette certitude qui lui murmurait que, plus jamais, elle ne verrait son visage.
Cette attitude était le sujet principal des conversations de ses anciens amis, lorsqu'ils étaient attablés pour manger. Certains critiquaient le fait qu'elle gaspille tant de ressources « juste pour une fille ». D'autres la défendaient au nom de l'amour.
L'amour. Cela leur faisait faire n'importe quoi. Armin jeta un regard à la dérobée à Jean. Il défendait son amie quitte à hurler dans tout le réfectoire, Sasha à ses côtés. Ces deux-là étaient de grands romantiques, songea le blond.
« Je comprends totalement Historia ! De mon vivant, jamais je n'aurais arrêté de chercher celle que j'aime ! Jamais ! Bougonna le soldat. Elle a les ressources pour le faire, et je suis totalement de son côté !
- Historia est reine, l'interpella Eren. C'est son devoir de faire passer les intérêts du peuple avant le sien.
- Ymir est un titan ! C'est l'intérêt du peuple de la récupérer !
- L'intérêt du peuple est de reconquérir les murs ! Et de toute façon, je ne vois même pas pourquoi tu t'identifies à Historia... Mikasa ne risque pas de disparaître, vu qu'elle me colle toujours aux basques. »
Un long silence suivit sa remarque acerbe, et tous les regards convergèrent vers la jeune femme. Désintéressée par les tirades de ses amis, elle fixait d'un œil étrange sa soupe, jouant avec sa cuillère à faire onduler l'épais liquide. Elle n'avait même pas entendu les mots durs de son frère, trop perdue dans ses songes. Ce fut Sasha qui, rieuse, répondit pour son amie.
« Je n'en serais pas si sûr, à ta place, Eren... Le petit oiseau va bientôt quitter son nid !
- Pff, n'importe quoi... Je sais que ça ne changera pas. Jamais, murmura Jäger.
- Enflure, je ne te permets pas de parler comme ça de Mikasa ! »
Et la dispute était repartie. Au lieu de s'interroger sur ce que souhaitait dire Sasha, le stratège se perdit également dans ses pensées. Ses yeux faisaient les contours du visage de son ami bagarreur, et il se souvint malgré lui de cette fois où il avait compris. Il avait compris, au moment où ses doigts avaient pressé la queue de détente de son arme, que sa vie s'était accrochée à la sienne de manière inextricable. Il ne voyait que Mikasa, mais Armin ne voyait que lui. Il n'en voulait pas à son amie, ni même à Jean... Mais la douleur était bien là. Réelle, abrupte, inévitable. Le regard effrayé de son ami, le corps de leur ennemie qui chutait, et la souffrance. Cette souffrance d'avoir arraché une vie de ses petites mains. Cette certitude qu'il n'était qu'un assassin, et que plus jamais, il ne pourrait revenir en arrière... Arlert soupira et détourna le regard vers la taciturne, interrompant son examen de conscience en silence.
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「À mon signal, déchaîne les enfers」
FanfictionOn leur avait dit de rester à leur place, de ramper au lieu d'espérer, de s'incliner face aux autres. Mais ils n'écoutent jamais, n'est-ce-pas ? Ils maudissent le destin, les lois, les rois. Leurs désirs, leur audace, leur démesure. Les seules plaie...