I S A B E L L E
Malgré la proximité avec Gabin, il s'agissait de ma place habituelle, tout près de celle du roi. Devant cependant, personne ne siégeait.
— Hel a encore fait des dégâts, ce matin. Une dizaine de cadavres a été retrouvée entre Ayan et Mannah. Je fais confiance en mon peuple. La seule prison d'Arkan n'est remplie que de malfaiteurs, pas de meurtriers.
Il s'appuyait sur ses doigts en pattes de grenouille. L'éclat doré des lustres illuminait son teint mat. À l'exception de Celes, la tablée l'admirait.
— Qui plus est, Barron Slom nous a quittés cette semaine. Je pense que vous êtes tous au courant. On l'a assassiné, c'est le mot, d'une barbarie sans nom... ou presque.
Le mélodrame dans sa voix devait l'excéder aussi, surtout qu'il avait placardé son visage sur l'ensemble de l'île dans le vulgaire but de lui pourrir la vie. Car en vérité, le patron angélique méritait de mourir. Nous le savions tous, même Gabin. Cependant, la fraternité faussée qu'ils avaient échangée durant ces années l'aveuglait. Il avait abusé de lui, de ses pouvoirs, de son âme influençable. J'ignorais comment il avait obtenu son poste.
Son monologue s'éternisa. Il relatait les exploits de son ami, comment il avait réussi à équilibrer notre société, à permettre les anges de s'épanouir, jusqu'à ce que sa vie soit écourtée, là encore, inhumainement.
— Gabin, l'interrompis-je. Je ne l'ai pas amenée pour que tu puisses l'humilier en public.
Ils ne connaissaient que ça — même si par public, je voulais dire les rares élus. Quelques maires d'Arkan, employés fidèles du Palace, et amis, bien sûr. Celes et moi étions de trop, mais après tout, il était facilement influençable. Cela me dégoûtait, mais je n'avais qu'à lui faire croire qu'il avait toujours une chance avec moi. J'avais de quoi le faire chanter.
— Je ne me permettrais pas ! s'offusqua-t-il. Même les meurtriers ont besoin d'un minimum de dignité...
— Vous voulez parler de dignité ? s'insurgea Celes.
Sa poigne flanqua un coup à la table et sa chaise grinça lorsqu'elle se releva. Le gouverneur n'avait pas les mains propres. Prions pour qu'elle le remette à sa place.
— Toute votre vie, vous l'avez aidé à tuer des familles, tuer des gens pour en faire des anges, tout ça pour agrandir sa petite armée personnelle. Vous cachez des tas de choses qui auraient pu aider la population comme votre hôpital, vous...
Sa respiration s'était accélérée, elle perdait ses mots. Ses cheveux masquèrent son visage ennuyé. Gabin appela aux gardes.
— Je suis désolé, je ne peux pas vous laisser compromettre cette réunion, demoiselle.
Deux vilains gaillards fracassèrent les portes d'entrée et se ruèrent vers Celes. Je devais les interrompre. Nous avions fait un accord ! Mes talons crissèrent contre le sol, mais mon dos se bloqua. Un coup de jus, une paralysie — je grimaçai.
— Votre manque de reconnaissance m'oblige à me débarrasser de votre ami l'hybride. Je n'ai de place que pour les fidèles. Vous le récupérerez en partant. N'est-ce pas, Isabelle ?
Je grognai, la tête baissée. Les deux hommes immobilisèrent Celes contre le mur, mais elle ne lutta pas. Dans un silence funeste, ils la tirèrent hors de la salle. Je toussai ma douleur.
Où avait-elle voulu en venir ? Comment avait-il pu l'aider à... former son armée ?
— Bien. Reprenons. Nous allons pouvoir tacler le sujet principal qui n'est nul autre que le sort de notre chère île. Comme vous le savez, elle s'est malencontreusement retrouvée en proie à la déesse de la mort.
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TRANSES 2: Conjuration
FantastiqueLe résumé ci-dessous contient des spoils du tome 1 ! Lisez à vos risques et périls ! _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ L'équilibre de l'univers menace de se briser lorsque Hel, la déesse des morts, est relâchée dans la nature. Conscients de leurs erre...