TRANSES 2: Conjuration

Chapitre 18.2

E N E K O

          Le micro s'éteignit. Les deux interlocuteurs se précipitèrent hors de la salle sans répondre aux potentielles questions, nous laissant dubitatifs. La foule m'entraîna dans sa stupeur, sa sortie dramatique. On me bousculait et m'aplatissait dans tous les sens. Des doigts glissèrent sur mes phalanges, je virevoltai — Malek. Je les étreignis, sa poigne se raffermit et je le tirai hors de cette pièce étouffante. Dans le couloir, au cœur de visages et d'esprits confus, une tête du lot par sa taille et son éclat roux. Je me réfugiai près d'elle et la saluai.

— Celes ! Ça va ? s'enjoua le brun.

Elle faussa un sourire comme elle en avait l'habitude.

— On fait avec. Je vois que je suis un peu en retard. Aurais-je loupé des potins croustillants ?

Malek lui résuma le discours de bout en bout. Là, son aveu me frappa en plein cœur — il me l'avait sorti de nulle part ! Je lui cognai l'épaule, sans savoir pourquoi.

— Toi ! C'est quoi ce délire, avec tes parents ?

La soldate, visiblement intriguée, me rejoignit pour accabler le garçon de regards curieux. Me concernant, j'étais plus inquiet qu'autre chose.

— D'abord, faudrait peut-être que j'lui explique ce qu'il s'est passé ce matin, se moqua-t-il avec légèreté.

Il avoua la vérité à Celes : ce qui coulait dans ses veines, pourquoi et depuis quand, ainsi que ce qu'il avait appris des soi-disant parents de Sonja. Là où j'étais à deux doigts de craquer tout à l'heure, la guerrière, droite comme un pic, respirait le calme et la douceur, malgré des iris égarés.

— Et tu penses que le gouvernement est derrière tout ça ? s'assura-t-elle.

— On m'l'a dit.

— Cela n'en fait pas une vérité.

— Et ce qu'Isabelle a dit sur l'gouverneur ? C'est chelou, non ? L'patron a pas arrêté de vouloir la faire taire.

J'opinai. Elle gratta ses joues boursouflées et parsemées de taches de rousseur. Un soupir trahit son incertitude. Pour ne pas s'éterniser dans ce couloir dépeuplé, elle nous proposa de manger dans le réfectoire de l'Angélique. Une fois assis sur une table ronde avec nos assiettes de riz, la conversation reprit de plus belle.

— Je pense que l'on est tous d'accord pour dire que l'on nous cache quelque chose, affirma-t-elle. Cependant moi, ce qui m'inquiète, c'est Hel... et même s'il est tête brûlée et a le sang chaud, Valck reste un compagnon. Nous n'avons toujours aucune idée d'où il peut se trouver...

— On a juste eu de la chance, la dernière fois...

Après tout, nous n'avions pas prévu que Yuri survive. Nous ne savions même pas que c'était possible, alors que faire ?

— J'suis désolé, mais moi, j'suis plus inquiet pour ma famille ! gronda Malek. Pourquoi tout l'monde a l'air de s'foutre de c'que j'dis !

— Je t'entends, Malek. Cependant, je dois me concentrer sur le bien commun. C'est mon travail, mon rôle, ici.

Le concerné claqua sa langue et secoua son crâne. Ses deux bouchées furent si féroces que des grains de riz tachèrent la mélanine de son visage anguleux. Je l'aimais, malgré tout. Il n'était pas habitué à... ce qu'il était devenu, et en plus de ça, on le menaçait. Si Isabelle disait vrai quant à l'émancipation de la déesse, alors une seule personne se trouvait au centre de tous nos problèmes. Je posai cartes sur table.

— ll faut aider Isabelle avec le gouverneur. Elle nous a dit qu'elle allait tenter d'obtenir des réponses, elle le connaît. Et... c'est évident qu'elle connaît aussi le patron, et vu sa réaction, que lui-même connaît le gouverneur. C'est peut-être ça qui lui prend du temps.