Double Tap [TERMINÉE]

Chapitre 16 :

Mon BAC blanc est un véritable fiasco.

Quand je sors de ma dernière épreuve, je me dis que je dois tout faire pour que mes parents ne reçoivent jamais le bulletin de ce trimestre.

Caroline semble faire la même tête que moi, les cernes en plus.

Depuis que Marc a posté les photos sur un site pornographique, ma meilleure amie ne veut plus aller dehors en cours de récréation. Elle a peur que des élèves (majoritairement des garçons) l'aient vue sur le site et la reconnaisse. Du coup, je n'ai pas pris l'air de toute la journée et je sens que mon esprit va bientôt exploser si je continue comme ça.

Ma meilleure amie me fait signe qu'elle va rejoindre Naëlle et je décide donc de partir de mon côté.

Pas de métro pour moi aujourd'hui, j'ai envie de marcher.

Surtout que mon rendez-vous avec Rick ne commence pas avant 20 heure. J'ai trois longues heures devant moi pour rentrer, me changer et me préparer psychologiquement à ce que cette soirée soit la plus belle possible. Et la plus stressante aussi.

Dans mon dos, je reconnais la démarche de Matthieu.

- Eh, Jolie !

Je ralentis et pivote légèrement pour le regarder. Il a plutôt bonne mine et je découvre même son regard pétillant. Il boite cependant plus que d'habitude.

- Dis, tu ne devais pas consulter un nouveau médecin ? 

Les trois précédents n'avaient pas su lui donner un traitement efficace contre ses douleurs, particulièrement nocturnes. 

- Si, j'ai un rendez-vous dans une semaine environ.

Je ne veux pas que son sourire cesse mais je me devais de poser la question. Il n'aime pas en parler, mais je ne serais pas sa meilleure amie si je ne me préoccupais pas de ça. Je ne connais pas vraiment son ressenti... il n'en parle jamais. Je ne sais pas s'il souffre de cette condition, s'il n'y prête pas attention. Je ne sais rien. Suis-je fautive de ne pas m'intéresser plus que ça ? Peut-être, mais Matthieu n'est pas du genre à se plaindre. Même en demandant, je suis certaine d'avoir une réponse toute faite pour ne pas que je m'inquiète. 

Il me fera toujours passer avant lui. 

Étrangement, Matthieu possède toujours son magnifique sourire, ses yeux bleus sont plissés tellement ses joues remontent haut. Il n'est pas vexé que j'aborde les questions de sa jambe. 

Je le trouve sublime.

- Tu t'en es sortie ?

Changement de sujet : BAC blanc.

- Oh ne m'en parle pas ! Je pense que mes parents vont me tuer quand ils vont voir mes notes.

Il me bouscule légèrement et je manque de perdre l'équilibre. Il se met à rigoler tout seul. Je suis étonnée qu'il ne me lance pas un regard mauvais en coin. Après tout, si j'ai complètement loupé mon BAC blanc c'est à cause de la convention et donc d'Instagram...

- Moi c'est tout le contraire, lance-t-il tout excité, je crois que j'ai tout déchiré ! C'est pas faute d'avoir révisé aussi.

Il se racle ensuite la gorge et je sens son regard qui glisse vers moi.

- Je te remercie, pour ton message d'hier, continue-t-il.

J'essaie de garder les yeux rivés sur le trottoir. J'ai la gorge soudain sèche et le rose me monte aux joues.

- C'est plutôt moi qui devrais te remercier de m'avoir écrit. Ton SMS m'a touchée.

- C'était le but. Et j'étais sincère.

Je le sens ralentir un peu, alors je fais de même. Nous arrivons bientôt au croisement, celui où nous devons normalement nous dire au revoir. Je sens que l'ambiance devient lourde.

- Tu n'as rien loupé, c'était une simple convention, avec pleins de monde, du bruit à outrance et une chaleur horrible.

J'essaie de le regarder maintenant que nous sommes arrêtés sur le trottoir mais j'ai du mal à fixer ses yeux. Son regard semble me consumer, me dévorer toute entière, comme je l'ai imaginé avec Rick dans la douche.

Sauf que c'est bien Matthieu qui est en face de moi.

- Je t'ai loupé toi.

Il s'avance d'un tout petit pas et m'enlace tendrement. Son corps est chaud et le mien réagit étrangement. Je ne suis ni tendue, ni détendue. Simplement dans l'attente de quelque chose.

- Matthieu...

Il faut qu'il me laisse. Je ne veux pas le faire souffrir. J'aime Rick. J'essaie de le dégager, sans succès.

- Tu dois juste comprendre, Marjorie, que je peux faire des sacrifices. Pour toi.

Il parle d'Instagram, encore et toujours. Cette fois, cependant, je ne suis pas agacée, plutôt soulagée. Je n'ai plus envie de me battre contre lui.

- Je vais te soutenir désormais, d'accord ? Tu peux tout me dire, je te promets que je ne serai plus médisant. Je vais t'encourager car je sais que c'est ce que tu attends de moi.

Mon cerveau n'arrive pas à tout enregistrer. Il ne comprend pas comment on a pu en arriver là. Comment Matthieu a pu travailler autant sur lui-même afin de réussir à me dire ces quelques mots ? Inconsciemment je le sais. Je sais pourquoi il fait ça. Je sais pourquoi il sourit contre ma joue et qu'il ne me dit pas ces phrases en me regardant droit dans les yeux.

- Tu n'as pas à...

- Tu le vois ce soir, non ?

Il est toujours collé contre moi, son souffle caresse ma joue. Sa nonchalance est feinte mais je suis soulagée qu'il ramène le sujet sur Rick. Il sait que je ne suis pas disponible pour lui.

Pourquoi ai-je un pincement au coeur alors ?

- Oui.

- J'espère que ça se passera bien.

Matthieu se redresse lentement, son visage reste à quelques centimètres du mien. J'ai les yeux écarquillés devant les siens presque souriants. Son souffle m'enveloppe toute entière, j'ai le coeur qui bat. Ses lèvres sont entrouvertes et ses mains toujours sur mon corps.

J'ai envie de l'embrasser.

Non !

Il ne faut pas.

- Si jamais, murmure-t-il, tu sais où me trouver.

Il se redresse vivement, éclatant par la même occasion la bulle qui nous unissait. Tout devient alors trop bruyant, trop odorant, trop fatiguant. J'étais tellement bien, quelques instants, entre ses bras.

- Merci, balbutie-je.

Je sens que mes joues me brûlent et j'ai le cœur qui se serre de nouveau quand je le vois s'éloigner lentement, sa jambe l'empêchant d'aller plus vite.

Il se retourne une dernière fois avant de changer de rue. Son sourire en coin me nargue.

Cette fois, c'est moi qui ne le quitte pas du regard.