Chapitre 20 :

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Le magasin de mes parents va mal.

Je le vois bien car j'ai devant moi la caisse : presque vide.

Je sais que les gens payent en carte bleue maintenant, mais j'ai aussi accès à ce genre de résultats et je peux affirmer qu'ils ne sont pas bons non plus.

Le visage tiré de ma mère est aussi une aide supplémentaire pour comprendre que les temps sont durs.

Nous sommes mercredi, soit deux jours après l'annonce de mes résultats scolaires catastrophiques. J'ai déjà commencé à travailler pour mes parents après les cours et notamment les mercredis après-midi une fois mes devoirs terminés. Je dois avouer que je n'e suis pas retournée dans leur magasin depuis que Charlotte a décidé de partir car mon père m'a assuré qu'il n'y avait pas besoin de renfort.

Il a sûrement fait une erreur. J'aurai du le voir, moi aussi, j'aurai dû proposer mon aide. Insister.

J'étais trop occupée à draguer Rick et à répondre à mes abonnés sur Instagram.

Je m'en mord les doigts aujourd'hui, sans aucun doute.

Il est dix-sept heure trente, nous fermons à vingt-heure, j'ai encore du temps devant moi pour terminer la mise en rayon des pommes reçues ce matin. Mais avant ça, il faut absolument que j'aille aux toilettes.

- Maman, je peux prendre une petite pause ?

Je ne vois pas ma mère dans le rayon des céréales alors je me tourne vers mon père qui continue de porter des caisses dans la réserve.

- Oui Marjorie, tu peux y aller, je vais prendre le relais à la caisse.

- Attends ! s'écrit soudainement ma mère en revenant de je ne sais où. Avant ça, va me chercher les betteraves que j'ai laissé dehors. Personne ne les achètent alors autant bien les conserver à l'intérieur.

- Ça ne peut pas attendre qu'elle aie prit sa pause ? Demande mon père en soupirant.

Je n'ai pas envie qu'ils se disputent ici, même s'il n'y a personne dans le magasin pour l'instant.

- J'y vais.

Je me dirige alors vers l'extérieur en regardant mes pieds. L'espace d'un instant je me rend compte à quel point mes basket sont vieilles et paraissent négligées. Mais elles sont si confortables que je ne peux me résoudre à les jeter. Dans un coin de ma tête, je me dis que si je croise un abonné en sortant, il aura de quoi m'afficher sur les réseaux sociaux.

Les betteraves sont effectivement peu achetées, aucune n'a même été bougée de place depuis que je suis arrivée à quinze-heure. Je me retrousse les manches et décide de prendre la palette en entier.

- Attends, tu vas te faire mal.

En effet, ma prise est très mauvaise et je manque de lâcher le tout.

Rick récupère le bout droit de la palette et la replace ensuite sur le banc. Je suis bouche-bée de le voir là, dans son magnifique manteau d'hiver, les mains désormais sales.

- Salut, fait-il.

- Salut, je réponds en me frottant les yeux avec le dos de ma main.

Il est resplendissant. Son teint est moins bronzé que d'habitude, ce qui fait ressortir sa bouche rose.

- Comment vas-tu ?

- Euh... je vais bien. Je travaille. Je ne sais pas si tu as reçu mon message lundi.

Puisque tu n'as pas répondu.

Si, mais je pense que c'est de l'histoire ancienne désormais.

Il me fait un petit clin d'œil. Je fronce les sourcils. De quoi parle-t-il ?

- Hein ?

Il esquisse un sourire charmeur et se rapproche pour m'embrasser sur le front.

- Tu comprendras vite.

Son souffle chaud me ramène il y a maintenant deux semaines devant mon appartement, lorsque nous nous sommes embrassés. J'aurai pu être en colère contre lui du fait qu'il ne m'ai pas donné de nouvelles mais le fait qu'il vienne de me toucher a changé mon humeur immédiatement.

Je sais que j'ai le rose aux joues, je le vois dans le sourire narquois qu'il me lance avant de s'éloigner.

- On se voit samedi !

Je lève une main pour le saluer, complètement perdue. Je cligne plusieurs fois des yeux. Était-ce un mirage ? Un rêve ? Suis-je à ce point en manque pour me faire mes propres conversations fantômes avec lui ?

Je décide de rentrer dans le magasin.

- Alors, où sont mes betteraves ? Lance ma mère en souriant.

Je vois ses yeux, ils pétillent de malice. Elle l'a vu. C'est pour ça qu'elle voulait que je sorte, pour que je puisse lui parler.

- Elles sont très bien où elles sont tes betteraves, annonce mon père en se retenant de rire.

Il a vu lui aussi. Ils ont du m'observer depuis le magasin.

- Ce n'est pas vous qui avez...

- Non, il est venu de lui-même, coupe ma mère en se dirigeant vers son rayon.

Je suis rassurée. ça veut dire que Rick est venu parce qu'il avait envie de me voir et non pas parce que mes parents ont décidé de contrôler ma vie jusqu'à décider où et quand je peux voir mon petit ami.

Au fond, même s'ils avaient fait ça, je n'aurai pas pu leur en vouloir.

J'aime tellement mes parents.

- Je peux quand même aller prendre ma pause ?

Mes parents explosent de rire. Quand ils ont fini, mon père secoue énergiquement la tête.

- Tu viens de la prendre, ma chérie. Ne pousse pas trop quand même.

- Je peux au moins aller aux toilettes ? S'il te plaît Papa !

- Chérie, tu peux accompagner Marjorie aux toilettes ?

Je lève les yeux au ciel.

- Laisse tomber, je n'ai plus envie.

Je me replace derrière ma caisse et souhaite la bienvenue à un nouveau client. Dans mon dos, mes deux parents se retiennent difficilement de rire.

Les affaires ne marchent pas très bien ici, mais j'ai l'impression que mes parents sont plus complices que jamais.

Et ça, ça vaut tout l'or du monde.  

Double Tap [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant