Une si douce rencontre

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J'avais quitté mon domicile à 3 h du matin, n'arrivant pas à trouver le sommeil et, cette route monotone, de jour comme de nuit, ne facilitait en rien mon trajet tant elle semblait ne jamais prendre fin. Il me fallait m'arrêter. Me requinquer. Un paquet de biscuits, un caramel Macchiato et une cigarette me ferait le plus grand bien.

A cet instant, je pouvais encore entendre ma mère me marteler les oreilles :

"Quand vas-tu arrêter de t'empoisonner la vie avec ces cochonneries ?" Me disait-elle en écrasant son propre mégot, celui-là même qui s'apprêtait à lui brûler les doigts.

Elle était la mauvaise foi incarnée, mais que c'était bon de rire à ses côtés.

Un coup d'oeil à ma montre me fit toutefois prendre conscience qu'il était temps de me remettre en chemin et pour cause, le rendez-vous avait lieu en fin de matinée. "11h30 précises !" m'avait indiqué la secrétaire. Il ne fallait pas traîner si je désirais me rafraîchir et me changer sans pour autant être pied au plancher. Plus les panneaux défilaient et plus je voyais mon but se rapprocher jusqu'à finalement distinguer, sous mes yeux éberlués :

L'Empire State Building.

9h25 : J'y étais. Nous y étions. Ensemble ! Bien que seule dans l'habitacle.

Soudainement irritée par un déferlement de sons venus de toute part, interrompant ma contemplation et visant à m'informer du ralentissement que j'avais provoquée sur le boulevard, la pression de mes mains sur mon volant et celle de mes pieds sur les pédales se firent mordantes, laissant mes pneus crisser bruyamment sous l'assaut d'un demi-tour parfaitement contrôlé devant les yeux ébahis de mes congénères.

Le policier à quelques mètres de là n'en avait pas raté une miette lui non plus, mais avant qu'il ne puisse arriver à ma hauteur, je lui avais faussé compagnie, m'engouffrant dans un parking sous terrain, suivi de près par un motard.

Premier étage en contrebas : complet... Et cette magnifique Ducati derrière moi... Deuxième étage en contrebas : complet... Et cette musculature imposante sous une veste ajustée à la perfection... Troisième étage en contrebas : complet... Concentre-toi Lenny, me répétais-je inlassablement attiré par la vue que m'offrait mon rétroviseur.... Quatrième étage en contrebas... Garée et enfin seule.

Libérée de cette ceinture qui semblait compresser ma poitrine, je pouvais enfin m'extirper de mon véhicule afin d'ouvrir mon bagage.

Adieu les baskets et bonjour les escarpins.

J'y étais habituée depuis bien longtemps, mais je n'avais pris plaisir à les porter que récemment. Reprenant doucement confiance en moi et ayant pour résolution de retrouver tout mon potentiel de séduction, mes souliers à talons s'avéraient être des armes redoutables étant donné la posture droite qu'ils m'imposaient de conserver tout en travaillant ma démarche, disons le, dorénavant, plus chaloupée.

Me délaissant également de mon sweat à capuche pour un pull émeraude, bien plus adapté aux circonstances de ma visite officielle et cela après avoir jeté un rapide d'oeil coup alentour, je fus surprise d'entendre un intense vrombissement, me faisant instantanément pivoter dans sa direction.

Au grand dam de ma pudeur, la poignée de secondes nécessaire à me rendre décente ne s'étaient pas écouler le temps que le propriétaire du bolide n'arrive à ma hauteur et tandis que j'en étais encore à revêtir de tissu la dentelle de mes sous-vêtements d'un geste maladroit, je le vis relever la visière de son casque :

"Joli dérapage !" Me dit-il dans un clin d'oeil.

"Merci." Murmurais-je bêtement avant de le voir reprendre de la vitesse.

Manquerais plus que tu t'amouraches du premier mec venu...

Tout en chassant cette idée saugrenue de ma tête, j'avais donc tâcher de parfaire mon allure, rageant contre le manque de luminosité artificielle, tu t'attendais à quoi ici ma grande....

A bien y regarder, ce n'était pas si mal au vu du manque de moyens. Il me fallait désormais prendre la direction des ascenseurs et alors que je m'y engouffrais sans trop de difficultés, observant nombre de silhouettes tapisser le fond la cabine dans l'indifférence collective, une voix masculine se fit entendre, nous clamant de retenir la machine infernale.

Etant la plus proche des portes, je m'étais alors risquée à apposer ma main à proximité du voyant de détection, sous les yeux des autres usagers indignés, pestant contre moi à grand renfort de soupirs grossiers. Guettant une arrivée, que j'espérais imminente au risque de me faire chasser à mon tour, j'eus pourtant un mouvement de recul en entendant des pas se rapprocher, distinguant d'abord un casque, un cuir avant de me délecter du regard rivé au mien.

"Merci, je crois que je ne dois mon arrivée en ces lieux qu'à votre simple présence !"

Le gratifiant d'un sourire qu'il me rendit au centuple, je planais littéralement espérant que notre ascension vers le rez-de-chaussée dure suffisamment pour me rassasier de ce parfum envoûtant quand tout à coup, un bruit aigu me ramena sur la terre ferme, m'informant que le temps était venu pour moi d'affronter La Big Apple dans tout ce qu'elle avait de plus terrifiant.

Marchant à pas de loups au pays de la démesure, je tâchais d'analyser les éléments à ma portée, de déchiffrer les codes de ce monde encore inconnu, d'esquiver la rencontre brutale entre mes jambes et une nuée d'attachés-case quand tout à coup une voix délicate vint me sortir de mon mutisme, m'empêchant d'être consumer par l'émotion.

??? : Bonjour ! Me dit-il simplement.

Lenny : Salut, Dis-je en tâchant de remettre de l'ordre dans mes idées qui semblaient se brouiller davantage à mesure qu'il passait la main dans ses beaux cheveux bruns ébouriffés!

??? : Loin de moi l'idée de vous être désagréable mais vous m'avez l'air perdue, je me trompe ?

Lenny : Je le reconnais, vous êtes perspicace mais vous seriez vous subitement précipité pour me venir en aide ? Répondis-je aussi interloquée que moqueuse !

??? : Absolument ! La bonté incarnée et puis, ce n'est que juste retour des choses après que vous m'ayez permis de grimper les étages en votre compagnie.

Lenny : Quelle chance ! Moi qui croyais que les princes n'existaient que dans les contes.

??? : Ne vous fiez jamais aux apparences Gente Dame et laisser les princes de pacotille aux demoiselles sans imagination. Pardonnez-moi je ne me suis pas présenté.... Matt Ortega !

Sa répartie me coupait le souffle à tel point que j'en bégayais à présent :

Lenny : Enchantée Matt Ortega, Lenny... Lenny Smith. Dis-je en lui tendant une main qu'il serra volontiers avant de me suggérer le tutoiement bien plus adapté à notre jeune âge.

Matt : M'autoriserais-tu à t'offrir un café ?

Lenny : Et bien, je ne sais pas, tu semblais pressé il y a encore quelques minutes !

Matt : Observatrice en plus de ça mais je n'aurais pas tous les jours l'occasion pour un tête à tête avec une pilote à tendance fugitive, égarée qui plus est ! Sans parler du fait que je n'ai pas habitué mon supérieur à une quelconque forme de ponctualité. Il risquerait un choc !

Lenny : Si la vie d'un homme est en jeu, il se trouve que j'ai une heure à tuer !

Matt : Parfait ! 

Nos rires complices et les claquements répétitifs de mes talons sur le marbre n'avaient cependant échappé en rien à une jolie blonde, non loin de la, qui nous regardait sans faire preuve de la plus infime discrétion, un sourire aux lèvres.

Alliée ou Rivale ? La journée s'annonçait bien plus intéressante qu'il n'y paraissait.

Son coeur contre le mien : is it love MattOù les histoires vivent. Découvrez maintenant