De mal en pie

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La journée du lendemain s'était déroulée dans un silence digne d'une cathédrale et cela malgré le passage éclair de Daryl et de Lisa qui avaient fait acte de présence pour l'heure du déjeuner. Matt et moi-même étions assis chacun à l'opposé de mon salon. Oui, MON salon qu'il s'apprêtait à quitter pour une guerre de gangs. Une guerre comme beaucoup d'autres : inutile, puérile et vaine qui ne pourrait se finir que dans un bain de sang.

Je pouvais sentir son regard en chien de faïence scruter la plus infime de mes réactions avec prudence. Un soupir, un battement de cil, la pression de ma main sur les couverts que je disposais sur la table, la manière que j'avais eu de reposer mon verre de vin fermement après l'avoir bu d'un trait. Il pouvait bien me détailler, me peindre en l'état, il était hors de question que je lui rende ce contact visuel penaud dont il me gratifiait, sachant pourtant trop bien que le temps viendrait vite à manquer. Loin de me douter du peu qu'il nous restait.

Lenny : Donc, il paraît que tu restes me « garder » ? Avais-je dit à Lisa en jetant finalement un regard assassin à mon futur mari tout à coup très intéressé par l'allure de ses chaussures.

Lisa : Je préfère appeler ça des vacances ! Tout le monde ici sait pertinemment que tu es assez grande pour mener ta vie comme ça te chante.

Lenny : Suffisamment grande pour mener ma vie oui, pour finir veuve avant d'avoir eu l'occasion de porter une belle robe blanche ou de regarder un anneau fleurir mon annulaire. Suffisamment grande aussi pour être une mère célibataire avant d'avoir franchi le cap de la trentaine ! Tu parles d'un CV !

Matt : Tsss....

Lenny : Tu as un commentaire à faire ? Quelque chose a dire ? Je t'en prie, profite de ton audience !

Matt : Non...

Lenny : Tu m'étonnes... Grognais-je, ne pouvant retenir plus longtemps un rire sarcastique en retournant vers la cuisine lorsque le clown de service s'empressa de commenter.

Daryl : Sérieusement, elle ne te fait jamais penser à Ma' quand elle s'énerve ? Avait-il dit à son frère qui n'avait pu s'empêcher d'esquisser un sourire que je lui aurais volontiers fait ravaler.

Lenny : Fais le malin toi aussi mais tant que tu fais partie intégrante du monde des vivants, dis-moi, que devrais-je faire écrire sur ta pierre tombale ?

Daryl : C'est qu'elle mordrait la gamine !

Lenny : Imagine ça : Au bonheur des dames ? A notre chef ? Craint de tous ? Ça en jette suffisamment à ton goût ?

Daryl : A bien y réfléchir, ça n'est pas la pire chose qu'il pourrait rester de moi !

Lenny : Bien entendu ça t'amuse tout ça... Le danger, la vitesse et l'adrénaline mais devoir expliquer à une gamine qui n'a rien demandé à personne que la seule famille qu'il lui reste c'est sa mère et son arrière-grand-mère à l'autre bout du pays, lui dire que son père et son oncle étaient bien trop occupés à foutre leurs nez dans des embrouilles plus grosses que leurs conneries respectives, ça te plairait sans doute beaucoup moins !

Lisa : Ma puce....

Lenny : Je te demande pardon Lisa, tu es bien la seule que j'ai envie de voir mais c'en est trop pour moi ! Je dois y aller...

Lisa : Fais attention Ma Belle ! Le vent est frais dehors.

Lenny : Merci Ma Lisa, mais la tornade ici est bien plus glaçante et sournoise que ne le sont les bas fonds de Chicago.

Matt : Lenny, attend s'il te plaît ! Avait-il dit d'une voix ferme en me voyant enfiler un manteau épais, me rejoignant dans l'entrée.

Lenny : Non ! Ne t'avises pas de me suivre ou de me parler. J'ai seulement besoin de temps et d'espace. Tu permets ? J'en viens à me demander si... Pfff...

Son coeur contre le mien : is it love MattOù les histoires vivent. Découvrez maintenant