Une journée mouvementée

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Matt : Alors Lenny, Lenny Smith ? Que vaut à New-York l'honneur de ta visite ? Dit-il, non sans me rappeler gentiment mon bégaiement.

Lenny : Un rendez-vous important. Une longue histoire.

Matt : Je vois et combien restes-tu ici ?

Lenny : A priori, aujourd'hui seulement, demain peut-être, à moins que la ville ne me donne une bonne raison de rester.

Matt : Tu as le don d'aiguiser ma curiosité déjà bien affutée !

Lenny : Je suis en recherche d'emploi dans le journalisme, la rédaction, l'assistanat ou tout ce qui s'y rattache, j'ai plusieurs cordes à mon arc, si tu entends parler de quelque chose.

Matt : Ca se pourrait bien... !

Lenny : Et toi ? Que fais-tu ici ? Tu vis à New-York ?

Matt : Je vis à Brooklyn et je suis graphiste à Carter Corp. 42 ème étage.

Lenny : Il y a de quoi avoir le vertige !

Matt : Pas de quoi quitter mon siège pour ça Princesse !

Lenny : Princesse ? Vraiment ?

Matt : Vois ça comme un surnom affectueux, en guise d'une amitié nouvelle.

Durant plus d'une heure, nous nous étions donc apprivoisés avec cette étincelle qui semblait réveiller un coeur mis trop longtemps au repos. Il avait fait souffler autour de moi un vent de fraîcheur dès notre premier échange et je craignais qu'il entrevoie mon trouble.
Tout en l'écoutant plaisanter, je me rappelais les mots de ma mère :

"Un amour te dévorera de l'intérieur ma chérie, alors même que tu n'y seras pas préparée.
Tu ne le verras pas venir, tu le subiras de la plus merveilleuse des façons. Il t'arrivera peut-être de souffrir à ses côtés, mais tu te sentiras vivre comme avec aucun autre." 

Reportant à nouveau toute mon attention sur lui durant quelques minutes supplémentaires, je ne pouvais me résoudre à croire qu'un homme tel que lui, protecteur, à l'humour potache et me laissant deviner sous ses couches de vêtements, un corps d'apollon, pourrait devenir celui la même qui bouleverserai mon âme torturée. Moi et ma folie des grandeurs...

Saisissant mon poignet pour consulter ma montre et dissimuler mon émoi, je fus horrifiée de constater que notre étourdissante parenthèse n'avait en rien arrêter les aiguilles de tourner : 11h. Merde !

Matt : Tout va bien, Lenny ?

Lenny : Je te demande pardon, je n'ai pas vu l'heure passée !

Matt : Je t'en prie, tu ne risques pas d'être en retard par ma faute au moins ?

Lenny : J'espère que non ! J'ai passé un excellent moment en ta compagnie ! A une prochaine fois peut être ! Dis-je déposant un billet sur la table servant à régler nos consommations avant de quitter mon siège.

Ma besace à l'épaule, ma veste sur le bras, je m'apprêtais à fuir, pourtant tiraillée par l'envie de rester. Ne souhaitant plus nourrir aucun regret et cela au risque de me brûler les ailes, je me vis, guidée par un instinct primitif, contourner la table qui avait accueilli notre premier rendez-vous et sur laquelle il était toujours accoudé pour planter une légère et délicate bise sur sa joue avant de m'autoriser à lui rendre ce clin d'oeil furtif qu'il m'avait offert un peu plus tôt dans la matinée.

Lenny : Bye Beau Brun !

Matt : Beau Brun hein ? Dit-il, agréablement surpris.

Lenny : Vois ça comme un surnom affectueux, en guise d'une amitié nouvelle.

M'engouffrant à pleine vitesse dans les escaliers du métropolitain, ne tenant pas à subir, une fois de plus, les affres de la circulation telle que me les avait décrites un pilier de bar au grand coeur de ma campagne, se rappelant, devant un verre de Scotch, ses années de gloire sur la 5ème avenue, j'eus bien du mal à contenir les frissons qui n'en finissait plus de se répercuter le long de ma colonne vertébrale tant son contact avait fait naitre une pulsion animale au creux de mes entrailles. Il me fallut occulter temporairement cet état de fait puis courir sur mes talons, mais enfin j'avais rejoint l'immeuble abritant l'office notarial. 11h29. Ouf !

Je fus accueilli d'abord dans une sordide salle d'attente puis finalement dans une immense pièce sombre ou les étagères étaient littéralement englouties par des encyclopédies de couleurs, de formes différentes, aux reliures dorées et déclinées dans un nombre indécent de volumes au milieu desquelles, trônait un bureau en chêne massif dénué de toute fantaisie.
Il me semblait avoir franchi les portes du Doyen d'Harvard tel que je me l'étais toujours imaginé à travers les différents films, séries ou navets devant lesquelles je trompais ma solitude.

Après m'avoir invité à m'asseoir, Monsieur Anderson s'était lancé dans l'énonciation d'interminables textes de loi et m'avait informé des us et coutumes légales pour faire respecter les derniers souhaits de "la défunte" telle qu'il l'appelait.

Cela avait le don de m'exaspérer. Elle avait un nom et sûrement une bonne raison pour l'avoir choisi, lui, plutôt que quiconque à distance raisonnable de notre lieu de résidence. Dans un silence religieux, il me faisait parapher puis signer des centaines de pages et lorsque enfin le supplice arriva à son terme, il m'annonça la dite légation. Une somme exorbitante... A 6 chiffres.

Comment était ce seulement possible ?

Il ne tarda pas à m'expliquer qu'en réalité, ma mère avait secrètement épargné depuis ma naissance puis investie en bourse par l'intermédiaire d'un courtier pour faire fructifier son capital. Souhaitant me mettre à l'abri de ses dettes, voulant m'apporter de l'aide dans tous les pans de ma vie si un jour, elle devait ne plus en faire partie.

Je n'en revenais pas. Il n'était plus question que de quelques jours avant que les fonds ne soient levés résolvant une de mes plus grandes énigmes, pour autant, la reconnaissance que je portais à la femme qui m'avait donné la vie n'avait d'égal que le manque qu'elle avait laissé.

Mon rêve de venir vivre ici était-il à porter de main ?

Une petite voix semblait me dire qu'elle avait tout anticipé pour cela ! 
La tête m'en tournait et, sans trop savoir comment, me souvenant pourtant d'avoir hélé un taxi pour m'affaler lamentablement sur sa banquette, la vision brouillée de larmes et le ventre parcouru de spasmes, j'étais de retour dans ce hall monumental.

Soudain, je fus interpellé par la jeune femme au poste d'accueil qui m'avait observer avec intérêt partir avec Matt et qui désormais me souriait chaleureusement : 

.... : Lenny ? N'est-ce pas ?

Lenny : Oui... Bonjour, Excusez-moi mais....

.... : Je suis Lisa, une amie de Matt. Rien qu'une amie ! Avait-elle cru bon de rajouter pendant que je craignais que mon visage ne trahisse un sentiment de jalousie. Je vous ai vu ensemble ce matin et il m'a informée de ta recherche de travail. Si cela t'intéresse, il y a peut-être bien une place pour toi ici !

Lenny : Oui.... Peut-être... Je... Je ne sais pas !

Lisa : Tout va bien ? Tu me semblais plus loquace en compagnie de la gente masculine ! Me dit-elle d'humeur taquine.

Lenny : Je te demande pardon mais je... Je sors d'une matinée compliquée.

Lisa : Je n'ai pas encore eu le temps de grignoter quelque chose, Veux-tu te joindre à moi ?

Lenny : Oui, je crois que cela me fera le plus grand bien !

Son coeur contre le mien : is it love MattOù les histoires vivent. Découvrez maintenant