A portée de main

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A mon grand soulagement, notre lieu de restauration était tout proche car je craignais que mes pieds ne me portent pas beaucoup plus loin et à voir la silhouette de ma nouvelle connaissance, il était évident qu'elle n'aurait pas la force nécessaire pour soulever une carcasse inerte telle que la mienne.

Les rues ensoleillées rendaient justice à ses cheveux blonds et à ses grands yeux bleus trahissant sa force de caractère autant que son infinie tendresse. Elle avait un style vestimentaire extrêmement strict, certainement imposé par son poste, mais tout chez elle était une invitation à la sensualité. Sa démarche féline en était la preuve et à n'en pas douter, elle aurait des choses à m'apprendre dans ma quête d'acceptation.

Alors que nous nous connaissions depuis quelques minutes seulement, une complicité, un lien quasi-fraternel s'était instauré entre nous. Prenant place autour d'une petite table ronde bordant une immense baie vitrée, Lisa ne s'encombra pas de fioritures avant de mettre les pieds dans le plat :

Lisa : Raconte-moi tout ma belle ! Que se passe-t-il ?

Elle était la première à me le demander depuis longtemps et j'en avais la certitude, la première à se soucier de ma réponse. Libérée du poids de la bienséance qui généralement, nous impose de taire nos plus sombres pensées à des inconnus, je m'étais lancée dans le récit de ma vie, du moins une partie de ma vie. Les 6 derniers mois plus exactement. 

Lui expliquant le départ de ma mère, les difficultés financières qui en découlaient et l'annonce qui m'avait frappée de plein fouet une heure plus tôt. Elle ne sourcilla pas, ne m'interrompit pas non plus. Elle s'était contenté de poser sa main sur la mienne pour m'encourager à continuer, compatissante, sans jamais tomber dans la mièvrerie.

Une fois terminé et dans l'expectation qu'elle prenne ses jambes à son cou, elle me gratifia d'un sourire timide et de ces quelques mots :

Lisa : Je suis désolée pour toi, sincèrement. De mon point de vue, ta mère a hébergé ton ambition avant que tu ne sois en mesure de prendre le relai. Elle t'en savait capable, ça ne fait aucun doute et elle te donne une chance de te révéler à toi-même par ce cheminement. De là où elle se trouve, elle n'en sera que plus fière de te voir réussir.

Lenny : Ta vision des choses est tellement rafraîchissante...

Lisa : Et bien... Si tu choisis de rester, considère que tu as déjà une amie, si ce n'est deux... Dit-elle en m'incitant à jeter un oeil à travers la vitre pour apercevoir Matt au bord de la route un sandwich à la main.

Lui aussi m'avait vu et semblait avoir du mal à assimiler la scène à laquelle il était exposé. Me voir trinquer à la fugacité de la vie en compagnie de son acolyte était pour le moins improbable.

Il me décocha cependant un sourire charmeur, guidant son index ainsi que son majeur à sa tempe avant de les reporter dans ma direction en guise de salutations et repris son chemin de même que sa conversation avec un homme imperturbable à l'allure gothique. 

Tandis que nos plats venaient de nous être servis et que mes mains s'agitaient sous la table avant d'oser interroger Lisa à son sujet, je pus l'entendre me dire :

Lisa : Il est célibataire ! Sacrément convoité, mais célibataire !

Ahurie, je la fixais désormais avec de gros yeux ronds :

Lenny : Je te demande pardon ?

Lisa : Je t'en prie, à d'autres.... J'ai bien vu la façon dont tu le regardais. Effectivement, il s'agit d'un morceau de choix, mais sois prudente.

Lenny : Serais-tu en train d'insinuer qu'il ne s'agit pas de quelqu'un de fiable ?

Lisa : Oh bien au contraire. Une fois que tu as fait ta place dans le coeur de Matt Ortega, c'est à la vie, à la mort, mais il est difficile d'y entrer. Pourtant, une longue liste de poules s'y sont risquées avant toi.

Lenny : Tu n'as jamais... Enfin tous les deux... Vous....

Lisa : Rassure-toi, tu ne m'insultes pas en le supposant. Il est bien fais de sa personne et je suis loin d'être en reste, mais non. Nous nous entendons très bien dans le cadre personnel et professionnel, en revanche, ça ne va pas plus loin. Un jour, je t'en expliquerai peut-être les raisons...

Sacré petit bout de femme..... Une perspicacité à toute épreuve, de l'enthousiasme à revendre et un goût de la liberté contagieux. Tout en lui souriant, je l'observais accueillir la carte des desserts à bras ouverts sachant pourtant son heure de pause presque écoulée et devant la glace monstrueuse que nous avions chacune commandée , elle me parla du fameux poste à pourvoir, au 42 ème étage. Allons bon....

Lisa : Tu seras sous la coupe de Monsieur Simons, imbus de sa personne et convaincu d'être le tombeur de ses dames, il te faudra le remettre à sa place avant toute chose, puis rédiger des dossiers pour fidéliser des clients de diverses catégories socio-professionnelles. Rien de bien palpitant mais suffisamment attractif pour te maintenir à l'état actif et te permettre de solder un loyer. Gabriel est en déplacement jusqu'à la fin de la semaine et malgré une éventuelle rencontre avec notre détestable et revêche DRH, Cassidy, c'est lui qui validera ou non ta candidature ! M'avait-elle dit avant de gribouiller son numéro de téléphone sur un coin de serviette en papier et de rajouter dans un éclat de rire communicatif : Si la perspective de bosser avec nous te branche, mise sur le décolleté et c'est dans la poche.

Plongée dans mes pensées pendant qu'elle s'appliquait à finir ce festin, la voix du restaurateur me fit revenir à la surface et avant que je n'ai eu le temps de comprendre, Lisa avait demandé que le repas, dans son intégralité, soit reporté sur sa note.

Lenny : Lisa, enfin, je ne peux pas accepter ! Je t'en prie.

Lisa : Vois ça comme un cadeau de bienvenue ou si tu repars, un souhait de bonne continuation pour ta vie future ! Termina-t-elle en passant la porte avant de filer retrouver ses fonctions.


Son coeur contre le mien : is it love MattOù les histoires vivent. Découvrez maintenant