3. Résonance

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Adrianna observa longuement les traits de la jeune femme devant elle. Elle ne savait pas si c'était dû à l'alcool et à la drogue qui courraient dans ses veines, mais elle trouvait ses yeux bleus, aussi scintillants qu'avant, tout à fait fascinants. Elle ne put s'empêcher d'y plonger, sachant pertinemment qu'elle y verrait des choses qu'elle ne voulait pas voir.

Elles restèrent là longtemps, à se fixer, sans joie ni amertume. Sparrow était là, c'était un fait, pourquoi en faire tout un plat ?

Pourtant, Adrianna sentait une gêne grandir en elle, une sorte de boule dans son estomac qui coupait sa respiration et qui lui donnait envie de pleurer pour une raison qu'elle n'arrivait actuellement pas à identifier. Est-ce qu'elle partait en bad trip ?

Adrianna s'écroula, et se fut tout juste si Sparrow la rattrapa, évitant à la tête de la brune de claquer sur le carrelage du couloir.  Sparrow jura et la traîna comme elle put jusqu'à son lit.

La brune fut réveillée par la chaleur de la lumière qui lui chatouillait le nez. Elle rabattit immédiatement la couette sur elle, se cachant des rayons du soleil pour se rendormir, sans succès. Constatant que le sommeil ne semblait pas vouloir revenir, Adrianna tendit son bras pour attraper son paquet de clopes, mais elle  eut beau tâtonner le plus loin qu'elle pouvait, ses doigts ne rencontrèrent jamais l'objet de sa convoitise. Elle repoussa rapidement ses couvertures et s'assit dans son lit, interloquée. Effectivement, son paquet ne se trouvait pas au pied de son lit, là où elle le posait toujours, et en plus, sa chambre était presque en ordre. Qu'avait-elle prit la veille ?

Elle se leva et sorti de sa chambre. Dans le couloir, les bouteilles vides et les mégots avaient disparus. Elle massa ses tempes. Merde. Qu'avait-elle put bien faire la veille ? Elle se rappelait être allée dans cette boîte, celle où elle allait toujours quand elle avait besoin d'une défonce facile et rapide, mais après, plus rien. Avait-elle ramené un maniaque du ménage chez elle ? Surement pas, elle n'était pas une fille facile qui couchait avec le premier venu. Etait-elle rentrée plus tôt, prise d'une soudaine envie de remettre sa vie à flot, ce qui passait tout d'abord par un nettoyage intense de son appartement ? Et puis, quelle heure était-il ?

Elle se rendit à la cuisine où une pseudo-rousse semblait l'attendre, souriante, un verre avec de l'aspirine à la main.

Tiens, ça devrait ...
Qu'est-ce que tu fous là ? coupa durement la brune
Adrianna, écoutes-moi, commença Sparrow
J'ai pas envie de t'écouter, dégage de chez moi, Ada.

Une ombre passa dans les grands yeux bleus de la jeune femme et Adrianna crut pendant quelques instants qu'elle allait se mettre à pleurer. C'était surement le cas, mais Sparrow se reprit, toussotant pour ravaler ses larmes.

Ne m'appelle pas comme ça, s'il te plait. C'est pas facile pour moi non plus d'être là, tu sais.
Pourquoi t'es venue, alors ? répliqua Adrianna, J'ai pas besoin de toi.

Elles s'affrontèrent du regard pendant quelques secondes. C'était à celle qui craquerait la première.

T'es qu'une putain d'ingrate, tu le sais, ça ? explosa Sparrow, Je t'ai retrouvée complètement défoncée ce matin à huit heures. J'aurais pu te laisser crever, tu sais. J'aurais dû te laisser décuver toute seule, devant la porte de ton appartement dégueulasse, mais au lieu de ça, je me suis occupée de toi, je t'ai mise au lit, et en prime, j'ai fait le ménage dans ton appart', histoire que l'espace dans lequel tu te laisses mourir soit pas trop crade, et j'ai même pas droit à un peu de reconnaissance. Un « merci » aurait suffi, mais au lieu de ça, tu me crache à la gueule.

La rousse attendit une quelconque réaction de la part d'Adrianna, mais celle-ci se contenta de la regarder, au bord de la crise de nerfs. Elle voulait que cette fille sorte de chez elle. Elle n'avait besoin de personne.

T'es pas la seule à souffrir, cracha Sparrow en lâchant le verre d'aspirine.

Il se brisa en mille morceaux sur le sol, laissant échapper tout son contenu aux pieds des deux jeunes femmes. La plus jeune des deux attrapa son sac, posé sur la table de la cuisine débarrassée de la vaisselle sale qui l'avait encombrée des mois durant et sorti de la pièce sans jeter un regard de plus à Adrianna qui n'avait pas bougé d'un pouce.

Elle entendit sa porte d'entrée claquer et fut prise d'une soudaine nausée. Elle soupira et se dirigea vers le placard sous son évier pour en sortir une bouteille de Jack. Elle but trois longues lampées qui lui arrachèrent la gorge et n'arrangèrent rien à son état. Le contenu de son estomac remonta et fini dans l'évier sans même qu'elle s'en rende compte. Elle essuya rapidement sa bouche et porta à nouveau la bouteille à ses lèvres, se dirigeant vers sa salle de bain. Elle avait besoin de dormir.

Elle ouvrit sa pharmacie et en sorti une boîte de somnifère. Elle en prit trois, les fit passer avec son Whisky, peu importe que ça soit nocif ou non et reposa la bouteille ouverte sur le bord de sa baignoire. Elle eut tout juste le temps de regagner son lit qu'elle sombrait dans un profond sommeil.


Ada. Elle n'avait jamais vraiment su d'où venait son surnom, après tout, il n'avait aucun rapport avec le nom orignal de la jeune fille, Sparrow. C'était venu naturellement. Elle l'avait pratiquement toujours appelé comme ça, ou du moins, elle ne se rappelait pas lui avoir donné un autre surnom.

Plus petite qu'elle de quelques centimètres et plus jeune d'un mois et demi, Sparrow avait tout de suite plu à Adrianna, avec ses fossettes lorsqu'elle souriait et son minois de petit lutin. Les cheveux blonds qui encadraient autrefois son visage étaient aujourd'hui remplacé par un noir de jais teinté du rouge de son ombré hair, mais ça n'ôtait rien à la beauté de son visage. Elle aurait aimé la voir sourire, pour savoir si, elle aussi, avait du mal à présent. Elle n'en avait pas eu le temps. Elle aurait aimé qu'elles s'assoient à table, autour d'un café, mais Sparrow n'aimait pas le café. Et puis, qu'avaient-elles à se dire, de toute façon ? Sparrow n'était pas le genre de personne avec qui elle aurait apprécié échanger des banalités pendant 10 minutes avant qu'elle ne prétexte un quelconque rendez-vous pour s'échapper. De toute façon, elle était bien mieux toute seule. Elle n'avait besoin de personne.

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