19. Gifle

57 6 0
                                    

Lorsque Théo quitta le salon de tatouage, il était plus de 21h30, ce qui était loin d'être dans ses habitudes. Il prenait toujours le soin de garder du temps pour aller rider. Techniquement, il en avait, le skate park n'était jamais fermé, mais à cette heure-là, il voulait seulement rejoindre Adrianna.

Elle l'avait foutrement retourné, cette nana-là. Il s'en faisait la réflexion dès qu'il se prenait à penser à elle ou qu'il remarquait un changement, même minime, dans sa vie. Il semblait qu'elle s'infiltrait partout, rouillant chaque rouage, même le mieux huilé. Et ça lui plaisait.

Il salua Anthony, enfourcha son bmx, et, dans un vif coup de jambe, il était parti, lancé à toute vitesse sur les trottoirs de Paris. Il le connaissait par cœur, le chemin, maintenant. Il se demandait si les commerçants avaient remarqué qu'il passait. Peut-être pas. Qu'est-ce qu'il était, après tout, à part un putain d'anachronisme.

A mesure qu'il se rapprochait de l'immeuble d'Adrianna, il accentuait la pression de ses pieds sur les pédales et il sentait son cœur accélérer. Pas beaucoup, mais juste assez pour qu'il le sente et, tous les jours, il se posait la même question : est-ce que c'était l'adrénaline ou ce qui l'attendait à la ligne d'arrivée ? Il n'avait pas encore eu le courage d'y réfléchir sérieusement.

Elle était dehors. Il freina. Elle n'était jamais dehors. S'il avait bien appris quelque chose durant son temps d'adaptation, c'était qu'Adrianna sortait rarement avant 22h.

Il y avait cette fille avec qui elle était en train de parler. Elle lui était inconnue. Petite, brune et rousse à la fois, une robe proprette et de petites chaussures à talons vernies. Jamais une personne extérieure à la scène ne serait parvenu à décider laquelle des deux faisait le plus tâche face à l'autre.

Se connaissaient-elles ? Il était assez près pour entendre leurs voix mais trop éloigné pour comprendre ce qu'elles disaient.

Probablement. Adrianna n'avait jamais évoqué la moindre amie alors il s'était mis en tête qu'il était le seul à être parvenu à atteindre la belle, sous sa carapace.

Soudain, un éclat de voix. L'attention de Théodore revint se fixer sur les deux jeunes femmes, juste pour voir la brune rentrer précipitamment chez elle. L'autre ne bougeait pas alors qu'il donnait un coup de pied dans sa pédale pour rejoindre rapidement le bâtiment et courir après elle.

C'est toi Théodore ?

A l'entente de son prénom et alors qu'il était prêt à entrer dans l'immeuble, Théo se retourna, faisant face à la pseudo rousse.

Si j'étais toi, je m'en irais tout de suite.
T'es qui ? répliqua durement Théodore, se sentant attaqué
Qu'est-ce que ça change ?

Elle avait haussé les épaules avec tant de désinvolture que la rage gronda en lui. Il ne la connaissait pas, mais il la haïssait. Cette fille qui avait débarqué et menaçait clairement de foutre en l'air tout ce qu'il essayait de construire avec Adrianna.

Soudain, elle éclata de rire. Il songea un moment qu'elle faisait partie de la famille qu'Ad lui cachait – et ça aurait pu se comprendre – mais elles ne se ressemblaient pas le moins du monde. Peut-être qu'elle était juste complètement tarée.

Tu penses qu'elle t'aime, c'est ça ? Lâche l'affaire, elle n'aime plus personne, pas la peine de t'acharner. C'est fini pour elle, il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte. Elle n'a même pas l'ombre d'un sentiment pour toi, tu l'occupes, c'est tout.

Il ne prit même pas la peine de lui répondre avant de tourner les talons. Il allait lui cracher à la gueule s'il restait là. Il poussa la porte du bâtiment quand la voix de la rousse s'éleva à nouveau.

Aaron est mort, Théodore.

Il laissa le battant de bois claquer derrière lui et resta figé quelques secondes. Aaron. Les pulls trop grands. Les vêtements masculins. Aaron était mort. Le vide dans ses yeux. Les coupures qu'elle s'infligeait. Ses consommations abusives. Ça collait.

Mais qui était Aaron ?

InsomniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant