20. Blizzard

54 5 1
                                    

Il monta les escaliers rapidement et passa la porte de l'appartement d'Adrianna.

Pas de lumière allumée, pas la fumée flottant dans l'air, comme si elle n'était pas là. Elle ne pouvait pas être ailleurs. Comment allait-il la retrouver et comment devrait-il réagir ? Il ne l'avais jamais vu éprouver quoi que ce soit, pourtant, l'expression qui s'était peinte sur le visage d'Adrianna était bien celle de la douleur, ce qui était loin de le rassurer.

Il bifurqua, optant pour la chambre, et faillis se féliciter lorsqu'il la retrouva roulée en boule dans un coin.

Ses bras entouraient ses genoux qu'elle avait repliés contre sa poitrine et elle se balançait doucement d'avant en arrière, fixant un point abstrait, droit devant elle. Il ne l'avait jamais vue aussi vulnérable, hantée par quelque chose qui les dépassaient.

Ad, appela-t-il doucement pour ne pas la troubler plus

Aucune réaction, elle n'avait même pas cillé, comme s'il n'avait aucune substance, aucune présence.

Il avança d'un pas, prudemment. Le plancher craqua sous son pied mais rien de plus. Imperturbable. Il s'approcha encore, pas à pas, et finit par s'asseoir face à la brune, sur le matelas qui faisait office de lit.

Ils restèrent immobiles un long moment. Adrianna perdue dans un endroit dont elle seule avait la connaissance et Théodore observant la brune dans ses moindres détails.

Il la fixait et, finalement, il remarqua la petite lame qu'elle faisait tourner entre son pouce et son indexe. Il ne voyait pas les dégâts, mais la couleur rouge du fer le fit paniquer. Il ne savait pas ce qu'elle avait fait, quand l'autre folle le retenait dans la rue. Il savait qu'elle pouvait être très efficace.

Il ne sut pas si le geste était lent ou pas, mais elle décroisa ses bras, brandissant la lame, prête à sévir de nouveau. Il fut plus rapide et se saisis de son bras gauche, sa paume rentant en contact avec des coupures fraîches.

Oh oh oh, qu'est-ce que tu fais ? Arrête ! s'exclama-t-il, sans aucune scrupule pour la torpeur dans laquelle elle était plongée,  Qu'est-ce qui te prend d'faire des trucs pareils ? Pourquoi tu t'fais du mal comme ça ? Qu'est-ce qui va pas ? Parle-moi. Tu sais qu'tu peux tout m'dire. Regarde-moi dans les yeux, regarde-moi. On s'en branle, c'est pas important. Tu sais que j'te trouve magnifique ? Depuis la première fois que je t'ai vu, d'ailleurs j'm'en suis toujours pas remis. Et puis comment j'ferais sans toi, moi ? Et puis comment l'univers il ferait sans toi ? Ça pourra jamais fonctionner, c'est impossible, alors faut pas pleurer, faut pas ...
J'pleure pas, le coupa-t-elle durement

Elle était de nouveau elle-même.

Adrianna se releva dans un mouvement souple, se dirigeant vers la sortie de sa chambre. D'abord, Théodore crut qu'il avait été trop loin, qu'il avait dit le mot de trop, mais elle se retourna, plantant ses yeux dans les siens.

T'as ton permis ?

Il acquiesça, ne sachant pas vraiment comment réagir à ce changement d'attitude. Il avait l'habitude avec elle, mais ça le déroutait à chaque fois.

Tu viens ?
T'es défoncée ?

Elle lui sourit, confirmant son hypothèse et le forçant à la suivre. Il savait qu'il avait de l'expérience dans cette matière-là, mais en tant que personne sensée, il ne pouvait pas la laisser sortir complètement stone.

Alors il la suivit. Hors de l'appartement, dans les rues où elle attrapa sa main, hors de l'arrondissement, dans le XVIe, devant une demeure qui était clairement l'opposée de là où il avait l'habitude de trainer.

Qu'est-ce qu'on fout là ?

Elle ne répondit pas, s'avançant vers le grand portail en fer automatisé et l'escalada agilement. Sur son perchoir, elle planta ses yeux dans ceux de Théo, un air de défi clairement peint sur ses traits.

On s'barre, Théo. On se tire d'ici. 

InsomniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant