4. Bitume

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Adrianna se réveilla, un mal de tête fulgurant lui broyant le cerveau. Combien de temps avait-elle dormi ? Elle se leva difficilement et alluma une cigarette, se traînant lentement jusqu'à son salon. Elle alluma la télévision et mis une chaîne d'informations permanentes. Le bandeau au bas de l'écran indiquait le 26 octobre 2012. Trois jours. Avait-elle réellement dormi trois jours ? Son estomac gargouilla violemment, signalant que c'était fort possible.

Elle se rendit dans la cuisine, enjambant la flaque d'eau mêlée d'aspirine qui n'avait pas vraiment fière allure, et fit l'inventaire de ses placards. Il ne lui restait pas grand-chose. Elle attrapa le pot en verre où elle avait placé l'intégralité de ses économies. Il ne lui restait pas grand-chose. Elle s'enfila le dernier paquet de gâteau de son étagère et fila à la douche.

Elle ne prit même pas la peine de se déshabiller, tourna le bouton de la douche vers sa température la plus froide et entra sous le jet. Elle se laissa glisser contre la paroi en émail jusqu'à être assise dans le bac de douche, l'eau glacée ruisselant sur elle. Elle resta longtemps sans bouger, les yeux dans le vague, et quand ses doigts prirent une teinte bleuté, elle prit un gant de toilette et se savonna, frottant sa peau jusqu'à ce qu'elle devienne rouge et presque douloureuse. Elle se rinça ensuite avec un nouveau jet d'eau froid.

Quand elle sorti de la douche, elle allait un peu mieux. Les maux de tête et sa nausée étaient complètement passés et elle était parfaitement réveillée à présent. Elle se sécha et s'habilla rapidement avant de retourner dans sa cuisine pour prendre un café qui la réchauffa.

Elle attrapa son appareil photo et son portefeuille et sorti en claquant la porte. Elle ne la fermait jamais à clef. A vrai dire, elle ne savait pas vraiment où étaient les clefs, et de toutes façons, même si elle le savait, généralement, lorsqu'elle sortait, elle bien trop défoncée en rentrant pour ne serais-ce que se rappeler comment faire pour ouvrir sa porte. Alors elle ne fermait pas. Il n'y avait rien à voler chez elle, à part sa télé, de toute façon.

Elle traversa la ville, observant autour d'elle, prenant quelques photos, et arriva finalement à sa banque, dans le XVIe arrondissement de Paris. Elle soupira. Elle avait horreur de venir ici. Déjà, elle avait toujours peur que quelqu'un la reconnaisse, qu'elle ait à échanger des politesses avec des gens dont elle ne se rappellerait même pas le nom et qui iraient ensuite dire à ses chers géniteurs qu'ils l'avaient vu dans le coin. Ensuite, ça lui rappelais à quel point elle était encore dépendante de ses parents, elle qui n'avait besoin de personne. Ça la rebutait de venir ici, mais elle n'avait pas le choix.

Elle s'avança à un des guichets, présenta ses papiers d'identité et retira l'intégralité de ce qu'il y avait sur son compte, soit 4000 euros.

Elle n'avait absolument pas besoin d'autant d'argent, mais tout prendre d'un coup lui permettais d'être exemptée de cette petit balade dans les quartiers huppés de la capitale pendant quelques mois.

Elle s'échappa rapidement de la banque, avant de prendre le bus pour se rendre le plus loin du XVIe. Elle descendit au bout de 40 bonnes minutes de trajet, lorsqu'elle arriva dans un quartier qui lui était totalement inconnu.

Elle regarda un moment autour d'elle et se surpris à penser qu'elle aimerait bien vivre ici. Même si d'apparence, ce n'était encore qu'un autre des quartiers tous identiques de Paris, celui-ci dégageait quelque  chose de différent. Elle commença à déambuler lentement dans les rues, allant où ses pas la menaient, et ils la menèrent au skate Park du coin.

Elle s'assit en tailleur dans un coin où il lui semblait qu'elle ne gênerait personne et observa chacun des riders un à un. Ils étaient une petite dizaine et semblaient tous se connaître, échangeant des conseils et analysant mutuellement leurs tricks. Elle prit son appareil photo et les mitrailla. La manière dont ils se projetaient dans les airs, comme s'ils n'avaient pas de poids, pour exécuter des figures qui paraissaient si simple, mais qui ne l'étaient vraiment pas à la vue de leurs visages concentrés la fascinait. Elle aussi, elle voulait s'envoler.

Sur les photos qu'elle prenait, il n'y avait ni peur ni douleur, malgré la hauteur de laquelle ils se lançaient parfois et les égratignures qu'ils avaient aux jambes et aux bras. Rien que de la vitesse, de l'adrénaline et de la passion.

L'un deux, en BMX, exécuta un backflip parfait, et Adrianna n'en perdit pas une miette, prenant le rider en rafale, capturant chaque seconde, chaque mouvement que le jeune homme pus faire durant sa figure.

Elle sorti un joint de son paquet de cigarette et l'alluma. Elle aussi, elle voulait être libre comme eux. 

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