13. Imprudence

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Théodore se laissa retomber sur le matelas et Adrianna roula sur le dos, essoufflés, presque heureux. Ils restèrent allongés et immobiles un long moment, le temps que les effets de la petite pilule colorée qu'ils avaient avalée simultanément quelques heures auparavant se dissipent.

Dans un geste bancal, la brune attrapa le t-shirt de Théodore qui traînait par là et l'enfila, cachant sa peau nue des yeux brûlants du tatoué qui se glissa sous la couverture. Leurs yeux se croisèrent.

Il avait enfin réussit à la faire rester. D'habitude il arrivait toujours trop tard. Soit elle était déjà partie, soit elle était déjà rentrée. Là, il avait tout ignoré, tout envoyé valsé, et elle était restée.

Il regarda son bras se tendre dans un mouvement souple. Il ne pouvait pas s'empêcher de l'admirer, tout en elle était admirable. Il regarda ses doigts porter le join préalablement roulé à ses lèvres encore gonflées d'avoir été tant embrassées et la pénombre de la pièce fut tranchée par la flamme qui surgit du biquet, éclairant son visage éteint.

Elle tira longuement et enfuma la pièce. Ses yeux se plantèrent dans les siens. Il n'en avait toujours pas percé le mystère. Il ne savait rien, mais il lui semblait qu'il percevait. Il percevait ce blizzard qui l'entourait constamment.

T'es un gros branleur, en fait. Lâcha la brune d'une voix qui le surprit

Elle n'était pas agressive, elle n'était jamais agressive en dehors de leurs étreintes. Elle ne semblait jamais ressentir grand-chose en dehors de leurs étreintes. Il ne savait pas quoi. Il ne savait jamais rien, sauf ce qu'elle lui faisait ressentir. Tout.

Ses yeux ne quittaient pas les siens alors qu'elle fumait lentement.

C'est vrai, quoi. Tu viens, tu m'baises, tu r'part. Et puis un jour tu reviens, on fait les gamins comme si tout allait bien mais au final ... T'es qui, Théo ?
Et toi ? T'es qui ?

Sa bouche se courba dans ce qui sembla être une ébauche de sourire alors qu'elle tirait sur le cône. C'était elle qui posait les questions et il n'avait pas le choix, il répondait.

Ouais, je suis un branleur. J'ai jamais bossé à l'école, jamais su quoi faire de ma vie. J'suis un branleur. Et j'te baise pas. Je t'apprends.
J'suis pas une leçon. Je suis pas ce genre de fille qui attend, avec sa vie écrite sur le visage.  
Et moi je pense que t'es exactement ce genre de fille, celle qui vient traîner dans un skatepark au petit matin avant d'aller prendre un café avec un mec qui connait à peine ton nom. T'attends qu'on écrive ta vie sur ton visage.
Tu fais quoi pendant que je dors ?
J'tatoue.
Tu m'tatouera ?
Ouais.

Ses yeux verts traînèrent le long de son torse nu et noirci à l'encre. Ses bras, ses omoplates, son cou.

C'était la première fois qu'ils avaient une conversation censée. Presque défoncés. C'était presque comme sortir en fait. Ça occupait l'esprit, tout pareil.

C'est comment dans ta tête ? Toi aussi, tu le sens ton blizzard ? T'es qui ? Et pour moi, t'es qui ? Adrianna, avec deux « n ». Noir, et un peu flou, un peu loin. T'as rien, j'ai rien, on est rien.

Et toi ? Tu fais quoi dans la vie ?
J'attends.

Mais j'attendais tout, sauf toi. 

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