27. Deuil

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Lorsqu'Adrianna se réveilla, elle était installée sur le canapé, appuyée contre le torse de Théodore qui caressait lentement son bras et emmitouflée dans sa couette. Il lui fallut quelques secondes pour remettre de l'ordre dans son esprit. Théodore. Sparrow. Aaron.

Elle senti les larmes lui monter aux yeux une nouvelle fois mais serra les dents en déglutissant difficilement pour éviter de se remettre à pleurer encore une fois.

ça va ? demanda doucement Théo derrière elle

Elle hocha rapidement la tête avant de remarquer un joint posé sur la table basse. Elle s'en empara et l'alluma immédiatement, s'asseyant correctement sur le sofa.

Quelque chose avait changé, et Théodore pouvait le sentir. Quelque chose était redevenu comme avant, en fait. Elle s'était refermée. Le blizzard avait repris possession d'elle. Le vide s'était accentué dans ses yeux.

Elle sentait qu'il la fixait, et elle savait pourquoi, alors elle prit le temps de finir son joint tranquillement avant de tourner la tête pour plonger son regard dans le sien.

Tu vas m'expliquer ou je vais devoir m'en tenir à une partie de jambe en l'air de plus ? s'enquit Théo

Adrianna soupira. Le ton qu'il avait employé confirma ce qu'elle pensait. Elle ne s'en sortirait pas si facilement cette fois.

adrianna- Elle a dit qu'Aaron était mort. C'est pas la première fois qu'elle me le dit. Aaron est mort, c'est qui Aaron ? Qui est mort ? Adrianna, qui est Aaron ?

Mon frère, c'est mon frère ! s'écria-t-elle pour lui couper la parole

Elle ne voulait plus entendre son nom, elle ne voulait plus entendre qu'il était mort. Elle ne voulait plus savoir, elle voulait oublier.

Théodore prit quelques secondes pour encaisser la nouvelle.

Mais ... commença-t-il avant de s'interrompre
C'est pas mon grand frère. Enfin, techniquement, si, mais seulement de quelques minutes.
Ton frère jumeau, souffla le tatoué

Un lourd silence s'abattit sur la pièce alors qu'Adrianna s'allumait une cigarette.

Il venait d'avoir son permis, repris la brune, et je l'avais loupé, alors il m'a proposé un tour en voiture, pour me narguer un peu. Et crois-moi, quand Aaron te proposais un truc, que tu sois sa sœur ou un pur étranger, tu ne pouvais pas refuser. Alors on est allés faire un tour dans Paris, les fenêtres ouvertes, la musique à fond.

Elle ne put retenir un sourire en repensant à cet instant où ils n'en avaient clairement rien à faire. La vie, les obligations, les cours, l'avenir, tout ça n'était pas important lorsqu'ils étaient tous les deux, dans leur bulle. Son sourire s'effaça rapidement.

adrianna- On a eu un accident. Quand je me suis réveillée, j'avais quelques côtes cassées, et j'étais plutôt amochée, mais rien d'irréparable. J'étais toute seule. Je savais que mes parents auraient tout fait pour qu'on reste tous les deux, qu'on ne soit pas séparés. Il était dans un autre service, son foie était touché.

Au fur et à mesure qu'elle racontait son histoire, il se souvenait de photos, de tatouages, de mots. Tout avait toujours été là, sous ses yeux.

Au moment où j'ai su, j'ai proposé le mien. On est jumeaux, pas besoin d'être médecin pour savoir qu'on est compatibles. Alors ils ont attendu que je sois rétablie et ils nous ont opérés. Ils lui ont donné un bout de mon foie et le reste était censé se reformer tout seul. Mais y a eu des complications. Il est mort.
C'est pas ta faute.
Je sais même pas ce qui s'est passé, mes parents ont refusé de me le dire. Il est mort
C'est pas ta faute, répéta Théodore
Je lui ai donné mon foie ! C'est moi qui ai tout fait foiré ! Ça se trouve, avec celui de quelqu'un d'autre, il serait toujours en vie.

Une larme glissa sur sa joue et Théodore se saisit de son visage pour l'embrasser avec le plus de force et de tendresse possible. Il ne voulait pas qu'elle porte ce fardeau éternellement. Il comprenait et pourtant, il n'était pas plus soulagé qu'une demi-heure auparavant.

Il n'avait pas dormi de la nuit, essayant de comprendre, de contacter Sparrow, même, pour savoir, avoir des explications, mais au final, il n'avait fait que tourner en rond, calmant Adrianna lorsqu'elle se mettait à hurler dans son sommeil.

La brune jeta un coup d'œil par la fenêtre et vit qu'il faisait jour. Vivement, elle planta de nouveau ses yeux dans ceux de Théodore. Celui-ci fut surpris par la détresse qu'il put y lire.

Je dois aller bosser.

Son menton se mit à trembler et il réalisa qu'il ne pourrait pas rester dans cet appartement une seconde de plus. Il n'était pas habitué à la voir exprimer quoi que ce soit, et devoir la ramasser à la petite cuillère, c'était beaucoup pour lui.

Il l'embrassa longuement une nouvelle fois et dit ce qui lui semblait le plus approprié dans une situation pareille.

Je t'aime.

Adrianna sourit rapidement, juste pour donner l'illusion et le regarda partir, sans bouger. 

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