- Me donner des cours ?
Elle répéta ses phrases avec une acidité dans la bouche audible à plusieurs mètres à la ronde.
- Bah oui, tu n'aimes pas mon idée ? fit faussement surpris le rouquin avec ce sourire toujours aussi énervant sur les lèvres.
- Je ne vois pas pourquoi j'aurais besoin de l'aide de qui que ce soit en langue, fit-elle fièrement en rejetant sa longue chevelure neige avec un geste théâtral.
- Pourtant, tu galères à mort, ça se voit, se moqua-t-il, et puis je te demande pas grand-chose en échange, juste de me payer pour chaque séance !
Erine écarquilla les yeux, sentant que sa mâchoire pouvait se décrocher face à une telle supercherie. Ce morveux voulait donc lui extorquer de l'argent ? A bien y réfléchir, elle ne pouvait que comprendre ce désir de vouloir prendre les gains d'autrui. Mais il était hors de question qu'elle lui donne une liasse de billets pour quelque chose qu'elle pouvait avoir gratuitement, chez elle, loin de ce sourire moqueur et horripilant.
- Je te demanderais seulement onze mille yens par séance ! Et c'est un prix d'ami !
Les yeux de la riche jeune femme vinrent se plisser, elle n'était pas encore capable de faire les conversions yens – euros, donc elle ignorait le prix exact que cela représentait. Néanmoins, son instinct lui disait qu'il tentait de l'arnaquer. Et ça, il en était hors de question.
- Cesse de m'importuner ! J'ai des choses plus importantes à faire que de perdre mon temps avec une personne sans valeur telle que toi !
- Roh, tu es bien bavarde et méchante, mais je suis sur que tu adorerais prendre des cours avec moi ! Et puis, ça te permettrait de t'amuser un peu plus, je pourrais même te faire visiter gratos la ville.
Il ressemblait à un démarcheur voulant vendre son bien, mais il ne savait pas du tout s'y prendre du point de vue d'Erine.
- Ca suffit, j'ai assez perdu de temps à t'écouter.
Sans plus lui adresser un regard, elle passa le portail et fut ravie de constater que son chauffeur attendait déjà.
- Votre première journée s'est bien passé mademoiselle ? demanda Kokuchu avec un ton mielleux à souhait, tout en lui ouvrant la porte.
- Pire que tout, cracha Erine alors qu'elle rentrait dans la voiture.
La portière claqua légèrement, et la voiture s'ébranla pour se mettre en marche. Au travers de la vitre teintée, Erine vit le regard du rouquin, qui suivit des yeux son trajet jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
- Franchement, quel type insipide.
De retour chez elle, Kokuchu la fit asseoir pour débuter la leçon de Japonais. Il avait un ton monocorde, un visage neutre, tout du type parfaitement ennuyant. Et, tout le contraire de ce qu'il était d'habitude. Elle finissait par se demander s'il n'avait pas plusieurs personnalités.
- Dites Kokuchu, 11 000 yens ça fait combien en euros ?
Il se stoppa dans ses explications, surpris par la question qui n'avait rien à voir du tout avec son cours. Mais, une fois s'être repris, il lui servit son sublime sourire de lèche botte en tendant une calculatrice.
- Je vous en prie, sachant qu'un yen représente 0.0085 euros, combien 11 000 yens font ils ?
Erine aurait pu exploser son stylo entre ses doigts si elle avait eu plus de force. Il la prenait pour une élève de primaire ou quoi ? Repoussant la machine à calculer, elle arbora un air suffisant et leva le menton avant de répondre.
- Cela correspond à 93,90 euros, ne me prenez pas pour une enfant, Kokuchu.
Une expression de réelle surprise passa sur le visage de l'adulte, et son sourire condescendant et agaçant disparu. Cela donna un réel plaisir à Erine, qui était fort satisfaite de lui avoir cloué le bec.
- Allons, reprenez donc votre cours, vous allez finir par gober des mouches.
Reprenant ses esprits, il se redressa et son sourire se plaqua de nouveau sur son visage presque parfait.
- Eh bien, si vous appreniez aussi bien le japonais que vous savez faire le calcul mental, cela serait une bénédiction.
Elle allait le tuer. Dès qu'elle en aurait l'occasion elle prendrait un couteau et le passerait sous sa gorge. Son heure de gloire avait été de courte durée ! Son père avait vraiment trouvé la pire ordure pour lui servir de majordome. Dès qu'elle l'aurait au téléphone ou devant elle, il allait entendre sa manière de penser.
Le soir venu, Erine enfila sa robe de chambre et se laissa tomber sur son lit. Elle avait passé l'étape de la douche, du démaquillage et préparation de ses affaires pour le lendemain Maintenant, elle pouvait enfin se reposer, elle s'allongea sur son moelleux matelas qui n'attendait qu'elle pour faire de beaux rêves.
Fermant les yeux, elle revit pourtant deux yeux jaunes mesquins se dessiner dans son esprit, avec un sourire espiègle pour couronner le tout.
- Ah non ! Il ne va tout de même pas venir gâcher mes rêves dorés celui là !
Elle souffla pour évacuer son agacement, en plus c'était du vol 93 euros par séance, il voulait la ruiner ? Bon, ça ne représentait qu'une goutte d'eau dans l'étendue de sa fortune mais quand même, c'était surtout pour le côté psychologique. Mettre cette somme dans une paire de chaussure ou une robe ne lui posait pas de souci, mais dans un stupide cours de japonais il en était hors de question !
Agacée toute seule, rien qu'en repensant à ce garçon dont elle ne connaissait même pas le nom, elle tourna en rond dans son lit pendant au moins trois heures, avant d'enfin trouver le sommeil.
Les jours suivants se ressemblaient, épuisant, déprimant, démoralisant. A chaque heure de sa longue, très longue vie, Erine avait la sensation de dépérir. Ses progrès dans cette langue maudite n'était pas fabuleux, elle se retrouvait donc perdue dans les devoirs, dans les cours, et sentait les regards douteux peser sur elle. Elle avait beau être une riche arrogante, elle détestait se retrouver en bas de l'échelle, et le concept des notes la sortait de ses gonds. Depuis quand devait-on noter ce qu'elle faisait ? Quel était donc l'intérêt de ce système archaïque sans aucun sens ! Forcément, mauvaises maitrise de la langue, mauvaise compréhension des sujets, donc des notes basses, rasant le sol, à deux doigts de le toucher.
- Alors ? Tu refuses toujours mon aide ?
Erine sursauta et cacha le magnifique 10 sur 100 dont elle avait écopé en histoire.
- Encore toi ! Ne me laisseras tu donc jamais tranquille ?
- Si tu acceptes que je t'aide, tu n'auras plus d'aussi mauvaises notes ! Et, dans ma grande bonté, je pourrais même t'aider avec tes devoirs, je pourrais inclure ça dans le forfait !
- Tu es insupportablement insupportable.
- Je sais, cela fait partie de mon charme dit-on. Mais allez, tu as quoi à perdre franchement ? Tu crains que je ne te contamine avec ma pauvreté ? ricana-t-il en haussant les épaules.
- Quelque chose dans ce genre là, oui. Je ne vais pas côtoyer des gens comme toi tout droit sortit de je ne sais quel taudis.
- Je préfère venir d'un taudis que d'un château.
Erine roula des yeux et prit son sac en se levant, refusant de l'écouter une seconde de plus. Elle ne supportait même pas d'entendre sa voix ! Mieux valait mettre la plus grande distance possible entre eux.
- Un oiseau en cage ne sait pas voler, et là tu te casses littéralement la gueule, princesse.
Son corps se figea alors, et son cœur sembla rater un battement. Que venait-il de dire ?
- Je viens peut être d'un taudis, mais moi au moins, je sais voler tout seul. Et toi, peux tu en dire autant ?
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Un parfum envoûtant [Fanfiction IE]
FanfictionErine Kibo est une riche héritière française. Depuis sa plus tendre enfance, elle vit dans le luxe et la richesse. Rien ne lui a jamais été refusée, ses parents répondant à chacunes de ses demandes sans rechigner. Désormais, elle est une véritable...