Chapitre 3

250 28 10
                                    

Cela faisait désormais une semaine qu'Erine s'était vu contrainte et forcée de vivre au Japon. N'ayant pas eu d'autres choix, elle s'y conforma, non sans une forte mauvaise volonté et une bonne dose d'arrogance envers tout ceux qui avait le malheur de croiser sa route dans la vaste demeure. Seul Kokuchu semblait réussir à encaisser cela sans broncher, à croire qu'il avait été formé spécialement à la supporter, ce qui n'était pas une mince affaire.

Un beau jour, alors qu'Erine devait apprendre la langue japonaise –qui était loin d'être simple- une autre très mauvaise surprise se rajouta à son lot quotidien.

- Me faire aller à « l'école » ? Est-ce une blague, Kokuchu ? Je n'ai jamais posé le moindre orteil dans un établissement scolaire au cours de ma vie, je ne vais pas commencer maintenant !

- Mademoiselle, c'est une demande express de votre père. Il désire que vous appreniez à côtoyer les japonais, que vous vous plongiez dans leur culture. De plus, cela favorisera votre apprentissage de la langue.

- Non.

Elle fit claquer sa langue contre son palais avec agacement, le timbre de sa voix démontrant très clairement sa colère. Mais, Kokuchu ne se laissa pas déstabiliser, et un fin sourire se dessina sur ses lèvres. A force, Erine avait appris à interpréter le langage corporel de ce dernier, et savait que cette expression ne présageait rien de bon pour elle.

- Vous irez dans une école publique, et votre père a précisé que si vous refusiez, il cesserait de vous donner de l'argent de poche.

- Pardon ?? s'offusqua-t-elle en écarquillant ses yeux de frayeur.

Sans argent, sa vie n'aurait plus aucun sens, le monde arrêterait littéralement de tourner –pour elle en tout cas- et elle mourrait d'ennuie !

- Je vous laisse le temps d'y réfléchir, termina Kokuchu avec un sourire radieux et presque provocateur, n'hésitez pas à venir me voir si jamais vous avez la moindre question.

- Tu peux toujours courir pour que je vienne te demander quoi que ce soit, espèce de cinglé.

Nullement touché par ses paroles féroces, le majordome quitta les lieux, laissant une Erine en pétard qui eu l'excellente idée de frapper ses coussins en plumes pour se détendre. Un jour, elle lui ferait ravaler son petit sourire !

- A croire que père veux ma mort ! Je ne le laisserais pas faire ce que bon lui semble !

Pourtant, si elle voulait continuer à recevoir une somme généreuse d'argent dans son compte en banque, elle devrait se plier à ses exigences.

Quelle ne fut pas sa terrible déception quand on lui porta une tenue sans aucun gout et totalement démodés à ses yeux le jour suivant.

- Pouvez-vous donc me dire ce qu'est cette horreur ? fit-elle avec un air dégoûté en pointant du doigt le vêtement comme s'il s'agissait d'un déchet.

- Votre uniforme pour le lycée, madame.

Erine aurait pu s'évanouir sous le choc de la nouvelle, mais elle tint bon. Bientôt, les mots « c'est une blague » allaient faire partis intégrante de son vocabulaire, comme on enregistre un mot non existant dans son correcteur orthographique.

- Je ne vais tout de même pas devoir porter cette immondice, et en public qui plus est !

- Voyons, toutes les écoles japonaises sont pourvues d'uniformes, j'ignore ce qu'il en est en France mais ici vous n'avez pas le choix.

- En France on nous laisse nous habiller avec style et élégance, deux mots que vous semblez totalement ignorer au Japon.

Kokuchu resta de marbre, lui tendant l'uniforme.

- Vous n'avez pas le choix, pensez à votre argent de poche.

Cet argument était convaincant, un peu trop peut être. Erine sentait qu'elle était menée par le bout du nez, et elle détestait ça.

- Laissez-moi donc me changer ! Espèce de pervers !

- Croyez-moi, je n'ai aucune envie de voir cela.

La moutarde monta très vite au nez de la « princesse » qui menaça de lui envoyer le premier objet qui lui tomberait sous la main. Heureusement, Kokuchu sortit rapidement pour éviter une tempête. Erine marmonna de plus belle, et enfila son uniforme avec tout le dédain dont elle était capable. Sérieusement, qui portait un truc aussi laid ? La jupe tombait sur ses genoux, son haut était tout blanc avec une étrange cravate, et il n'y avait même pas de décolleté. Elle était sensé pouvoir draguer qui avec cette chose sur le dos ?

- Boh, c'est pas comme si j'allais m'intéresser à ces japonais, ils sont sûrement insipides.

En évoquant cela, elle se souvint du roux qu'elle avait surpris dans la propriété le premier jour, et l'agacement revint vite teinte son visage de rouge.

- Une seconde.

Elle réalisa quelque chose, et son visage devint sérieux alors qu'elle se contemplait dans le miroir en même temps. Ce sale gosse l'avait compris, et parlé sa langue, il était donc familier avec le français ? Sur le coup elle n'y avait pas prêté attention, mais en y repensant ça paraissait logique. Finalement, certains avaient peut être un tout petit peu d'intérêt. Bon, de toute façon, qu'elle était la chance pour qu'elle recroise ce petit merdeux, quasiment nulle.

- Je ferais bien de me préparer psychologiquement à vivre parmi des gens pauvres, dénués de gout et ne connaissant pas le monde du luxe. Quelle épreuve cela va être !

Et, pour son plus grand malheur, la rentrée dans cette nouvelle vie arriva bien plus vite qu'elle ne l'aurait souhaitée. Son chauffeur la déposa devant les grilles d'un grand lycée, qui d'extérieur avait tout de banal. Erine n'aimait pas le banal, elle détestait se trouver dans des endroits banals. Car elle, elle était loin de l'être, donc pour une femme de sa prestance il fallait des lieux mettant en avant son importance et sa richesse. Mais là, ce n'était clairement pas le cas.

- Passez une bonne journée, salua Kokuchu en lui tendant un petit panier.

- Qu'est ce donc que cela encore ?

- Votre bento, pour le repas de midi. Je me suis dit que pour le moment, vous n'étiez pas prête à manger au même endroit que tout ces « gueux », comme vous le dites si bien.

Avec un air supérieur et renfrogné, elle empoigna le panier et regarda rapidement ce qu'il contenait.

- Par contre, les prochaines fois, vous devrez vous en charger.

- Pardon ??

Elle redressa la tête, et avant de pouvoir fracasser le visage de Kokuchu contre le sol de béton, la voiture s'était éloignée. Elle aurait presque pu voir son sourire derrière les vitres tellement elle commençait à le connaitre.

- Attend que mon pied vienne frapper ton derrière, tu rigoleras moins.

- Qui donc va se prendre un coup de pied au cul ?

Erine se figea, et se retourna très, très, très lentement, avec la désagréable impression de reconnaître cette voix.

- C'est bien ce qu'il me semblait ! La petite Française qui vit dans le palais !

- Le sale pouilleux qui a squatté mon jardin sans demander la permission.

Pourquoi donc fallait-il que le destin s'acharne ainsi sur elle ? 

Un parfum envoûtant [Fanfiction IE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant