IV-

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La marche ne fut pas longue : à peine avaient-ils fait une centaine de pas qu'ils aperçurent le fugitif. L'homme serrait les poings ; Witan le guettait du coin de l'œil.

Le garçon ne bougeait pas ; il était trop occupé à regarder autour de lui, émerveillé : tout autour de son corps, des lumières, que dire, des étoiles, flottaient dans un léger mouvement de lévitation. Chacune semblait briller plus que les autres, rivalisant en éclat, en magnificence et en charisme. Toutes avaient l'air de chanter une douce mélodie pour faire venir l'enfant à elle. C'était un jeu de sirène.

Pourtant, devant tant de notes et de séduction, l'enfant ne savait où aller, laquelle choisir ; alors il se mit à avancer à tâtons, tantôt voguant vers l'une, tantôt glissant vers l'autre. Avec ce va-et-vient permanent, cette valse, ses pas ne l'amenaient finalement nulle part. Si bien qu'au bout d'un certain temps, sans doute lassées d'attendre, quelques lumières se retirèrent ; d'autres les suivirent, au point qu'il ne resta plus qu'une toute petite dizaine d'étoiles. Cependant, le garçon n'avait pas l'air de remarquer ces disparitions, continuant sa danse.

L'élan de disparition continuait. L'une après l'autre, chaque lumière disparaissait. C'est quand il n'y en eut qu'une seule restante que l'enfant prit conscience de la situation. Il se rua sur l'unique étoile survivante, la seule encore guidant ses pas, mais au moment où il s'apprêtait à l'attraper, elle se retira elle aussi ; alors le jeune garçon se retrouva seul dans la pénombre.

Le seul point de lumière restant était la lanterne que portait l'homme ; mais dans une sorte de coup de magie, l'enfant ne la voyait pas, pleurant à chaudes larmes ses lumières disparues. L'homme soupira. Boulet des fantômes, malédiction d'un roi antique, cette lanterne qu'il tenait fermement l'obligeait à regarder ce qu'il ne voulait pas voir ; contraint d'être spectateur, il ne pouvait être acteur. Witan s'approcha de lui.

« Je sais que cet enfant est triste, et toi aussi. Pourquoi ne laisses-tu pas aller tes larmes ? »

L'homme se contenta de montrer l'enfant, sans dire mot.

Une main blanche ouverte se tenait devant lui, l'arrachant à ses larmes en lui relevant la tête du bout du doigt. L'enfant, d'abord fut abasourdi. Sans bouger, il soupira de peur. Le vent souffla.

L'enfant mit un moment à se calmer totalement. La main attendait, patiente. Soudain, elle bougea et se tourna, paume vers le ciel, devant la tête de l'enfant. Le vent se calma.

Le garçon leva alors timidement son bras, et attrapa la main devant lui. Instantanément, la main s'éleva dans les airs, entraînant avec elle l'enfant qui décolla du sol dans le plus grand des calmes. Tous deux s'envolèrent encore et encore, sans cri, sans pleur, sans rire, jusqu'à disparaître derrière la cime des arbres. Le vent s'arrêta.

Quelques secondes passèrent sans que rien ne bouge, sans que rien ne se fasse entendre ; puis, comme une jetée de sable, une aura bleue apparut tout en haut des troncs : une aurore polaire perça les feuilles et s'immisça entre les arbres. L'homme regardait cela avec ses yeux d'enfants, mais pas seulement pour la beauté du phénomène. Cette brise lumineuse ne faisait pas que briller, elle donnait à voir : dans son éclat, une scène semblait se jouer. Un dîner. Un couple. L'enfant. Des sourires. La chaleur. La joie. Un avenir. Et l'aurore polaire s'éventa aussi vite qu'elle était apparue.

Marche de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant