Ici, la forêt avait disparu. Les grands arbres déployant leurs grandes branches protectrices, s'effacèrent en même temps que les dossiers, à la sortie du labyrinthe. Le ciel se développait ainsi dès les dernières feuilles des cimes, dans un immense champs étoilé et scintillant ; il illuminait avec prestance l'orée d'une belle lumière diffuse et argentée, jusqu'aux immenses murs de papier. L'homme regardait d'un air apaisé cette nuit sans lune, cette nuit infinie qui touchait bientôt à sa fin dans son éclat et dans son surplomb. Bientôt, sa marche se terminerait définitivement.
Witan était là lui aussi, assis et dos à l'immense forêt et regardant cet infini obscur. L'homme avança vers lui de son pas calme, et se plaça à ses côtés. Devant eux, un immense gouffre s'étendait. Il était si grand que le bout n'était pas visible, comme un océan de vide que rien, pas même le plus beau et le plus fin des bateaux, ne pouvait traverser sans dommage. Ce gouffre signait la fin du voyage.
Les deux anciens compagnons restèrent là longtemps, l'un à côté de l'autre, sans rien dire. Ils admiraient ce vide énorme, cette immensité noire, très calmement ; l'homme s'était résolu à cette fin, il s'y préparait depuis sa naissance, il n'aurait su dire depuis combien de temps. Ce gouffre cristallisait tout, toute sa marche, sa vie, sa fin. Il le savait depuis bien longtemps ; mais le voir ainsi face à lui, au lieu de le rend en proie à la plus grande des paniques, le rendait étrangement apaisé. Il avait souffert longtemps, mais ce trou béant faisait tout envoler, tout disperser dans cette belle nuit qui s'offrait encore à lui.
Witan ferma les yeux quelques instants, et soupira longuement.
« Sais-tu, cher homme, que ce voyage fut l'un des plus singuliers qui m'ait été donné de faire ? Cette forêt fut à ton image, tu le sais bien ; cette forêt magique, je l'ai traversée et je la traverserai de nombreuses fois, et chaque fois sera différente. Je guide les gens d'un bout à l'autre, en leur montrant tout ce qui peut leur être donné à voir. Ici s'achève tout pour toi. »
L'homme hocha lentement la tête.
« Je fus sincèrement honoré de te guider parmi ces bois, cher homme... Sache-le. »
L'homme hocha encore la tête, un petit sourire aux lèvres, et ferma les yeux. Il apprécia le silence qui s'offrait à lui, un silence reposant et non plus assourdissant, qui chantait dans ses oreilles une belle mélodie mélancolique. C'est comme si les étoiles chantaient un air silencieux pour son âme apaisée, pour qu'elles lui montrent toute la beauté de ce monde une fois encore. Ce fut son dernier plaisir ici.
« Regarde cette passerelle, cher homme. Elle te mènera là où tu dois être à présent. Elle sera ton dernier guide. »
L'homme ouvrit les yeux et regarda quelques instants ce pont étroit qui surplombait de son architecture l'immense gouffre. Il était aussi sombre que la forêt, mais lui, dans sa trajectoire droite, amorçait un chemin défini et sans détour. Il ne pouvait faire demi-tour, il ne pouvait qu'avancer. Il se tourna vers Witan et ils se sourirent une dernière fois.
Les étoiles chantaient toujours leur bel air silencieux qui calme les âmes les plus troublées comme un dernier chant d'adieu. La forêt entière semblait lui rendre hommage, et les grands arbres le saluaient par le vent qui soufflait entre leurs immenses branches. L'obscurité des tréfonds sylvestres restait à l'orée, entre les dossiers, et semblait le regarder d'un air bienveillant et triste. Witan se joignait lui aussi à cet adieu par son regard frémissant d'intensité et par son sourire mélancolique.
L'homme se retourna un fois vers cette forêt qui l'avait accueilli durant cette traversée, qui l'avait protégé au même titre que la lanterne et Witan, et inspira longuement.
Puis il traversa le gouffre.
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Marche de nuit
Aventura"Devant ces grands arbres, debout, se dressait une silhouette ; un homme, inévitablement. Il ne bougeait pas, et ne semblait pas le vouloir ; regarder l'orée de la forêt avait l'air d'être sa principale occupation, fixant tour à tour les troncs impo...