Plusieurs parchemins sont entassés. Une petite dague, une plume et un vieux pot d'encre sont à peine visibles sous tous les papiers. J'attrape le premier rouleau de la pile et le déroule doucement. Des lettres et des chiffres s'entremêlent, formant un message illisible. Une partie du document est à moitié effacée. Je le pose à côté de moi puis passe au suivant, ne pouvant rien tirer de celui-là. Le deuxième rouleau ne mentionne que des recettes de cuisine, enfin je suppose que ce sont plutôt des remèdes. En face des listes d'ingrédients et de la façon de les préparer, on peut lire des noms qui ressemblent à des maladies. On peut y voir écrit "grippe", "syphilis" ou encore "rougeole". Cela est intéressant, mais je doute d'en avoir besoin un jour. Ma mère s'intéressait beaucoup à la médecine. Il faut dire que c'est elle qui soignait à chaque fois mon père lorsqu'il revenait blessé. Je mets le papier de côté et attrape un autre rouleau. Encore raté, celui-ci est carrément vide. Il n'en reste plus que deux. Je prends donc le suivant. Un dessin apparaît lorsque je le déroule. Je peux apercevoir un village et en son centre un magnifique château. Les petites maisons à colombages sont toutes alignées le long des différentes allées. Le château, quant à lui, est entouré de remparts et une tour imposante se trouve au milieu. En dessous du dessin, une suite de lettres et de chiffres incompréhensibles se suivent :
FO BNPOU USPVWFS MB DJUF.
MB PV MF TPMFJM NFVSU DF EJSJHFS.
EV QPJOU MF QMVT IBVU USPVWFS M'PFVJM EF M'BJHMF.Je pense qu'il va me falloir un peu de temps avant de déchiffrer ce message. Il me faudrait la clé, sinon je sens que mon cerveau va exploser à force de réfléchir. J'ai beau relire dix fois le texte, je ne comprends toujours pas. Bon, j'imagine que c'est l'endroit où je trouverai refuge auprès des miens. C'est vrai que mes parents parlaient parfois d'un château. Encore faut-il que je trouve comment y arriver. Je pose le papier et attrape le dernier. Celui-ci est une carte. On peut y voir une partie du continent. En cherchant un peu, j'arrive à trouver la ville où j'habitais avec Samuel. En remontant légèrement vers le nord, il y a la dernière ville où je suis passée, celle où ma mère est décédée. Mes yeux suivent la rivière puis se posent sur un léger point noir. C'est la maison où je suis. Elle serait imperceptible pour quelqu'un qui ne connaît pas son emplacement. Je range tous les autres parchemins puis ferme le coffre. Il n'y avait rien d'autre d'intéressant à l'intérieur. Je sens que je vais bien me creuser la tête ces prochains jours... Je retourne ensuite dans la pièce principale et viens m'installer près de la cheminée. Je l'allume puis mange un morceau avant de me pencher sur le vieux morceau de papier. Je le tourne dans tous les sens mais les lettres ne semblent pas avoir été mélangées. Il y a trop peu de voyelles pour former des mots compréhensibles. Il est aussi peu probable qu'il faille prendre qu'une lettre spécifique par mot puisque cela ne forme aucun mot connus... Argh je vais devenir folle. Ne l'ai-tu pas déjà ? Me murmure ma douce conscience. Merci pour le soutien mais c'est sûrement ce que je vais devenir à force de rester seule... Je finis par me coucher dans le grand lit, l'esprit toujours en train de réfléchir au message codé.
Les jours passent puis se ressemblent. Cela fait déjà deux semaines que je suis partie. Mes journées sont rythmées par l'entretien de la maison, mes entraînements au combat, mes promenades aux alentours et la réflexion sur le code du parchemin. Je n'ai guère avancé dessus d'ailleurs. Je suis dans une impasse. Je n'ai plus de provisions depuis 3 jours maintenant. La faim au ventre, je me suis résignée à partir chasser. J'ai terriblement peur de cette partie de moi et en même temps cela me procure un profond plaisir. C'est pour cela que je ne voulais pas essayer. Mais je n'ai plus le choix , je ne vais pas me laisser mourir de faim non plus... Le soleil bientôt couché, j'enlève mes vêtements et commence ma transformation. Comme d'habitude, mes os craquent, mes muscles s'étirent, mes poils se transforment en plumes. Je me relève encore un peu sonné par la douleur. Je n'ai toujours pas l'habitude de celle-ci. Je suis toujours à deux doigts de perdre connaissance a cause de la souffranceque je ressens à chaque fois. Je secoue la tête pour évacuer toutes mes pensées et ainsi me reconcentrer sur mes objectifs. En quelques bonds, je sors de la maison. Les derniers rayons de l'astre de lumière illuminent la prairie. Le ciel rouge orangé s'assombrit petit à petit. Je déploie mes ailes. La fin de journée est idéale pour chasser. Le gibier est souvent plus actif au lever du jour et à la fin de journée. Après quelques battements d'ailes, je trouve un courant d'air ascendant puis me laisse porter. Le vent m'entraîne toujours un peu plus haut. La vue est à couper le souffle. Une mer d'arbres s'étend à perte de vue. La rivière zigzague tantôt entre une falaise de rocher puis ensuite entre de majestueux saules pleureurs qui viennent la caresser de leurs branches. Elle se jette finalement en cascade dans un lac non loin de là. Plus au nord, à des jours et des jours de vol, s'élève une chaîne de montagnes enneigées. C'est celle que je pouvais apercevoir sur la carte. Elles ont l'air si lointaines... Au sud, on peut apercevoir la ville des humains. Tandis qu'à l'est et à l'ouest, la forêt s'étend jusqu'à l'horizon. Malgré la hauteur, je me sens si minuscule devant ce paysage. Nous sommes si insignifiant face à mère nature. Mon regard se porte alors vers la terre défilant en dessous. Mon ventre me rappelle à quel point j'ai faim et que je dois absolument trouver une proie. Mes yeux perçants scrutent chaque centimètre carré à l'affût du moindre mouvement. Un petit éclair brun attire soudain mon attention. Un lapin gambade, l'air de rien, dans une petite clairière. Il ne s'imagine pas un seul instant que la mort plane au-dessus de lui. Je décris plusieurs cercles autour de lui. Je dois attendre encore un peu. J'écoute mon instinct. Il me dicte chaque geste que je dois faire. Le vent change de sens. C'est le signal. Je replie mes ailes et pique à toute vitesse en direction du sol. Le vent fouette mes plumes et ma vitesse accélère à chaque mètre qui me rapproche de l'animal. Alors que je m'apprête à déployer mes ailes afin d'arrêter ma chute et de sortir mes serres, le lapin s'enfuit en bondissant. J'atterris non sans douceur avec comme proie une touffe d'herbe entre mes serres. Zut, je l'ai loupé. J'oublie qu'eux aussi ont un instinct qui les prévient du danger. Je m'envole à nouveau cherchant une nouvelle proie. Je me laisse porter par le vent. Je passe plusieurs fois au-dessus de la rivière. J'aperçois alors un poisson nageant tranquillement près de la rive. Cette fois, je l'aurai. De la même manière que précédemment, je tourne quelques instants autour de la proie, puis je fonds en direction du sol. À quelques mètres du poisson, je déploie mes serres en avant puis je l'attrape en atterrissant dans l'eau peu profonde. Il se débat entre mes griffes. Je lui assène un coup de bec puissant afin de l'achever. Enfin, je vais pouvoir manger ! Je déploie mes ailes et m'envole avec ma proie bien agrippée entre mes pattes. Je me perche dans un arbre et commence à déguster mon repas. La chair se déchiquète sous mon bec. J'avoue que ce sentiment de plaisir me fait plutôt peur. Après tout je suis un prédateur, pourquoi devrais-je réfréner mon instinct qui me pousse à chasser pour manger ? Les loups sont-ils dégoûtés lorsqu'ils tuent une proie ? Mon esprit humain est en total contradiction avec mon instinct animal, me faisant culpabiliser. Alors que je finis d'engloutir mon poisson, un bruit dans les fougères me fait sursauter, mettant fin à mes pensées. Mon attention se porte directement sur l'endroit d'où provient le bruit. Un renard, sûrement attiré par l'odeur, sort des herbes hautes. Il renifle l'air puis me fixe de son regard perçant. Ayant fini de manger la viande, je laisse tomber le reste. L'animal roux se jette dessus. Il l'avale en deux bouchées. Je pourrais avoir peur, mais malgré sa mâchoire puissante je ne ressens rien. En termes de taille, je suis même plus grosse que lui. Me détournant de l'animal, je pense que je devrais reprendre ma chasse histoire d'avoir quelque chose à manger pour les prochains jours. Je m'envole de nouveau dans la nuit cette fois-ci. La lune éclaire les bois. Mes yeux totalement habitués au noir, je peux apercevoir chaque plante, rocher ou animal sur le sol de la forêt. Dans l'idéal, j'aimerais trouver un animal un peu plus gros qu'un poisson. Après de longues minutes de vol, j'aperçois enfin une proie plutôt intéressante. Des jeunes marcassins gambadent à une dizaine de mètres de leur mère.
Parfait, je n'ai plus qu'à viser le plus faible. Je vole en stationnaire quelques instants afin de repérer le plus petit de tous. Je l'ai trouvé. Il marche plus lentement, trébuchant plus facilement que les autres. Alors qu'il fouille le sol légèrement écarté de ses congénères, je plonge dans sa direction. Tel un ange de la mort, le sifflement à mes oreilles annonce la fin de la vie de cet animal. Il n'a pas le temps de réagir lorsque mes serres transpercent sa chair. Les cris de douleur qu'il pousse agitent alors tous ses frères et sœurs qui s'enfuient en courant. La mère se dirige vers moi furieuse. Je bats vigoureusement des ailes afin de m'élever vers le ciel. Le marcassin est plus lourd qu'il en avait l'air. Alors que la laie n'est plus qu'à deux pas de moi, je réussis à décoller juste avant qu'elle ne me piétine. L'animal entre mes serres se débat afin de se libérer, rendant mon vol plus difficile. J'entends sa mère me suivre en grognant. Je donne un coup de bec dans la tête de l'animal afin de l'achever. Mon but n'étant pas non plus de faire souffrir mes proies, je trouve ses cris de douleur insupportables à mes oreilles. Je le remercie intérieurement pour le don qu'il me fait de sa viande.
Je me dirige alors vers chez moi. Je me suis bien plus éloignée que je ne le pensais. Je longe la rivière et arrive finalement dans la petite clairière où siège fièrement au centre le pommier. J'atterris non sans douceur sur le palier de la porte. J'entre ensuite dans la maison avec la proie dans mon bec. Je peux enfin reprendre une apparence humaine. Après de très très longues minutes de transformation douloureuse, je me retrouve allongée contre le sol froid, nue comme un ver. J'attrape mes habits laissés non loin de là avant que je parte plus tôt. Je les enfile à la va-vite puis attrape ensuite le petit sanglier. Il est temps de cuisiner. J'enlève la peau puis le vide de ses entrailles. Je l'embroche ensuite avec une tige de métal. Je le pose au-dessus du feu. Je le laisse cuire doucement en le tournant régulièrement. L'odeur qui se dégage est si agréable et me donne l'eau à la bouche. Une fois cuit, je le laisse refroidir puis le découpe en morceaux. Je ne peux m'empêcher d'en manger quelques-uns. Je place ensuite le tout dans mon pot de terre rafraîchissant. Et je file ensuite me coucher épuisée. Je m'endors rapidement le ventre enfin plein...
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Fin du chapitre 12 !
J'espère toujours que l'histoire vous plaît ! N'hésitez pas à me donner vos avis 😊 à bientôt pour la suite ! Alexandra 🪶Ps : il existe bien une clé pour le code si quelqu'un arrive à le déchiffrer avant notre héroïne félicitations à vous ! 😉
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L'oiseau de l'Ombre
FantasyDans une époque ou les chevaliers en amures et les combats à l'épée sont la norme, Amaya est une jeune femme de 19 ans pas comme les autres. Elle a la capacité de se transformer en aigle noire. Orpheline, elle a juré de venger ses parents. Alors qu'...