Chapitre 19

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Je commence l'ascension à pied. Je ne peux pas me permettre de voler en plein jour, je serai bien trop vite repérée. Je vais sûrement gagner un peu de temps grâce à Storm, mais il se rendra sûrement vite compte de la supercherie. Je sens encore sa main sur mon bras et son souffle sur ma peau. Je ne peux empêcher mon corps de frissonner au souvenir de ce moment. Les sensations que j'ai ressenties sont vraiment étranges. Comment puis-je avoir trouvé ça agréable alors qu'il essayait de me tuer ? Je secoue la tête pour chasser ses pensées. Je dois l'oublier. Je continue mon chemin parmi les immenses sapins. Le chant des oiseaux accompagne le bruit de mes pas sur le sol couvert d'épines mortes.

Je pensais rester quelques jours à l'auberge afin d'étudier les deux dernières lignes de l'énigme, mais le destin en a décidé autrement. Je ne sais même pas où aller. Je suppose juste qu'il faut que je trouve le plus haut sommet de la chaîne de montagne. Mais pour ça, je n'ai pas d'autre choix que de me transformer. Je ne verrai rien en restant au sol. Je soupire, je vais devoir attendre la nuit. Un pas après l'autre, j'avance vers les premiers sommets, m'éloignant toujours un peu plus de la route et de toute civilisation.

Après plusieurs heures de marche, j'atteins enfin la crête. Je suis épuisée, l'ascension est particulièrement difficile, d'autant plus qu'il n'y a aucun chemin. J'ai donc dû faire des détours à plusieurs reprises, bloqué par des parois rocheuses. De plus, la pente est plutôt raide. Les mains appuyées sur les genoux, j'essaie de reprendre mon souffle. J'observe le paysage. C'est si beau. D'ici, j'ai une vue sur toute la vallée en contrebas. La forêt s'étend de par et d'autre de l'horizon. J'aperçois à plusieurs kilomètres la ville dans laquelle je me trouvais encore ce matin même. Elle paraît si petite vue du sommet de la montagne. Une fois ma respiration revenue à la normale, je reprends la route.

Le soleil commence à peine à décliner dans le ciel. Je vais essayer de trouver un endroit où me reposer jusqu'à la nuit tombée. Il faut dire que je n'ai pas très bien dormi ces derniers jours. Une petite sieste n'est pas de refus. Après quelques minutes de recherches, je finis par trouver un petit abri dans le tronc d'un arbre mort. Je m'installe et sors ma petite couverture. Mes paupières sont lourdes et je peine à rester éveillé plus longtemps. Le sommeil l'emporte et me voilà de nouveau plongé au pays des rêves. En espérant ne pas me réveiller avec une épée pointée sur la gorge cette fois-ci.

Le vent glacial vient chatouiller mon visage. Un frisson parcourt mon corps et fini par me réveiller. J'ouvre les yeux encore engourdis par le sommeil. J'ai terriblement froid. Je dois bouger et me réchauffer où je vais finir congelée. La nuit est tombée depuis un moment déjà. La lune est déjà haute dans le ciel. J'ai dormi bien plus longtemps que je ne le pensais. Il est temps de me transformer et de faire un petit vol. Je me déshabille et range mes affaires dans mon baluchon puis j'y accroche mon épée tant bien que mal. Le vent glacé lacère mon corps et je ne peux m'empêcher de trembler comme une feuille. J'entame alors le processus de transformation avant de devenir un glaçon. Mes os craquent, ma peau s'étire et mes poils se transforment en plume. Cela faisait plusieurs jours que je ne me suis pas transformée. Après quelques minutes à souffrir le martyre, ma métamorphose est enfin achevée. Ça m'avait manqué. Je me sens si bien sous cette forme, bien mieux qu'en humaine. En plus mon plumage me protège du froid. Je déploie mes deux immenses ailes puis attrape de mes serres acérées mon sac. L'envol ne va pas être simple. Au moins le vent va m'être utile. D'un battement puissant des ailes, je décolle. Le sac est lourd, mais j'arrive tout de même à le porter. Je jette un coup d'œil afin de vérifier que je n'ai rien perdu. Ouf, tout a l'air d'être bien accroché. Je me laisse alors porter par les courants d'air et m'élève peu à peu dans le ciel nocturne. Je me concentre sur mon objectif, avancer vers l'Est.

Le vent dans mes plumes et cette sensation de liberté m'ont manqué. Tout a l'air si petit vu d'en haut. Je me laisse porter tout en me délectant des émotions qui me traversent. Je me sens si bien. Mes soucis se sont soudainement dissipés. En me perdant dans la contemplation du paysage, j'en viens presque à oublier ce que je fais ici. Quel est mon objectif déjà ? Ah oui, je dois trouver le sommet le plus élevé. Mon regard se porte alors sur l'horizon à la recherche d'un pic plus haut que les autres. À première vue, ils ont tous l'air de la même hauteur. En même temps, je ne peux pas voir correctement en étant si haut dans le ciel. La distance joue aussi un rôle. Des sommets très éloignés semblent semblables en taille, mais sont finalement bien plus élevés quand on s'approche. Je vais continuer vers l'Est. Après tout, c'est la seule piste que j'ai. Le parchemin n'est pas vraiment clair sur ce passage...

Je vole jusqu'au levé du jour. Après avoir trouvé une petite grotte, j'atterris non sans difficulté, afin de me reposer. Mon estomac gronde, me rappelant que je n'ai rien avalé depuis des heures. Affamé, j'attrape un morceau de pain à l'aide de mon bec dans mon baluchon. Je le picore rapidement. Une fois mon repas terminé, je me roule en boule sous la couverture. Au vu de l'emplacement de la grotte, il est peu probable qu'un animal sauvage vienne me dévorer. À peine quelques minutes plus tard, je finis par m'endormir profondément. Je me réveille en fin de journée. Le ciel s'est couvert et les nuages sont lourds. Je sens qu'il va neiger cette nuit. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de partir maintenant. Si une tempête s'abat, je n'aurai plus aucun repère, ni de moyen de trouver un abri. Je vais attendre que la nuit tombe pour prendre ma décision. En prévision, je devrais ramasser un peu de bois pour faire un feu. La nuit promet d'être froide. Je saute de mon perchoir et me laisse tomber le long de la falaise. À une dizaine de mètres du sol, j'ouvre mes ailes. Le vent me porte quelques instants et je finis par me poser près de quelques sapins. Je prends du bois dans mon bec afin de faire un petit tas. Une fois celui-ci fait, j'attrape une poignée entre mes serres. Je pense que je vais devoir faire plusieurs aller-retour pour tout ramener à la grotte.

Je soupire de satisfaction en atterrissant après le dernier voyage pour rapporter le bois. Le ciel s'est assombri et des flocons ont commencé à tomber. Le vent, semblable à des petites aiguilles glacés, souffle fort. La tempête s'abat sur les montagnes. J'observe impuissante face à la force des éléments. Je suis coincée ici jusqu'à ce que le temps ce calme. J'espère ne pas avoir à trop attendre. Je n'ai pas beaucoup de nourriture. Et il met impossible de poursuivre mon voyage dans ses conditions. Je fulmine de frustration. Je vais en profiter pour regarder le parchemin et réfléchir à la suite, mais d'abord, je vais allumer le feu. Je me transforme afin de retrouver mon apparence humaine. Il faut dire que cela n'est pas facile d'allumer un feu en étant un oiseau. Une fois habillé, je prépare le foyer. Finalement, après plusieurs tentatives infructueuses, j'arrive enfin à faire naître une petite flamme. Le bois mouillé ne m'aidant pas. Je regarde la flamme grandir et engloutir un peu plus les branches. J'ai toujours été fasciné par la danse du feu. Je pourrai le contempler pendant des heures.

Mon attention se porte finalement sur l'extérieur de mon abri, les flocons qui tombent sont tellement nombreux qu'on ne voit plus qu'à quelques mètres. Je me perds à contempler ses milliers de petit point blanc qui virevoltent dans l'air avant de s'écraser au sol. Ma conscience me rappelle soudain à l'ordre. C'est bien beau de rêvasser mais je dois plutôt m'y mettre afin d'avancer sur mon voyage ! Je me concentre à nouveau sur mon parchemin que j'ai sortie de mon sac quelques instants auparavant. J'observe la carte en détail afin de découvrir un détail qui m'aurait échappé. Mes yeux parcourent la chaîne de montagne, alors que je regarde chaque trait, j'en aperçois un légèrement plus épais que les autres. Serait-ce donc un indice ? En partant de la ville, je place mon doigt en direction de l'Est. J'ai vu juste, la montagne est pile sur la trajectoire. Si je m'en réfère aux distances, je devrais être à cinq jours de vol. C'est sûr que personne ne pourrait trouver sans avoir la carte. La chaîne de montagne est si vaste, ce serait comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Maintenant que je sais où je dois aller, je n'ai plus qu'à attendre que la tempête passe. Je grignote un morceau de viande séché puis fini par m'endormir près du feu. Je me réveille plusieurs fois afin d'éviter que le foyer ne s'éteigne. Les températures sont si basses que je finirai vite morte de froid... Les heures passent, mais le temps ne s'améliore pas. Le jour pointe déjà le bout de son nez. Je n'arrive plus à dormir, je n'ai fait que ça ces dernières heures. Les flocons encore nombreux virevoltent dans les airs avant de se poser au sol. La montagne c'est entièrement vêtu de blanc. Je trouve cela si beau. Je passe donc ma matinée à observer le paysage.

Finalement, en début d'après-midi, le soleil pointe le bout de son nez. Les rayons peines à percer le couvert nuageux. Je peux enfin reprendre mon chemin. Je me suis assez éloignée de la route à présent. Je ne pense pas que cela posera un problème si je vole de jour à présent. Je range ma couverture et les habits que je porte dans mon sac. J'éteins le feu puis entame ma transformation. Je suis en pleine forme et prête à me lancer à nouveau dans mon voyage jusqu'à mon peuple. J'ai hâte de les trouver ! J'agrippe mon sac et mon épée avec mes serres et je sors de la grotte. Je déploie mes immenses ailes puis m'envole vers l'horizon.

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Fin du chapitre 19 ! Je m'excuse pour l'attente, j'ai un peu de retard sorry😅 J'espère qu'il vous aura quand même plu ! À bientôt pour la suite ! Alexandra 🦅

L'oiseau de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant