Chapitre 16

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Je regarde le liquide orangé tourner dans mon verre. Je n'ai pas encore assez bu. Il y a seulement cinq chopes vides sur la table. Je ne me rappelle même plus quel était mon reccord.

Cela fait déjà plusieurs semaines que nous sommes arrivés dans cette ville. Je m'ennuie à mourir. Je remu mon verre en écoutant à peine ce que me dit Orion. Mon camarade est assis en face de moi, ses cheveux blonds courts sont tout ébouriffés à force de passer sa main dedans. Ses yeux bleus me regardent fixement, je peux y déceler une pointe d'amertume. Je soupire, je n'en peux plus de l'entendre se plaindre de la situation et de m'accabler pour tous ses tourments. Moi aussi, je n'en suis pas satisfait, mais je ne me lamente pas à longueur de journée. Cela n'arrangera en rien notre condition…

Cela fait des mois que nous avons quitté notre pays natal. J'aimerais tout autant que lui rentré. Malheureusement, on nous a confié une mission. Nous aurions déjà pu être chez nous au début de l'automne si je n'avais pas échoué. Tout cela est de ma faute. J'ai voulu m'amuser, et voilà que ma proie m'a échappée. Je sens encore mes serres se planter dans sa chair, l'odeur de son sang. Je la revois la deuxième fois tenant son épée. Elle s'est bien battue, cela m'a laissé une bien jolie cicatrice d'ailleurs. J'ai baissé ma garde un instant, j'étais trop sûre de moi et elle en a profité. Je l'ai insultée de tous les noms quand elle s'est enfuie. J'ai essayé de la poursuivre, mais la douleur de ma blessure m'en a empêché. Quelques jours plus tard, j'ai essayé de suivre sa piste avec son odeur, mais j'ai perdu sa trace à plusieurs kilomètres de la ville. Je n'avais déjà pas apprécié qu'elle m'ait échappée la première fois. Je n'avais pas retrouvé son cadavre, mais vu son état, j'étais persuadé que le courant l'aurait tué. Il faut vraiment être fou pour se jeter dans l'eau sous forme d'oiseau. J'ai cherché un moment avant d'abandonner, n'ayant rien trouvé. J'ai survolé la ville pendant des jours tous les soirs, pensant qu'elle reviendrait, mais je ne l'ai pas aperçu. Qu'elle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai senti son odeur ce jour-là alors que je sirotais une énième bierre. Je me maudis encore de ne pas avoir réussi à l'achever. Elle est bien plus coriace que ceux que nous avions tués avant. 

Son peuple est mauvais, il incarne le mal et a même déclenché la guerre qui nous oppose encore aujourd'hui. Ils doivent disparaître. Le monde ne s'en portera que mieux. Nous cherchons toujours leur refuge, mais nous ne trouvons que des brebis égarées qui ne savent rien ni où il se trouve. Celle-ci en est une aussi et elle essaye de survivre seule. Je me souviens de la première fois que je l'ai vu. Il faisait beau. Le lac scintillait au soleil et un magnifique cheval noir broutait au bord de l'eau. Allongée sous un saule pleureur dont les branches carressaient l'eau calme, une magnifique jeune fille. Je l'ai observé longtemps à l'abri des arbres, puis je me suis rapproché. Grossière erreur de ma part, le cheval m'a repéré et elle a été réveillée par l'inquiétude de son animal. Ils se sont enfui tous les deux, je ne pouvais les suivre. Et dire que je ne faisais qu'une pause lors de mon voyage. Quelle chance j'ai eue. En les voyant s'enfuir en m'apercevant, je n'avais plus de doute sur sa nature. Elle devient ma proie à partir de cet instant précis. Je ne cesserai jamais de la traquer… Je fini ma bière d'une traite. Je crois bien que je vais en prendre une autre. Ces souvenirs m'énervent. J'appelle le serveur qui vient m'en resservir une. 

Le liquide ne cesse de tourner dans mon verre. Orion continue son monologue alors qu'il sait très bien que je ne l'écoute pas vraiment. J'aimerais bien un peu de répit. Mon esprit est obnubilé par cette fille. Je ne cesse de penser à elle depuis le premier jour… Ses cheveux noirs de jais, ses yeux verts, son nez fin, ses lèvres pulpeuses, son visage bien dessiné, son corps gracieux… Fais chier, j'ai encore trop bu ou bien pas assez peut-être ? Je pense à des choses que je ne devrais pas. J'aurais pu la tuer, mais je n'ai pas réussi, pourquoi ? J'ai l'impression que quelque chose m'en a empêché. Je n'arrive pas à savoir pourquoi ce jour-là, je n'ai pas réussi à trancher sa gorge… Au fond de moi, je sais que je ne vais pas tarder à la revoir. Mon instinct me hurle qu'elle n'est plus si loin.

L'oiseau de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant