Chapitre 20

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Le vent s'engouffre dans mes plumes. Il est glacial, semblable à des milliers de petites aiguilles tranchantes. Cela fait déjà plusieurs jours que je vole sans relâche en direction de l'Est. Je n'ai pas encore atteint le sommet le plus élevé de la chaîne de montagne. Mais je garde espoir, d'après la carte, je ne devrais plus être très loin.

Je suis épuisée. Le sac que je porte entre mes serres me semble peser une tonne. Je suis affamée aussi. Je n'ai pas réussi à trouver de nourriture, tout est recouvert d'un épais manteau blanc. Je n'ai pas vu âme qui vive depuis un petit moment. Les animaux se font plutôt discrets. En même temps peu d'entre eux vivent à cette altitude. Les conditions sont rudes et résister à l'hiver relève du miracle ici. La forêt a laissé place depuis longtemps à une plaine blanche monotone et plutôt escarpée. Les falaises des montagnes plongent dans le vide des centaines de mètres plus bas. La vue est splendide, mais mortel. Heureusement que je ne fais pas le voyage à pied, les crevasses courent partout, et au moindre faux pas, c'est la mort assurée. Je reporte mon attention sur l'horizon, désespérément à la recherche de ma destination. Je ne vais pas réussir à tenir encore bien longtemps dans ses conditions. J'ai perdu bien du poids et ma réserve de nourriture est presque épuisée. Les nuits sont glaciales et je n'ai même pas de quoi faire un feu pour me réchauffer, heureusement mon plumage et ma petite couverture me protège tant bien que mal. Je suis impatiente de retrouver le confort de la civilisation...

Je vole ainsi une bonne partie de la journée. Alors que le soleil se couche, j'atterris sur un promontoire rocheux afin de faire une pause. Je suis à bout de force. Je reprends mon souffle difficilement. L'air est bien plus dur à respirer ici. Les rayons du soleil me réchauffent un peu, mais ne tarde pas à disparaître derrière les montagnes enneigées. Les journées d'hivers sont courtes. Je frissonne lorsque le vent vient fouetter mon corps de ses dents glacées. Je mange le dernier bout de viande séché qu'il me reste. Est-ce bientôt la fin pour moi ? Le seul avantage à mourir ici, c'est que mes poursuivants ne retrouveront jamais mon cadavre, ni les parchemins qui mènent à mon peuple. Je devrais peut-être voler cette nuit. Si je dors je ne suis pas sûre de me réveiller demain matin. Le ciel chargé de lourd nuage annonce le mauvais temps amené par le vent du nord. Je dois me dépêcher avant que la neige se remette à tomber. Ma dernière bouchée avalée, j'attrape de mes serres mon baluchon puis m'envole d'un battement d'aile puissant. Le vent me porte un peu plus vers le ciel après chaque rafale. Je continue donc encore ma route dans des conditions bien difficiles...

La nuit finie par tomber et l'obscurité à régner sur les montagnes recouvertes d'un blanc immaculé. Alors que je perds petit à petit espoir, je le vois enfin. Une crête rocheuse dépassant toutes les autres. Cette montagne s'élance vers le ciel tel un phare au bord de la côte. Son sommet est vraiment étrange, il ressemble au bec d'un aigle non ? Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. L'espoir, qui s'éteignait quelques instants auparavant, me redonne la force d'avancer. Je suis si proche du but.

Alors que je ne suis plus qu'à quelques kilomètres, le vent se fait bien plus fort et la neige se met à tomber. Elle me brouille la vue et me fait perdre tous mes repères. Non ! Ce n'est pas possible ! Pourquoi maintenant ? Je ne peux rien faire dans cette tempête... J'essaie d'avancer, mais je ne sais pas dans quelle direction je vais. Je devrais peut-être essayer de trouver un abri ? Et comment ? Tu ne sais même pas si tu es proche de la terre ferme... Tu veux t'écraser sur le sol ? Où heurter une paroi rocheuse ? Ça me fait mal de l'admettre, mais ma conscience a raison. En même temps, je ne peux pas rester ainsi ou je vais m'épuiser et y laisser plus que quelques plumes.

Je lutte tant bien que mal face aux rafales... Je bats des ailes de toutes mes forces, mais rien n'y fait. Je m'épuise un peu plus à chaque seconde qui passe. Peu à peu, je perds de l'altitude. Les flocons de neiges me brouillent la vue me rendant incapable de faire quoi que ce soit. Pas le choix, je dois me poser. Je descends lentement vers le sol. Je ne sais quand je vais l'atteindre, ce qui me terrifie. Je ne vais plus pouvoir tenir longtemps. Je sens mes forces s'envoler et mes ailes devenir de plus en plus difficile à bouger. Je me sens tomber un peu plus rapidement vers le sol, impuissante face à cette réalité fatae. Je ralentis ma chute en déployant mes ailes. Je heurte finalement un tas de neige plutôt épais. Par chance, il a amorti ma chute. Par contre, je me retrouve coincé dans la neige. Ça sent plutôt mauvais pour moi cette histoire. Je me débats à l'aide des dernières force qu'il me reste. L'instinct de survie est si fort. La neige vole autour de moi alors que j'essaie de me dégager. Je ne veux pas mourir ici. Je pourrai me transformer ? Non mauvaise idée, je n'ai pas assez d'énergie pour ça. Le jour ne devrait plus tarder à se lever. Peut-être que je peux me reposer un court instant ? Si j'abandonne maintenant, je ne le reverrai sûrement pas... Je me débats de plus belle, mais rien n'y fait, cela produit l'effet inverse et je m'enfonce un peu plus dans l'épais duvet blanc.

L'oiseau de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant