Chapitre 31 : Une coutume à punir

501 31 3
                                    

PDV IRMINA

Je parcourais des yeux à travers la fenêtre de ma chambre les jardins du palais. C'était assez ironique de penser au silence des lieux dans ce palais. Il semblait froid, sans vie. La chaleur des espaces clos n'étaient guère agréable. Cela faisait maintenant un certain temps que je vivais en Angleterre, les coutumes me semblaient étranges sans grand fond particulier. La Pologne me manquait. Depuis la dernière lettre de ma mère, il y a de cela un peu plus d'un an, je n'en ai plus reçu. Je n'avais reçu qu'une seule lettre de mon pays natal. Je me renfrognais à l'idée de me sentir oubliée des miens. Je n'y étais pour rien. Ma vie était maintenant ici, en Angleterre et non là-bas. La réalité de l'instant présent me fis sortir de mes pensées pénibles, lorsque j'aperçus Enrick sortir de l'écurie. Il marchait d'un pas pressé presque saccadé. En moins de deux secondes, il toqua à ma porte.

- Entrez.

La porte s'ouvrit sur le visage fermé d'Enrick. Il s'arrêta sur le seuil dans l'attente de mon autorisation de pénétrer dans cet espace intime.

- Comment allez-vous ? Vous m'avez l'air méfiant.

Enrick referma la porte très rapidement tout en surveillant à l'avance si quelques domestiques passeraient dans le couloir. Lorsque la porte claqua, il s'avança vers moi lentement en me regardant dans les yeux. D'une manière spontané, il me prit dans ses bras, en m'étreignant de toute sa chaleur. Je croyais ne plus avoir ce privilège de ressentir encore une fois, cette sensation de bien-être grâce à un seul être. Il resserra son étreinte en me caressant le dos, je fis de même en posant mon front sur son épaule gauche. J'avais l'impression de reprendre goût à la vie. D'exister pour une personne qui en valait la peine. Enrick soupira un air chaud contre ma nuque, cela me donna des frissons.

- Si seulement je pouvais faire quelque chose pour vous Irmina, susurra-t-il contre mon oreille.

- Comme quoi Enrick ? demandé-je en m'écartant de cette étreinte mielleuse.

- S'enfuir. Partir ailleurs que de devoir rester dans ce maudit palais. Je remarque que votre grossesse n'ai pas accepté par la cour. Vous attendez une fille, pour d'autres c'est un préjudice, il prit une grande inspiration, mais pour moi c'est un bonheur.

Il s'empara de ma main tout en posant son autre main libre sur mon ventre bien arrondie.

- Je serais là pour cet enfant. Si nous devons un jour nous enfuir, je voudrais être le père que vous désirez pour votre fille.

Sa main caressa mon ventre délicatement. Enrick me fit un discours remplit de promesse et de beaux mots. Les larmes me montaient aux yeux, je n'arrivais plus à me retenir de pleurer. L'homme qui faisait battre mon cœur désirait prendre la place de l'homme que j'ai épousé. Ses yeux me suppliaient de le croire, que ces mots étaient bons sans mauvaises fois. Je voyais tellement bien l'image de ma fille sur les genoux d'Enrick, le voir lui faire la lecture le soir, lui apprendre les rudiments de l'équitation. J'essuyais du revers de ma main les pénibles larmes de mon amant. Enrick se dévoilait devant moi pour la première fois. Que c'était beau de voir un homme cultiver autant d'amour pour une femme sous l'emprise d'une tyrannie familiale.

- Je t'aime, me promettais-t-il en encadrant ses mains sur mon visage.

Nos yeux communiquaient entres eux, les paroles ne résonnaient plus dans ma chambre. Enrick s'approcha de moi, il posa avec justesse et ardeur ses lèvres sur les miennes. Mon cœur me brûla de passion pour cet homme humble. Notre baiser était fusionnel, charnel, sensuel. Ni lui ni moi voulions arrêter cet échange aussi parfait que cela pouvait paraître. Ces mains dessinaient les courbes de mon corps de femme tandis que mes mains jouaient avec ces cheveux.

- Je t'aime, lui révélais-je entre deux respirations.

- Je t'aime.

Enrick posa ces mains sur mes reins en se reculant de cet échange voluptueux. Mes joues étaient pivoines par la température imaginaire de la pièce.

- Je dois te raconter une anecdote.

- Laquelle ?

- Ta belle-famille n'aime pas le sexe féminin car selon leurs ancêtres, les femmes étaient maudites. Quand Charlotte de Neuville est tombée enceinte pour la première fois de Daniel, personne ne l'a su. Personne ne sait comment elle a perdu l'enfant. La Grande Mère soutient l'idée que s'était une fille. Toutefois, je garde une part d'espoir pour que cet enfant soit en vie.

- Et ensuite ?

- La coutume ici dans cette région d'Angleterre... Pardon Irmina, pardon.

Enrick s'écroula sur le sol, les genoux à terre, la tête baissé et les cris des pleurs occupaient toute la pièce. Prise de panique je le pris dans mes bras, je l'encerclais comme pour le protéger, ou plutôt pour me défendre de ces prochaines paroles.

- Dis-moi s'il te plaît, lui chuchotais-je doucement.

- La coutume ici dans cette région d'Angleterre surtout dans cette famille, c'est d'abandonner sa fille dans un couvent.

Il releva la tête.

- Excusez-moi Irmina ! Pardon ! Si vous saviez tout le malheur que j'éprouve dans mon cœur à l'idée de vous voir souffrir dans cette grotesque famille.

- Non ! Enrick non, pas ça ! S'il vous plaît pas mon enfant, je m'écroulais à mon tour par terre, mes larmes me submergeaient le visage.

Mes mains se croisaient entres-elles en signe d'imploration de ma part. Ma respiration était interrompu par plusieurs formes de hoquets. Pas mon enfant, pas ma fille !

- Il faut empêcher cet abandon, on abandonne pas un enfant.

- Irmina croyez moi que rien n'y changera. Votre fille sera amené au couvent dès sa venue au monde, elle sera considérée comme sans famille, sans titre. Ne croyez pas que c'est un sortilège, Charlotte de Neuville ne vous le dira guère, chaque dimanche elle retrouve sa fille Lila au couvent pour partager un moment avec elle.

- C'est horrible ! hurlais-je en comprenant mon sort venir.

- Andrew ne vous a rien dit, je le sais. Il ne voulait pas vous mettre au courant de cette coutume. Dans la réalité, il aurait prit l'enfant lorsque vous dormirez pour l'envoyer dans un couvent le plus loin possible.

- C'est un monstre ! Il me maudit chaque soir de ne pas enfanter un garçon ! Et lorsqu'une fille entre dans ce monde, elle doit partir ? Hors de question ! C'est ma fille Enrick, c'est mon bébé.

Je m'écroule dans ces bras. Il m'encercle de la même précédente chaleur qui me réchauffé le cœur. Tous deux, nous pleurions ce malheur. Notre douleur était commune. Enrick me caressa les cheveux en déposant un baiser sur mon front et ma tempe.

- Je suis là pour toi Irmina. Je mettrai au courant Andrew de ta connaissance de cette coutume, ainsi tu ne seras pas surprise le jour où cela se produira.

- C'est un monstre cet époux.

- Non pas l'époux, mais la famille est à blâmer. 

La Comtesse De DunstOù les histoires vivent. Découvrez maintenant