Famille recomposée

Perdre la vie

A force de mal dormir et de s'inquiéter, Harry était épuisé. Si bien que lorsque Drago l'invita à s'installer pendant qu'il prenait une douche, l'ancien Auror s'endormit presque à l'instant où il s'était assis dans le fauteuil confortable.

Drago pour sa part, profitait de l'eau chaude pour se détendre, mais maugréait contre le brun, trouvant qu'il en faisait trop. La preuve était qu'il l'avait menacé de dormir devant sa porte s'il ne le laissait pas pénétrer ses appartements pour rester près de lui.
Une part de lui cependant se réjouissait de l'attention dont il était la cible. Le grand Harry Potter le trouvait suffisamment important pour assurer ses arrières. Il n'avait aucune obligation et pourtant il était là, à ses côtés.

Depuis qu'ils s'étaient retrouvés, l'animosité d'autrefois avait disparu. Ils avait grandi, mûri. La guerre les avait changé également.
Drago devait la vie et sa liberté à Harry, mais le brun ne semblait pas conscient de la dette énorme contractée par le blond. Au contraire, même, il continuait à assurer sa protection, comme s'ils avaient été proches depuis le départ.

L'amitié de Potter était une sensation étrange. Lui qui avait eu des amis qui voyaient en lui l'héritier Malefoy, il appréciait le fait d'être un peu bousculé. Le Gryffondor ne cherchait jamais à le ménager. Il était douloureusement franc, notamment lorsqu'ils évoquaient leur passé. En retour, il avait fallu peu de temps pour que Drago comprenne qu'il pouvait compter sur le brun. Harry ne cherchait pas à savoir s'il pourrait retirer des bénéfices en lui venant en aide. Il agissait, désintéressé, comme le héros qu'il était toujours.

Alors, même s'il marmonnait contre les Gryffondor envahissants qui squattaient son salon, au fond de lui, il était heureux de passer la soirée près de Harry. Ils discuteraient, se chamailleraient. Et ils iraient dormir avec le sourire aux lèvres, parce qu'ils auraient passé un bon moment.
Peut être qu'ils parleraient de leurs fils, se racontant leurs enfances, ou parlant de leur amitié si forte, si fusionnelle. Le seul sujet qui resterait sous silence serait le baiser qu'ils avaient échangé...

Même s'il avait menacé Harry de prendre tout son temps, Drago expédia sa douche. Il était pressé de l'asticoter, juste pour voir ses yeux verts briller. C'était comme un jeu entre eux, s'agacer mutuellement, pour faire réagir l'autre...
Il passa un pantalon large confortable et un tee-shirt, délaissant ses robes sorcières habituelles, avant de rejoindre le salon d'un pas souple.

Potter dormait.
Drago à une époque l'aurait réveillé sans pitié, sûrement de façon brutale. Cependant, il n'était pas stupide, et il avait vu les cernes de son collègue. Il avait vu également sa nervosité et sa mauvaise humeur - qui n'était étrangement jamais dirigée contre lui - signe d'un manque certain de sommeil.
Avec un soupir, il s'installa dans le fauteuil face au Sauveur en silence, le regardant dormir.

Il n'y avait aucun doute que Potter n'était plus un petit garçon. Il n'avait plus cette silhouette frêle de gosse mal nourri. Il s'était étoffé et musclé. Son visage était ombré d'une barbe naissante et était plus carré, faisant oublier son visage enfantin et androgyne de l'époque où ils étaient à Poudlard.
Il avait gardé ses cheveux en désordre, aussi ébouriffés que s'il avait passé la main dedans encore et encore. Il avait les cheveux un peu plus longs que lorsqu'il était adolescent, mais ça ne changeait pas vraiment son apparence.

Bien qu'il soit un homme, lorsqu'il dormait Potter semblait plus jeune. A cet instant, Drago voyait la ressemblance du père avec ses fils. Des copies conformes.
Il n'avait pas changé.

Alors que le Serpentard plongeait dans ses souvenirs, Harry commença à s'agiter dans son sommeil. Son visage se froissa, et ses mains s'ouvraient et se fermaient - comme s'il cherchait à rattraper quelqu'un.
Drago fronça les sourcils et se pencha en avant, appelant doucement son collègue.

Rapidement, Harry se débattit franchement en dormant, et se mit à crier, repoussant inlassablement un ennemi invisible. Après une brève hésitation, Drago lui saisit les poignets et l'appela, voulant le réveiller.
Après un dernier cri, Harry se tendit et ouvrit les yeux, haletant, des larmes coulant sur ses joues. Il semblait perdu.

Drago ne prit même pas la peine de réfléchir. Il se comporta comme il le faisait avec Scorpius, quand son fils se réveillait en sursaut après un mauvais rêve. Il attira Harry contre lui, en lui frottant doucement le dos, parlant de tout et de rien calmement. Son autre main passa dans les cheveux en bataille, massant le cuir chevelu jusqu'à ce que les muscles de Harry ne se détendent, signe qu'il était calmé.

Il était étrange qu'ils aient une telle proximité, mais Drago ne s'y attarda pas. Lorsque Harry s'écarta de lui-même, les joues un peu rouges de gêne.
- Désolé.
Drago haussa les épaules.
- Un cauchemar je suppose ?
Le brun hocha la tête en soupirant.
- Ça arrive parfois quand je suis... un peu trop fatigué. Je... Je repense à tous ceux qui ont perdu la vie.

Sans un mot, Drago fit venir à lui une bouteille de Whisky et deux verres. Il en servit une généreuse rasade à Harry et le lui tendit, le fixant dans les yeux sans montrer la moindre émotion. Il n'aimerait pas être vu en position de faiblesse, alors il pouvait bien montrer à Harry qu'il n'avait pas pitié de lui. Pas un seul instant.
Il se servit à son tour, et sirota le liquide qui laissa une traînée de feu jusqu'à son estomac.
- Tu veux en parler, Potter ?
Harry lui offrit un demi-sourire, cependant sincère.
- Il n'y a pas grand chose à en dire. C'est terriblement banal. La guerre, les victimes. Je revois encore et encore le moment où... Je me dis que j'aurais pu en sauver certains si j'avais agi différemment. Mon parrain, Remus, Tonks, Fred... Et maintenant Lavande. On l'a abandonné et...
- Potter... Sérieusement ? Brown était visiblement dérangée depuis l'attaque qu'elle a subi de Greyback. Je peux la comprendre, ce type était répugnant... Mais personne n'aurait pu la sauver. Ce n'est pas toi qui a provoqué ce désastre. C'est Greyback quand il l'a attaqué ou le Seigneur des Ténèbres quand il lui a ordonné de tuer à volonté.

Harry but son verre d'une traite, comme pour noyer ses sombres pensées. Puis il se laissa aller en arrière dans le fauteuil, et eut un bref sourire.
- Merci Malefoy.