Chapitre 28.1 : L'épée des prophètes

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      Ils étaient vaincus, pensa subitement Aja en s'accroupissant près de son amie, allongée à terre. Des larmes coulèrent sur ses joues, tandis qu'elle lui suppliait de se relever. C'était un cauchemar qui se répétait, la peur envahit de nouveau l'orisha, comme ce fameux jour où elle cru qu'elle allait tout perdre.

– Vous êtes tellement pathétiques ! lança sèchement une voix provenant du camp ennemi.

      Brusquement, Aja sentit son cœur s'arrêter durant un court instant qui lui parut durer une éternité. La déesse leva alors sa tête vers le mystérieux meneur qui s'avançait tout seul vers elle, d'un pas calme et théâtrale. Ses hommes restaient sagement en arrière, attendant les ordres. C'était le son de la sa voix qui étonna le plus Aja.

      L'orisha ne pouvait absolument pas se tromper sur l'identité de son propriétaire, alors elle scruta attentivement l'homme qui continuait, lentement, à réduire la distance qui les séparait l'un de l'autre. Ses traits étaient bien ceux d'Amir, l'homme qu'elle aimait et le voir ici, dans cette scène, lui faisait horriblement mal au cœur.

– Amir...murmura-t-elle doucement en observant le visage sombre et glacial du jeune homme, qu'est-ce que tu fais là ?

      La déesse regarda autour d'elle, contempla tristement les cadavres qui s'étendait par centaines sur la plaine côtière du domaine. Aja ne pouvait pas croire qu'il était responsable de ce massacre. Non, pas l'Amir qu'elle connaissait, celui-là était incapable de commettre de telles atrocités.

      La déesse n'était pas la seule à être choquée, derrière elle, les mentors et les quelques académistes survivants n'arrivaient pas, non plus, à s'y résoudre. Bien qu'il ne fût pas très connu dans le palais, il était souvent vu en train de traîner avec Saban. Ce qui faisait de lui « l'ami du fils d'Olokun ».

– Qu'as-tu fais ? lui demanda Aja d'une voix faible, sans pouvoir retenir ses larmes.

      Le jeune homme ne lui répondit pas, il se contenta de l'observer durant un court instant. La déesse remarqua alors l'épée qu'il tenait fermement dans la main, celle-ci était longue et avait une pointe légèrement recourbée. L'orisha avait l'impression qu'un feu divin habitait sa lame, ses yeux étaient aveuglés par l'éclat du fer soigneusement polie.

– À présent qu'on ait terminé notre petit combat d'entrée de jeu, continua-t-il toujours avec le même ton sec et froid, je souhaiterais que tu me remettes gentiment La Clé de la Vérité et ainsi, nous épargnerons, peut-être, le peu de soldats qui vous reste.

– Non ! s'écria violemment la déesse, qu'est-ce qui t'arrives, bon sang ? Regardes ce que tu as fais ! Comment peux-tu te battre pour la Confrérie ? Tu es devenu un monstre !

– Vous n'avez pas ce qu'il faut pour mener une armée à la victoire, expliqua Amir d'un air légèrement agacé, tandis que la Confrérie est suffisamment préparée, elle. J'ai à moitié adhérer à leur vision futuriste et à leur idéologie progressiste : exterminer les dieux païens ! Une fois que ce sera fait, ils récupéreront le monde divin et moi, j'aurais sauvé le monde des hommes. Tout le monde sera gagnant, tandis que vous, vous perdrez à vouloir faire perdurer le règne des dieux !

– Qu'est-ce que tu racontes ? interrogea Aja en prenant conscience que la réflexion d'Amir était juste. Mais celle-ci n'allait pas du tout avec ses actes récents.

– Les dieux païens avec qui tu livres bataille, reprit Amir tout en s'adressant aux mentors, n'ont nullement l'attention d'empêcher l'asservissement des hommes. Si Boro meurt, un autre tyran le remplacera immédiatement.

      La déesse ne trouva rien à redire, il avait raison sur le premier point. La confrérie était mieux préparée à affronter l'armée de Boro. Mais le seul problème était leur profonde aversion pour les dieux, conclure un marché avec eux étaient donc impossible. Cette organisation avait les compétences requises pour remporter la victoire contre l'Empire céleste, avec ou sans l'aide des bâtards.

      Aja renifla doucement, puis demanda à son ex-compagnon d'une voix enrouée, tout en tenant la tête d'Aïsha sur ses genoux :

– Qu'est-ce qui te garantie qu'ils s'arrêteront là ? Comment peux-tu être sûr qu'ils ne vont pas à leur tour représenter une menace pour le monde des hommes ?

– Que veux-tu dire ? interrogea alors le berbère sincèrement étonné.

      Aja sourit intérieurement, il n'avait pas compris qu'elle essayait de gagner du temps. Le groupe de Saban ne devraient plus être trop loin, maintenant. La déesse reprit alors d'une voix légèrement plus assurée :

– Je réfléchis en suivant ta logique. Crois-tu vraiment que le cœur des ishims est assez bon, pour ne pas succomber au même désir que celui des dieux ? Oui, je parle évidemment de ce désir de pouvoir qui régit le cœur de tous les hommes. Peu importe le camp que tu choisis, Amir, tu n'auras jamais la certitude d'un avenir paisible pour la race des hommes.

– Que ça soit avec nous ou avec eux, bâts-toi si cela te plait autant ! continua Aja en augmentant d'un ton, mais rien n'est garanti. Alors s'il te plaît, si tu comptes sauver le monde des hommes, ne t'y prends pas de cette manière. Des massacres de ce genre ne sont pas nécessaires.

– C'est là où tu te trompes, ma petite déesse ! grogna le jeune homme sans laisser paraître la moindre émotion sur son visage, donnes moi la clé ! je ne le répéterai pas.

      Soudainement, les flammes de l'épée d'Amir augmentèrent d'intensité et ce dernier avança d'un pas rapide vers elle. Aja le regarda s'approcher, une haine incompréhensible brûlait dans ses yeux, alors elle se résolut à céder. La jeune femme était vaincue, elle tendit sa main en direction d'Amir.

      La sacoche contenant la clé de la vérité, fit son apparition dans la paume de main d'Aja. Le jeune berbère eut un sourire satisfait et accéléra le pas. Mais au moment où il fut au même niveau que l'orisha, Ratatoskr, qui survola la zone, fendit vers eux pour s'emparer de la sacoche et referma, avec précision, ses serres sur sa cible.

      Amir poussa un cri de rage à l'adresse du volatile, puis soudainement une flèche le toucha à l'épaule et le fit tomber à la renverse. Aja se retourna et aperçut, derrière elle, le groupe de Saban en train de se ruer en direction du champ de bataille. Ils poussèrent des cris de guerre et leur rage était presque palpable. Au même moment, Orula se précipita sur Aïsha avant de la soulever du sol. Un halo doré enveloppa la déesse de la foudre, celle-ci fut portée à l'extérieur de la zone de combat en lévitant doucement dans les airs, en direction du palais.

      Pendant ce temps, le dieu de la divination incita Aja à fuir en direction du nouveau bataillon, de la même manière que les autres disciples encore présents sur le terrain.

      Amir, lui, se releva péniblement et arracha la flèche de son épaule, il tendit alors son épée de flammes en direction du groupe de Saban. Mais Poséidon et Olokun, anticipèrent en arrachant une énorme masse d'eau provenant du lac. Le liquide vint, ensuite, rapidement s'interposer entre lui et les guerriers de l'Académie.

      La langue de feu créé par l'épée du jeune homme ne rencontra que ses propres soldats qui étaient destinés à mourir depuis le début, avant d'être stoppée par le mur d'eau en dégageant une vapeur aveuglante.

      Chargez! finirent par crier, Saban et Amir à leurs troupes respectifs. Une nouvelle mêlée générale éclata et celle-ci fut encore plus violente que la précédente. Mais l'élément perturbateur fut la rencontre des deux meneurs.

L'âge Des Héros : La Prophétie Des Deux FrèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant