Chapitre 24.2 : La légende de Mayamaï (Mami Wata)

13 2 5
                                    

      Plus tard, Aïsha et  Saban décidèrent enfin de rentrer au palais, mais une fois arrivés dans les quartiers d'Olokun, ils furent surpris de voir leurs mentors entretenir une discussion agitée avec Watara. Une tension palpable était présente dans l'atmosphère. Ils étaient tous installés sur les fauteuils et c'était la wodo qui avait la parole.

      Watara ne fit pas vraiment attention aux deux nouveaux-venus, préférant plutôt insister sur l'information qu'elle tentait de faire comprendre aux quatre dieux. Ces derniers la regardaient attentivement, mais le seul qui s'entêtait à l'interrompre était Ellegua.

      Le dieu fourbe avait remarqué les deux jeunes gens qui venaient d'entrer dans le salon, mais ne fit pas attention à eux. Les deux disciples s'échangèrent alors un regard perplexe devant cette scène inquiétante.

      Au même moment, Aja apparut à son tour de la pièce adjacente, en compagnie d'Héraclès. Ils se placèrent alors derrière le fauteuil des quatre divinités. Le regard d'Héraclès croisa alors soudainement celui de Saban. Celui-ci baissa honteusement sa tête, tandis que la déesse orisha coupa subitement la discussion en demandant :

– Que se passe-t-il ?

      Elle avait l'air légèrement exaspérée et Aïsha observa que son amie regardait Watara avec un air agacée. L'athénienne pensa que c'était assez irrespectueux de regarder une grande personne de la sorte, mais elle se rappela soudainement que l'orisha avait quelques siècles de plus que l'enseignante wodo.

      Aja était beaucoup plus vieille qu'elle en avait l'air. C'était en effet très facile de se laissait berner par son apparence de jeune femme, encore pleine d'énergie, ses yeux fixèrent Watara durant de longues secondes, avant qu'Ellegua brise enfin le silence gênant qui régnait dans la pièce, sans pour autant répondre à la question de la déesse :

– Nous étions déjà au courant d'une éventuelle attaque, Orula nous avait prévenues de la menace que représentaient les membres de la Confrérie. Nous attendions tout simplement que tu viennes nous le dire et, à vrai dire, je ne pensais pas que tu nous apporterais l'information aussi vite !

– Mais pourquoi me l'avoir caché? interrogea la déesse en regardant chacun des dieux à tour de rôle, vous auriez dû me mettre au courant !

      Watara porta alors un regard vers Aja et pendant une fraction de seconde, Saban cru voir une lueur étrange passer dans les yeux de l'enseignante wodo, avant que celle-ci dirige furieusement son regard vers le dieu fourbe.

– Cesses de faire semblant ! déclara alors doucement Ellegua, nous savons très bien que tu joues un double jeu entre nous et la confrérie.

– C'est une plaisanterie j'espère ? lâcha Watara d'une voix de plus en plus irritée, je propose de mon plein gré de risquer ma vie pour que vous ayez des informations concernant l'organisation et voilà ce que je récolte. Lorsque j'ai mis mes pieds à l'Académie, c'était uniquement pour former vos disciples, et non pour vous servir de bonniche que vous pourriez envoyer où bon vous semble ! J'ai agis par respect et par devoir et, aujourd'hui, regardez comment vous me traitez.

      Watara croisa ses jambes et défia chacun des dieux du regard. Un long silence suivit ses propos, durant lequel Ellegua garda un faible sourire. Il respira bruyamment avant de s'adresser à Saban  :

– Te souviens-tu de la légende de Mayamaï ?

– Euh...oui, j'ai entendu un griot narrer son histoire un soir, lorsque j'étais de voyage à Djenné.

– Oui, continua doucement le dieu fourbe en reportant son regard vers l'enseignante wodo qui eut un soubresaut. Il fit une pause pour constater le visage soudainement inquiet de Watara avant de continuer :

C'était une belle femme, contaient les pêcheurs du fleuve Niger, elle était coiffée d'une sublime chevelure qui lui tombait jusqu'au bas du dos. Sa beauté était telle qu'elle attira la jalousie d'Oya, qui était nulle autre que la déesse du fleuve Niger et la protectrice des pêcheurs.

      Cette dernière était jalouse à un point où elle alla jusqu'à proposer un défi à la ravissante femme, devenue sa rivale ; "celle qui arrivera à gagner le cœur du roi Ghana, le grand guerrier, possédera à elle seule « l'artère de la vie » nourrissant les peuples qui en dépendent''.

      La femme accepta le défi, seulement pour que la déesse lui laisse tranquille, puis le jour qui suivit, elles partirent toutes les deux à la rencontre du roi Ghana. La déesse proposa à celui-ci, un sac de grains pouvant faire pousser de multiples champs de mil et d'autres plantes susceptibles d'enrichir le Sahel entier. Les graines pouvaient s'épanouir sur n'importe quel type de sol, ainsi elles mettraient fin à la famine et aux inégalités présentes dans le royaume.

      L'autre concurrente, étant en réalité une sorcière très puissante, savait à quel point les hommes pouvaient être très avides de richesses et de gloire. Elle visa alors ce point faible en proposant au roi un sac rempli d'or et de divers autres minerais. La sorcière lui expliqua que s'il arrivait qu'elle soit choisie, elle déversera son contenue en entier sur toute la surface du Sahel.

      Le roi lorgna sur le sac de cette dernière et accepta alors de l'épouser. Tous les deux vécurent ensemble durant plusieurs années, au grand malheur de la déesse Oya. Celle-ci, furieuse de sa défaite, fut malencontreusement obligée de céder le fleuve à la sorcière. Mais, la jalousie d'Oya augmentait de jour en jour, alors qu'elle regardait cette dernière jouir des plaisirs que lui offrait le Niger. Alors, une nuit où sa rivale fut endormie, elle s'infiltra dans le palais pour lui jeter un sort.

      Au lendemain matin, le roi s'écria de frayeur en apercevant la queue de poisson qu'avait remplacé les jambes de sa femme. Ghana demanda alors à ses gardes de la jeter dans le fleuve, afin qu'elle puisse divertir les pêcheurs.

      Oya s'esclaffa d'un rire cruel devant le malheur de la sorcière qui ne pouvait point enlever son maléfice. La déesse lui cria alors :

« Comme tu te plaisais autant dans ce fleuve qui ne t'appartient plus, je t'invite donc à y vivre et à t'épanouir comme le misérable poison que tu es devenu ! Les pêcheurs te chasseront pour tes écailles et ils t'appelleront "Mayamaï''. Tu resteras maudit aussi longtemps que tu vivras ! »

       Lorsqu'Ellegua termina enfin sa narration, un affreux rictus déforma le visage de Watara, le rendant ainsi hideux et repoussant. Aïsha retint un cri d'horreur, en plaçant ses mains devant sa bouche. Puis les quatres dieux se levèrent simultanément de leur fauteuil, ils firent tous face au monstre qui se trouvait, à présent, devant eux.

      La sorcière se leva également. Mais en même temps, une énorme queue de poisson fit son apparition, du dessous de sa robe. Son nouveau membre était long et épais comme l'appendice visqueux d'un serpent, ses écailles étaient luisantes à la lumière du lustre au-dessus d'elle.

      Saban poussa instinctivement sa copine derrière lui, tandis qu'Aja se réfugia volontairement derrière Héraclès. Celui-ci fit rapidement apparaître sa peau de lion afin qu'elle se protège avec.

      L'ancien roi fit lui aussi matérialiser un objet enchanté, il s'agissait de la lance que lui avait donnée Anansi, le dieu araignée. Grâce à Merlin, il pouvait désormais maîtriser les étendues d'eau comme pour celle d'Olokun.

      Avec Saban, il y avait, à présent, trois maîtres de l'eau pointant leurs armes sur la mythique Sorcière Mayamaï, la mangeuse d'hommes.


L'âge Des Héros : La Prophétie Des Deux FrèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant