Chapitre 23.2 : Damon

10 3 3
                                    

      Watara attendit patiemment la fin du discours de l'orateur. Malgré le soleil de plomb qui écrasait l'assemblée, l'ishim continuait à animer la foule avec autant de ferveur qu'à son habitude. La femme était impressionnée par son énergie et sa force de persuasion, digne d'un dieu de la malveillance.

      Lorsqu'il eut finit, celui-ci s'éclipsa doucement sous les applaudissements du public qu'il avait réussi, une fois de plus, à galvaniser. L'analyste des runes suivit l'ishim à travers les ruelles sombres du quartier de Paloz, puis finit par le rattraper au moment où il arriva devant le perron d'une maison. L'ishim sentit la présence de la femme, lorsqu'il gravit les marches et qu'il posa sa main sur la poignée de porte, celui-ci déclara d'une voix étrangement calme et grave :

– J'espère pour toi que tu as une bonne raison de m'avoir pris en filature, jusqu'à mon repère ! lança l'homme sous sa capuche après avoir tourné la poigné, il entra et laissa la porte grandement ouverte.

      Watara garda le silence, préférant d'abord entrer à son tour, espérant ainsi être à l'abri des oreilles indiscrètes. L'analyste referma doucement la porte derrière elle avant de s'avancer à l'intérieur de la pièce. Son regard curieux se posa sur les rares éléments qui composait les lieux, l'homme ne tarda pas à montrer son agacement devant le silence prolongée de Watara.

– J'ai une information concernant l'apprentie de Gaïa, déclara-t-elle tout simplement en prenant place sur une chaise qui grinça bruyamment lorsqu'elle s'y assit.

      L'ishim fit pareil en se posant lourdement de l'autre côté de la table qui les séparait, elle était remplie de vaisselles sales. Il ne semblait pas se préoccuper de l'insalubrité qui régnait dans son repère, toute son attention se focalisa soudainement sur ce que venait de dire Watara.

      Celle-ci baissa sa capuche, dévoilant ainsi sa longue crinière qu'elle laissa tomber derrière son dos.

      Remarquant qu'il faisait froid dans la pièce, l'ishim dirigea sa main potelée en direction de la cheminée, où un petit tas de bois calcinés s'y trouvait encore. Il raviva alors le feu, sur le point de s'éteindre avec l'incantation :

Naharis !

      Il se retourna ensuite vers l'analyste, son visage semblait plus apaisé.

– Je t'en prie, racontes-moi tout ce que tu as appris sur elle, dit-il en la regardant avec intensité, n'omets aucun détail !

      Watara plongea son regard dans celui de l'homme d'origine athénienne. Ces yeux qui, d'habitude trahissaient son aversion pour les poséidiens, avaient à présent cette même lueur de malice qu'elle connaissait très bien.

      Damon était né dans le royaume d'Eumélos, ces deux parents étaient athéniens, mais ce n'est que plus tard qu'il eut adopté la culture et la religion des ishims. Cette conception de liberté que prônait leur religion ainsi que leur façon de voir le monde l'avait énormément séduite. L'être humain avait peut-être été créé par une divinité, mais l'acquisition du libre arbitre lui donnait le droit d'accepter ou pas une soumission imposée par un quelconque dieu.

      Damon, après avoir rejoint La Confrérie de la Vérité, n'avait pas tardé à conquérir les cœurs des oppressés, des marginaux et des progressistes qui souhaitaient tout comme lui, la fin du règne des faux dieux. Ainsi que la reconquête des terres de l'autre monde, ce monde qu'ils appelaient parfois Oblivion.

– Je sais qu'elle est en possession de la clé permettant de contrôler l'orbe du pouvoir. Lui confia alors Watara.

– Comment le sais-tu ? interrogea Damon en sentant son cœur palpitait sous ses vêtements.

– Je l'ai espionné à l'aide d'une rune auditive que j'ai placé sur un mur. Expliqua calmement l'analyste. Elle se confiait justement à Héraclès, au sujet de la clé.

– Intéressant, lâcha l'ishim en caressant son menton lisse, comment se fait-il qu'elle soit en possession de la clé de la vérité. Crois-tu que Gaïa est morte et le lui a donné avant de s'éteindre?

– Possible ! répondit la wodo en levant la tête d'un air songeur, mais là n'est pas le problème. Nous devons s'en accaparer au plus vite.

– Où est la difficulté, tu pourrais très bien t'en emparer sans trop de soucis.

– Ne sois pas si naïf, Damon ! répondit la femme d'un air agacée, crois-tu vraiment que l'apprentie de Gaïa n'est pas actuellement sur ses gardes ? Elle doit sûrement avoir protégé l'objet par des sorts de protection.

– Que proposes-tu ? interrogea l'ishim en la regardant réfléchir, une attaque de force ?

– Ce serait une bonne idée, en effet ! confirma-t-elle en croisant son regard, profitons donc d'un désordre pour s'emparer de son bien. Au pire, on pourrait la capturer et l'obliger à nous le remettre.

– D'accord, faisons cela !

– Il faudrait toutefois que je prévienne Olokun d'une éventuelle attaque de votre part, expliqua l'analyste, je le ferai quelques heures avant votre arrivée au palais. Sinon il risquerait de me suspecter, sachant que je suis sensée être leur espion.

– Entendu, répondit Damon, je passerai l'information à toutes les divisions de la confrérie.  

      Watara se leva, au bout d'un court instant de silence. Une fois la conversation finie, elle salua l'ishim avant d'enfiler sa cape. Celui-ci l'ouvrit poliment la porte avant de la refermer derrière elle, dès qu'elle fut dehors. L'analyste descendit alors le perron avant de s'enfoncer de nouveaux dans les ruelles en rabattant sa capuche. Seule la pluie l'accompagna sur son chemin.


L'âge Des Héros : La Prophétie Des Deux FrèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant