Chapitre 2.1 : Le Roi de Kuyushi.

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      Plusieurs siècles s'étaient écoulés en Afrique de l'ouest depuis l'évasion d'Eshu. Ce dernier s'était fait discret et avait pris la fuite très loin des terres du maître de l'or. Le dieu avait pris la forme de divers animaux, évitant ainsi qu'on le retrouve. Ses ailes de corbeau l'avait fait survoler des contrées luxuriantes, des zones arides qui s'étendaient jusqu'à l'horizon. Il avait parcouru milles lieux et foulé le sol des centaines de territoires, des royaumes et empires, des forteresses et des citadelles. Ses yeux avaient vu le chaos et la beauté s'affronter dans des combats insensés dans le cœur des hommes. Après avoir vécu la vie de dizaines de mortels, il décida de revenir dans la région où il eût rencontré son ami, Saban. Évidemment, celui-ci n'était plus de ce monde. Eshu pouvait qu'espérer qu'il aie eût une agréable existence.

       L'empire de Wagadou avait énormément évolué, le commerce transsaharien s'était développé en un gigantesque réseau entre les royaumes du nord, de l'ouest et de l'est. Des conflits naissaient au nord de l'Afrique où les berbères qui avaient colonisé une partie de la péninsule ibérique, augmentèrent leurs forces afin de monter en puissance. Bien que les relations économiques s'arrangeaient de mieux en mieux entre l'Europe, le monde Arabe et l'Afrique de l'ouest, Eshu sentit quand-même une tension grandissante au sein des royaumes et empires africains.

      C'était dans la ville d'Ife qu'il s'installa et qu'il rencontra une femme nommée Yomimi, une Yoruba, Il l'appelait Yomi car cela lui allait mieux, trouvait-il. Ils s'unirent et fondèrent un clan à l'extérieur de la ville. Ce clan s'appela Kuyushi, il réunissait des esclaves dont Eshu avait réussi à obtenir un affranchissement grâce à son pouvoir de persuasion. Il y avait également des animistes, des shamans, des anciens guerriers et des artisans. Le clan construit sa ville près de Koumbi-Saleh dans l'empire du Wagadou, elle porta le nom de Kuyushi également.

      La ville était proche du Niger et leurs habitants vivaient essentiellement de la pêche et de l'agriculture. Eshu était content de son travail, ses habitants l'obéissaient et le respectaient en tant que chef, puis en tant que roi une fois que la ville eût atteint le statut de royaume par ceux qui les entouraient. Le dieu ne tarda pas à user de ses talents d'éloquence pour convaincre les rois étrangers de commercer avec lui. Sa ville devint une espèce de carrefour commercial, par lequel transitait or, sel, esclaves, tissus et tout ce qui rapportaient de l'argent en quantité plus qu'appréciable. Il fortifia son royaume par des mûrs de pierres, des avant postes et des stratégies de défenses militaires digne du dieu de la guerre, Ogun. Mais il n'oublia pas non plus d'instruire sa population en fondant des universités et en créant des lieux de rencontres pour les philosophes et les intellectuels. Ces derniers venaient des quatres coins du monde, d'Arabie, du Maghreb, du mali et des autres grands royaumes. Eshu avait réussi mais sachant pertinemment que sa renommé risquait de compromettre sa survie devant les autres dieux, il se fit appelé "Shuba''.

      Son royaume avait atteint une période prospère, mais une seule chose préoccupait Eshu. Sa femme ne lui avait donné aucun enfant depuis des années.

      Il se trouvait dans le pavillon royal, les braseros éclairaient d'une lumière tremblotante la salle du roi où son trône, aux défenses d'éléphants, dominait l'espace. Au sol de l'or et des diamants se mélangeaient pour briller de mille éclats. Des lances étaient accrochés aux mûrs en guise de décorations entre chaque masques démesurés destinés aux cérémonies. Le roi faisait les cent pas devant la reine qui, elle, ne bougeait pas. Elle suivait le roi, apparemment frustré. La reine était habillée d'une élégante tenue en satin rouge avec un nombre incalculable de collier multicolores qui lui tombaient sur la poitrine.

– Shuba excuse-moi, déclara-t-elle honteuse, je ne peux te donner de fils comme tu l'as longtemps souhaité. Épouse une autre femme qui enfantera à ma place, je ne suis pas digne d'être la reine de ce royaume. Le dieu le regarda avec pitié, il aurait aimé demandé à la déesse de la fertilité de l'aider mais il avait farouchement refusé le culte des dieux orishas à l'intérieur de son royaume. Il posa sa main tendrement sur sa joue lisse. Elle était la femme la plus belle qu'il avait trouvée à Ife, il ne pouvait se résoudre à la laisser du jour au lendemain à cause d'un problème de fertilité.

L'âge Des Héros : La Prophétie Des Deux FrèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant