chapitre 79 flash back

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Six ans plus tôt.

Je suis dans un lit d'hôpital, plongée dans le noir depuis que je suis sortie du coma. J'ai mis du temps pour comprendre ce qu'il m'arrivait et pour émerger du brouillard dans le quel était mon cerveau et mon corps depuis un mois. Dès les premiers jours, je ne distingue n'y les formes, n'y les couleurs, pas même une ombre, strictement rien.

Les soignants on mis en place une routine précise pour l’ensemble des soins dont j'ai besoin, qu’ils répètent et énoncent fidèlement chaque jour afin de me permettre de me familiariser avec mon environnements, avec les gestes du quotidien. Ils m'ont appris que mes parents venaient me voir tous les jours et mes amis presque aussi souvent. Qu'ils me faisaient écouter mes musiques préférés, sentir des parfums que j'apprécie et qu'ils avaient donné une liste de plats que j'affectionne tout particulièrement pour mon réveil. Je n'ai aucun souvenir de tout ça, mais je ne doute pas que leurs efforts m'ont inconsciemment aidé à sortir du coma.

Les premiers jours, je n'avais aucune concience du temps qui passé, je n'avais pas une total conscience de moi non plus. J'avais pourtant l'impression que mes yeux étaient ouverts mais je ne voyais rien. J'ai réussi à  m'exprimer au bout de plusieurs jours. On m'a rassurée, on m'a dit que je reprenais doucement le contrôle de mon corps et qu'après un mois de coma je m'en sortais admirablement bien mais qu'il me fallait du temps, de la patience et beaucoup de repos pour retrouver pleinement toutes mes capacités. J'étais confiante quand à ma faculté de pouvoir avancer et progresser. J'ai suivie à la lettre les conseils du personnel soignant et fait des exercices de stimulation tous les jours.

Au fur et à mesure que je sortais de ma torpeur, je me suis rendu compte que j'avais une jambe dans le plâtre, mon fémurs n'avais pas supporté la tension exercée par mon corps lors dans la chute, mais ça n'est pas ce qui m'inquiétait le plus. Après des semaines d'efforts j'avais retrouvée toutes mes facultés, ma mémoire était intacte, mes réflexes aussi, tous mes sens étaient revenus, tous sauf UN. Je restais jour après jour plongée dans cette obscurité lugubre.

Après avoir passé des examens, le médecin qui s'occupait de moi depuis mon entrée dans son service de rééducation à confirmé ce qu'il redoutait depuis le début.

- Olivia ce que je vais vous dire n'est pas facile, je veux que vous soyez préparé.
Sachez que vous avez fourni un travail remarquable, votre persévérance à payé et...
- Venez en au fait docteur, s'il vous plaît
- Très bien... suite à votre accident, votre nerf optique a été comprimé, c'est pour cette raison que vous ne voyez pas.

Ne sachant pas où il veut en venir je ne comprend pas tout de suite la gravité de ses propos.

- Vous êtes en train de me dire quoi?
- Et bien... quand votre tête à violement percuté le sol cela a provoqué un déplacement de votre cerveau dans votre boite crânienne et provoqué une pression sur vos nerfs optiques. Pendant votre coma votre cerveau à repris  progressivement sa place initiale disons à 90%.
- D'accord et ça peux s'opérer?
- Il reste une infime partie de votre lobe frontal qui exerce une pression sur vos nerfs et bloque les informations. À l'heure actuelle aucune technologie ne permet de vous rendre la vue Olivia, je suis désolé.

Je reste sans voix à essayer de digérer l'information qu'il vient de me donner.

- Il... il y a une chance pour que mon cerveau retrouve à 100% sa place initiale?
- Il faut que vous sachiez qu'après une chute comme la votre il est très rare de retrouver toutes ses fonctions cérébrales comme vous Olivia.

Son beau discours sur mon miraculeux rétablissement ne m'intéresse pas, je pense qu'il le comprend et poursuit.

- C'est... possible mais je suis incapable de vous le certifier. Il faut vous préparer à rester aveugle.
- Combien de temps?
- Olivia c'est déjà remarquable que vous n'ayez pas de séquelle de mémoire, de motricité ou de langage. En vue de mes connaissances... vous ne reverrais sans doute plus jamais.
- Pas de séquelle? J'AI PERDUE LA VUE ET VOUS DITE QUE JE M'EN SUIS BIEN SORTIE. Ma vie est fichue
- Pas du tout! Des millions de gens vivent sans ce sens
- Vous ne comprenez pas. Laissez moi seule s'il vous plaît.

J'ai continué à méditer sur ses paroles pendant des jours, refusant d'y croire. C'était injuste. Je payais déjà le prix de ma chute avec un mois de coma et une jambe cassé. Plus j'y pensais et plus ma colère s'intensifiait. Mes amis, eux firent comme si de rien mais je sentait bien leurs regards sur moi, leur malaise. Ils ne savaient plus comment ce comporter avec moi, comment me parler, comme si j'avais changé, comme si j'étais devenue quelqu'un d'autre. Je supportais de moins en moins leur visite, nos conversations futiles. Je savais d'avance qu'avec le temps, ils espaceront leur visite jusqu'à ne plus venir du tout.

Je m'en fichais, je me fichais de tout, je n'avais plus d'attente. Ma famille continuait de venir me voir tous les jours. Je pouvais sentir dans le ton de ma mère sa tristesse de me voir comme ça, allongé sur un lit d'hôpital, une jambe dans le plâtre et mes yeux grand ouvert incapable de distinguée la moindre forme, le moindre geste. Je ne le supportais plus.

Cela fait trois jours que je refuse de me nourrir, à chaque tentative des infirmières, j'envoie valser le plateau à travers la pièce.
Je refuse à présent d'avoir de la visite, je ne veux voir ou plutôt entendre personne. Depuis l'annonce de ma cécité, je n'ai plus goût à la vie. Je veux mourir, je ne veux pas de cette existence, en perdant la vue, j'ai tout perdue, mon avenir, mon savoir, je n'arrive même pas à manger sans m'en renverser partout on dirait une enfant faisant ses premiers pas.

Au matin du 4ème jours, des pas lent s'approche de mon lit, ça n'est pas la démarche habituelle des infirmières toujours pressé, je suis sur mes gardes.

- Qui est là?
- C'est le docteur Jasper, Olivia il faut vous nourrir, cela fait trois jours que vous n'avalez rien, si vous persistez dans cette voie je dirais aux infirmières de vous nourrir de force et si vous refusez, je serais obligée de vous nourrir par intraveineuse et croyez moi c'est une sensation très désagréable.
- Je ne veux pas de cette vie, laissé moi mourir.
- Olivia être aveugle n'est pas une fatalité. Plein de gens vivent heureux en étant non voyant
- J'EN AI RIEN À FOUTRE DES AUTRES, JE VEUX VOIR
- J'aimerais vous présenter quelqu'un Olivia, voici Élise.

Une personne s'approche de mon lit et me touche le poignet, je ne l'avais pas entendue jusqu'à présent.

- Comme vous elle a eu un accident et ça lui a coûté la vue. Je vais vous laisser faire connaissance.

Élise reste debout à côté de moi, silencieuse, la main toujours posé sur mon poignet. Je ne veux pas écouter ce qu'elle a à me dire, je veux rester seule avec ma colère, seule avec ma décision. Elle continue de rester muette toujours à mes côtés à me tenir le poignet. Ma tension redescendue c'est le moment qu'elle choisit pour me raconter son histoire. Sa vie ne m'intéresse pas, je ne suis concentrée que sur moi et ma douleur. Au bout de 15mn de monologue infructueux elle me salut et s'en va. Je soupire, enfin débarrassé, j'oublie vite son intervention et passe à autre chose. Le soir venu je refuse toujours de me nourrir. La nuit passe lentement, mon ventre crie famine, le sommeil ne veux pas me trouver. Je me retourne encore et encore dans mon lit. En cherchant une occupation pour passer la nuit mes doigts reconnaissent les contours de mon téléphone portable, je l'avais dans mon sac lors de mon accident, bizarrement lui s'en est sorti indemne. Mes amis me l'ont rapporté le jour d'une de leur visite. Je caresse légèrement l'écran, le place devant mon visage comme si je pouvais le voir miraculeusement. J'aimerais tellement pouvoir m'en servir, lire mes messages, naviguer sur Instagram comme avant.... à cette idée mon sang ne fait qu'un tour et mes doigts ce crispe sur l'appareil. Je déverse ma colère en le projetant violemment dans la pièce, je crie de haine, expulsant toute la fureur cumulé ces dernières semaines.

À bout de force, je m'écroule et pleure toutes les larmes de mon corps. Alerté par le bruit, des infirmières entre dans ma chambre et tente de me calmer. Inconsolable, elles appellent l'interne de garde qui m'administre un sédatif pour me détendre, progressivement mes muscles ce relâchent, ma respiration ralenti, mes yeux arrêtent de déverser leur flot de larmes et je plonge progressivement dans un sommeil sans rêve.

Histoire d'une Vie ( Interrompu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant