chapitre 80

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À mon réveil le souvenir de la nuit me revient peu à peu, ne sachant pas trop si cela c'est vraiment passé, je demande à l'infirmière de service.

- Je n'étais pas de service cette nuit mais oui j'ai entendue parler de votre agitation et à voir les restes de votre portable, je vous confirme que c'était bien réel.
- Quel importance je ne peux plus m'en servir
- Ne racontez pas de bêtises! Bien sûr que si! Il y a des tonnes d'applications compatibles avec vôtre cécité. Je reviendrai un peu plus tard vous expliquez tout ça
- Ça ne sera pas la peine, ça ne m'intéresse pas.
- Comme vous voulez, je vous ai ramené votre petit déjeuner

Elle le dépose comme chaque jour sur la table surélevé à côté de mon lit.

- Vous pouvez le reprendre, je n'ai pas faim
- Je suis désolée je ne peux pas faire ça, vous devez finir votre plateau, ordre du médecin.
- Je n'y toucherais pas
- Si vous ne vous nourrissez pas j'ai pour consigne de vous confisquer vos affaires personnelles

Mon ton monte d'un cran.

- Vous n'avez pas le droit! Ce sont mes affaires.
- Je suis désolée mademoiselle ordre du médecin
- ORDRE DU MÉDECIN! ORDRE DU MÉDECIN! Vous n'avez que ce mot à la bouche ma parole.

L'infirmière tourne les talons sans me répondre me laissant seule avec le plateau.
L'odeur de café me dégoûte, je le repousse le plus loin possible de moi. Que peuvent-il bien me confisquer qui m'est utile dans cette chambre? Avant de savoir que je ne retrouverai pas le vue mon entourage m'a ramené des magazines, des livres, il peuvent bien les prendre. Je n'ai plus de portable, une seule chose compte vraiment, seul Élise mon ami de lycée m'a ramené un objet que j'utilise tous les jours et que je ne leur laisserais pas me prendre, un vieux lecteur mp3, elle la remplit de centaines de musique que j'aime. Quand elle me l'a offert ça m'a fait rire, mais maintenant je ne pourrais plus m'en séparer.

Il faut absolument que je le cache, ça ne devrait pas être très difficile, il fait la taille d'une grosse clés usb. En me levant, le tournis me prends, depuis que je refuse de me nourrir la position debout me fait chanceler. J'attends un instant que ça passe et me dirige à tâtons vers la porte de la chambre pour la fermer. Je n'ai pas beaucoup de temps avant que l'infirmière ne revienne. Ma jambe plâtré me fait souffrir le martyre, le médecin m'a expliqué que mon corps n'a plus assez d'énergie pour ressouder mon os, alors il ce concentre sur les fonctions vitale et sacrifie ce qui n'est pas forcément nécessaire d'être sauvé. Peu importe, je cherche un endroit pour dissimuler mon lecteur. Dans la salle de bain, je ne trouve aucune cachette digne de ce nom. Je retourne dans la chambre et cherche avec mes mains un recoin, un trou, que sais-je? N'importe quoi qui pourrait convenir. Rien, il n'y  a rien dans cette maudite chambre qui fasse l'affaire. Sur moi reste encore la meilleure option. Je vide un paquet de mouchoir emballe mon lecteur dedans avec les écouteurs et les caches dans ma culotte, voila bien un endroit qu'ils ne fouilleront pas. Après avoir fait tout ça je me ralonge à bout de souffle, le moindre geste m'épuise.

L'infirmière revient peu de temps après et met ses menaces à exécution, j'ai beau protester rien n'y fait, elle retire même la télévision. Il ne me reste plus rien.

- Quand me rendrez-vous mes affaires?
- À chaque fois que vous accepterez de manger votre plateau repas je vous rendrez un objet
- C'est quoi cette torture d'un autre âge?
- Appeler ça comme vous voulez, vous ne voulez toujours rien manger?
- NON

Élise revient en début d'après-midi à la même heure que la veille, agacée par sa présence et par le fait qu'on m'ai privé de toutes mes affaires je me renferme, les bras croisés bien décidé à ne pas lui adresser la parole. Comme hier elle me prend délicatement le poignet et attend, je ne comprend pas son comportement et je m'en fiche, d'abord silencieuse elle attend que je me calme. Quand elle estime que je suis prête à l'écouter, elle recommence son monologue, me raconte sa vie d'avant, de maintenant, ce qui à changé. J'essaie de me concentrer sur autre chose mais sans le bruit de la télévision, sans pouvoir utiliser mon mp3 devant elle au risque de me le faire confisquer c'est plus difficile.

Jour après jour elle vient poursuivre son monologue. Ses visites étant ma seule occupation de la journée qui sont devenues interminables longues et mortellement ennuyeuses, je l'attends avec impatience même si je ne suis toujours pas enclin à l'écouter. Ce matin après une ultime négociation le médecin à fini par m'obliger à me nourrir par intraveineuse, j'ai lutté de toutes mes forces, il a ordonné qu'on m'attache pour m'empêcher d'arracher la sonde qui me nourri, j'ai perdue beaucoup de poids, ça n'a pas était très difficile pour les soignants de me maîtriser.

Comme je n'ai plus aucune distraction je demande à voir mes proches mais on me le refuse, technique pour me forcer à manger paraît il. Ils ont fini par trouver mon mp3 et me l'ont confisqué. Malgré tout, le personnel de soin vient me voir plusieurs fois par jour, essai de me convaincre, on toujours un mot gentil à mon égard. Je peux sentir l'envie de m'aider pour certains et leur malaise de me voir dépérir, tandis que d'autres sont juste là pour gagner leur salaire.

Élise arrive, me touche le poignet, j'ai compris son petit manège, elle sent les battements de mon pouls pour savoir quand je me calme et à quel moment je suis le plus réceptive, c'est malin. Cette fois en posant sa main sur mon bras elle sent les bracelets de cuir qui me retiennent prisonnière.

- Oooh Olivia qu'est-ce qu'ils t'ont fait?

C'est la première fois qu'elle s'adresse directement à moi.

- Tu aime mon nouveau lit sur mesure? Fabrication artisanale " poltrone et letto"  comme dans la pub italienne. Dis-je ironique.

Elle continue d'explorer ce qui m'entoure et tombe sur ma sonde.

- Pourquoi refuse tu toujours de te nourrir?
- Tu le sais très bien
- Étre aveugle n'est pas une fatalité, avec tout ce que je t'ai raconté sur ma vie tu ne trouve pas qu'un nouveau départ est possible?
- Tant mieux pour toi si tu as réussi mais vivre aveugle ne m'intéresse pas

J'ai la voix qui tremble, à bout de nerfs des larmes coulent le long de mes joues.

- Olivia c'est la première fois que tu acceptes de me parler
- Tu es la seule avec qui je peux passer le temps, les journées et les nuits sont longue, ils refusent que j'ai de la visite et mon confisqué toutes mes affaires. Détache moi s'il te plaît.

Elle essaie d'ouvrir les lanières de cuir sans résultat.

- Je ne peux pas, ils ont mis un cadenas.
Je reviens
- Je ne bouge pas de toute façon
- Tu as peut-être perdu ta joie de vivre mais tu n'as pas perdu ton humour

Elle s'éloigne et des voix me proviennent du fond du couloir, le ton monte progressivement, par les bribes de mots que je distingue Élise prend ma défense et demande que l'on me détache. Elle ne me connais pas et pourtant elle ce bat pour moi et contre les pratiques de l'hôpital. Le personnel est intransigeant tant que je ne mange pas ils ne me détacherons pas. Le couloir redevient silencieux, elle a du abandonner, son geste est déjà honorable. Je ferme les yeux et plonge dans mes songes, repensant à ma vie d'avant, c'est tout ce que je peux faire immobile dans ce lit qui me retient prisonnière.

Histoire d'une Vie ( Interrompu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant