Partie V

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Les cours d'aujourd'hui furent longs. J'ai voulu quitter l'amphithéâtre de nombreuses fois. Je me suis forcée à rester. Pour l'argent dépensé m'assurant ainsi une place dans cette université de médecine.

Comme d'habitude, je suis restée seule. Personne ne m'a adressé la parole, et je n'ai pas cherché à créer un quelconque contact. Je me suis contentée de mes rêveries, de plonger dans le livre qu'est mon imagination. Parfois, quelques images lugubres et moroses m'ont traversé l'esprit. Mais je les ait rapidement chassées en m'inventant des histoires et un bonheur inexistant. Et quand mes deux dernières heures de cours se sont terminées, je me suis dépêchée de ranger mon ordinateur portable et je suis sortie rapidement prendre l'air.

Je suis à présent à l'extérieur. Le vent est fort et glacé. Il agresse mon visage. Les nuages avancent rapidement dans le ciel. Les arbres s'agitent tandis que leurs longues branches se débattent.

Une épaisse pluie se met à tomber et les gouttes claquent contre le sol en béton. Un violent désir s'empare de moi. Celui de m'échapper, de me libérer au grès du vent. De hurler et de courir sous la pluie. De me laisser emporter dans la tempête. Mais ma raison m'arrête dans mon élan. Mon cur se tait et je réprime mes envies folles. Je marche à pied sous l'intempérie. Je trottine même, et manque de chuter en glissant. Mais je continue sans m'arrêter. Et quelques minutes plus tard, j'arrive devant le grand bâtiment. Mes poumons et ma gorge me brûlent, ma respiration se fait saccadée. Je ralentis, et rentre dans l'hôpital.

Le chauffage ne m'apaise pas, et je reste autant frigorifiée. Les gens me dévisagent étrangement devant mon état, et d'autres ne m'adressent pas la moindre attention ; trop préoccupés par leurs propres problèmes. Ce que je préfère. Mes chaussures inondées d'eau crissent sur le sol. Ma parka est lourde, trempée. Mes cheveux sont en bataille et et des mèches collent sur mes tempes. Lorsque j'arrive à l'accueil, je comprends l'air hautain avec lequel on m'analyse de haut en bas. Mais je décide de ne pas en tenir compte. Après avoir décrit encore une fois la raison de ma présence, je me dirige vers la chambre de mon amie.

L'ambiance me rend mal à l'aise. La mort et la maladie envahissent ces couloirs. Je ne supporte pas cela. Je me sens oppressée, dans ce lieux qui ne m'inspire que tristesse.

J'ouvre la porte et rentre dans la chambre. Je ressens un curieux regard posé sur moi. Une fille qui semble assez jeune, peut-être âgée de seize ans occupe un lit à côté de celui d'Océane. Pas un mot ne sort de ma bouche. Je m'assois sur le fauteuil destiné aux visiteurs, près d'elle. Je prends sa main dans la mienne, et ne m'occupe pas de la nouvelle voisine.

Océane a l'air si paisible, je me demande si elle peut penser ou rêver dans son sommeil de plomb. Le silence est dur. Seul les bips incessants du moniteur occupent l'espace. J'aimerais pouvoir parler, dire ce que je ressens auprès de ma meilleure amie. Mais je n'ai jamais eu le courage de le faire. Comment savoir si elle peut m'entendre ? Et dans tous les cas, je ne peux m'exprimer si on me scrute avec autant d'insistance. Je soupire en baissant le regard, me prenant de passion pour la contemplation du sol. Mais la patiente se décide à parler.

- Comment elle s'appelle ? Demande une voix enfantine. Elle est jolie. C'est vraiment dommage qu'elle soit dans le coma. J'ai peu de gens à qui parler ici.

Je tourne légèrement la tête avant de répondre simplement et d'une voix monotone :

- Elle s'appelle Océane.

- J'aime bien ce prénom. Et toi, tu es ?

Sa franchise et son esprit d'enfant me prennent au dépourvu. Elle parle avec une innocence étonnante pour ce que je pense être son âge. Mais peut-être que c'est une qualité, et une chance pour elle.

- Je m'appelle Anelyne, c'est assez rare je sais.

- J'avoue, répond-t'elle. Mais c'est bien, l'originalité.

Je relève la tête, et la regarde dans les yeux.

- Pourquoi est-elle ici ? Il y a eu un accident ?

Son indiscrétion me fait mal, et le fait de songer à ces événement me replonge dans un sombre état. Je ne peux pas dire que c'est de ma faute. Je n'arrive pas à assumer cette erreur, que je me suis pourtant reprochée à longueur de temps.

- Il y a eu un accident oui, quelque chose de grave.

Je reste de marbre, cache mon visage. Mes émotions dans une cage. Après un nouveau silence que j'allais presque apprécier, elle recommence.

- Tu sais, cacher ses émotions c'est mauvais. On se croit fort, mais cela nous rend faible et nous détruit intérieurement. Ce n'est pas une armure, c'est un cadeau empoisonné. Accepter ses torts, ses émotions. Pleurer quelques fois quand on en a besoin, c'est ça être fort.

J'allais répondre à sa tirade, quand un bruit m'interpella. Tout alla si vite. Sans que je n'ai eu le temps de dire au revoir. J'ai crié à l'aide, usant mes cordes vocales. Sans vraiment me rendre compte de ce qu'il se passait. La fille voyait toute la scène, abasourdie. On m'a forcée à sortir, alors que je me débattais. Et on l'a recouvert d'un drap blanc sur son lit de mort.

Âmes en peine [ TERMINÉE ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant