Âmes en peine [ TERMINÉE ]

Partie IX

La fête foraine est bondée, immense. C'est le crépuscule, et les nombreux éclairages sont allumés. On peut entendre une musique dans le fond, et la mélodie des carrousels.

Tout respire la joie de vivre. Les éclats de rire s'enchaînent dans les familles, les groupes d'amis.

Cet environnement me donne un étrange sentiment de nostalgie, pour des souvenirs que je n'ai jamais connu, comme ceux d'une vie antérieure.

Après deux mois difficiles, je trouve enfin l'apaisement.

J'ai appris que dans cette vie, il n'y a pas de conte de fées, qu'un sourire peut cacher des larmes, que la pauvreté est une dure épreuve même si l'argent ne fait pas le bonheur. Alors justement, pourquoi, moi, aurais-je le droit au bonheur, alors que je n'ai rien fait, que je ne suis personne ?

C'est inconcevable, mais c'est ce qui se produit en cet instant. La magie n'existe pas, mais c'est comme si elle opérait.

Car Alex est là. Il me soutient. J'aurais très bien pu être seule, sans personne.

Je rejoins mon ami qui s'est arrêté à un stand.

- Tu regardes quoi ? Demandais-je

- Je parie que je peux te gagner cette peluche, répond-t'il en désignant du doigt un loup.

- Je n'aime pas parier.

- Très bien, alors je te promet de la gagner.

Une lueur espiègle traverse ses yeux, puis il discute avec le forain. Il s'empare de cerceaux, et tente plusieurs lancés, ratés. Mais il ne se décourage pas. Après quatre tentatives et de l'argent dépensé, il remporte la peluche avec fierté.

Il me l'offre. C'est un loup gris, en tissu doux et en mousse.

- Alors ?

Il m'observe de ses yeux vairons, dévoilant sa dentition d'un sourire.

- Je dois admettre que tu es un lanceur prodigieux, dis-je avec ironie.

- Ne te moque pas de moi, je suis sûr que je t'ai impressionné.

- Ça va les chevilles ?

Il hausse les sourcils, faussement scandalisé.

La nuit est agitée. Des lueurs de toutes les couleurs s'agitent, les gens crient et éclatent de rire dans les manèges...

Un doux parfum sucré parvient à mes narines, mélange de guimauve et de pomme d'amour.

Nous allons dans la grande roue, nous nous asseyons sur les sièges, qui s'élèvent ensuite dans les airs.

L'air se rafraîchit, devient plus pur. Dans un silence, nous restons absorbés par le paysage et le moment présent.

- Anelyne ? M'interpelle-t'il après une brève hésitation.

- Quoi ?

Je le regarde alors. Il paraît consterné. J'aimerais être capable de lire dans son esprit et comprendre ce qui ne va pas, mais j'en suis incapable. Les yeux sont censés être le miroir de l'âme, mais les siens ne dévoilent rien. Ils entourent comme un lourd secret, emmuré depuis des années et bien gardé.