Âmes en peine [ TERMINÉE ]

Partie X

Samedi soir. Je termine ma journée de travail.

Je me suis maintenant habituée à ce nouveau rythme, mais je ne parviens pas à m'imaginer un avenir dans ce métier. Je ne regrette pas pour autant avoir abandonné la médecine. J'espère juste un jour pouvoir enfin trouver mon métier passion, sans avoir à me replonger dans de longues études.

Le lendemain matin, je prends mon vélo jusqu'au café, mon nouveau repaire pour m'installer et lire. Mais mon téléphone sonne.

Je ne pensais jamais revoir ce numéro. Prise au dépourvu, je ne réalise pas tout de suite la situation. Cela ne peut être réel.

Je décide de décrocher.

- Anelyne, c'est vraiment toi ? Pour de vrai ? Tu as décroché ! Hurle-t'elle au téléphone.

Elle ne m'aurait pas contactée en temps normal. Je lui demande donc immédiatement :

- Il y a un problème ?

- Maman a de gros problèmes. Javier est parti hier après-midi. Depuis, elle n'est plus sortie de sa chambre. Je crois qu'elle est ivre. Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que tu peux venir ?

- Qui est Javier ? Demandais-je, tendue.

Sa voix fluette tremble.

- Le nouveau petit ami de maman, ou plutôt l'ancien maintenant. (Elle fait une pause, peu assurée). Tu sais, papa et elle ont divorcés. Je ne l'ai plus revu depuis. Et on a préféré ne pas te mettre au courant.

- C'est une blague, soufflais-je incrédule.

Comment savoir si elle dit la vérité ? Si ce n'est pas ma mère qui a trouvé une excuse pour me faire venir ? Non, ce serait trop étrange. Dans tous les cas, je ne peux être sûre de rien. Il ne me reste qu'une solution.

- Je serais bientôt là, repris-je. Fait attention à toi, et tiens bon, Hermanita.

Je raccroche. Je pédale rapidement jusqu'à chez moi. Je commande un billet d'avion de dernière minute pour l'Espagne. Le vol part demain soir, pour environ neuf heures de trajet. Je suis anxieuse à l'idée de les retrouver. De découvrir ma mère dans un piteux état. Je fais les cents pas.
C'est pour ce genre de chose que j'ai préféré ne plus revoir mes parents. Eux et moi ne nous sommes jamais vraiment compris. Seulement, je ne pensais pas que cela deviendrait aussi critique, surtout avec ma petite sœur Lucia. Elle est âgée de treize ans, et vit encore là-bas.

J'imagine ce qu'elle a dû vivre au quotidien, se comportant comme une adulte et s'occupant de choses qu'une enfant de son âge ne devrait pas faire.

Un grand sentiment de culpabilité m'étreint. Peut-être que si je l'avais emmenée avec moi aux États-Unis, elle n'en serait pas là aujourd'hui.

Je suis impatiente. Le temps s'écoule tantôt lentement, tantôt trop vite. J'aimerais être auprès d'elle, la rassurer et arranger les choses. Mais à la fois, les revoir ne fera que remuer le couteau dans la plaie et raviver mon passé.

Je refuse que ma mère se laisse aller à de nouveaux écarts, pas tant que ma sœur vit encore sous son toit.

Je préviens Alex par message de mon futur départ. Il ne répond pas, et je décide de ne pas m'y attarder. Je rappelle Lucia, et reste longtemps en ligne avec elle. Lui parler me réconforte. Cette voix enfantine devenue si dure, je ne la reconnais pas. Mais elle m'a manqué.