Partie VII

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Je me réveille. Il est 13h passé. Je tente de replonger dans les bras de Morphée, sans y parvenir. Mon estomac crie famine. Alors je m'extirpe du lit, et me dirige vers la cuisine. J'ouvre un paquet de chips, et prend un verre de soda. Depuis l'enterrement, voilà à quoi se résume ma vie. Je mange mal, je ne fais rien. Et je m'en fiche. C'est ça le pire. Plus rien ne me motive, plus rien ne me donne envie. Le soir je traîne dans des bars, je fais des choses que je risque fortement de regretter. Et je me traîne jusqu'ici, dans la nuit.

Une dispute a mis fin à mon amitié avec Evah ; définitivement cette fois. Et je ne veux plus la revoir. Je me retrouve alors seule dans l'appartement. Avec peu d'argent, sans travail. Et la terrible envie d'abandonner l'université pour de bon. De toute façon, mon absentéisme risque de s'en charger pour moi. Je vais sans doute me faire virer.

Ma descente en enfer promet. Elle a déjà commencé.

Quand je me regarde dans le miroir, je ne vois plus qu'un monstre. Une créature aux yeux cernés. A la peau cadavérique, essayant de se dissimuler sous du maquillage.

Et je me sens souillée, au plus profond de mon être. Je vais foutre ma vie en l'air, c'est certain. Enfin, c'est déjà le cas.

J'ai hésité à appeler le numéro qu'il m'avait donné. Après tout, je n'avais toujours pas récupéré mon vélo. Ça me ferait quelqu'un à qui parler, vu que plus personne ne me tient compagnie. Mon cœur bat à cent à l'heure quand je tape les chiffres sur l'écran tactile. Je me prépare mentalement à quoi dire, et j'inspire longuement.

Alors que je pensais lui parler, je tombe sur son répondeur. Une demie heure plus tard, je tente à nouveau. Sans résultat. Une immense colère m'envahit. Sans réfléchir, je prends un crayon noir et un papier. Je dessine, je tente de reproduire les images qui me viennent en tête, comme pour sortir cette obscurité. Comme si, cela aurait un effet bénéfique pour moi. Je les imagine, mais ma main ne parvient pas à représenter totalement ce que je désire : une femme, vêtue d'une longue robe royale. Les cheveux balayés au vent. Un croissant de lune sur son front, tenant les étoiles avec ses bras. Comme une déesse, une figure rassurante dans la nuit. Je déchire la feuille, rebutée devant ce griffonnage stupide. Je ressemble surtout à une folle.

Le lendemain, plus calme, j'envoie un message à l'inconnu. Mais est-ce dangereux de ma part ? Après tout, il est effectivement ça. Un inconnu. Il a beau m'avoir aidée, est-il réellement bien intentionné ? Je me le demande, et j'aimerais le savoir.

Je passe une journée à nouveau peu passionnante, sur le canapé en zappant les chaînes télé avec ennui. L'après-midi, il se décide enfin à me répondre :

? : Rejoins-moi au parc de la ville vers 17h40, je te le ramènerai ton vélo

Encore en pyjama et l'heure se rapprochant inévitablement, je prends une douche et m'habille convenablement d'un jean, d'un t-shirt et de ma parka. Quand je sors, la clarté de l'environnement me fait mal aux yeux. Rares sont les fois où je suis sortie, et j'ai passé ces derniers jours le plus souvent dans la pénombre. Espérant que ce soit un cocon rassurant, dans lequel personne ne pourrait me voir, les rideaux fermés.

Je prends le taxi jusqu'au parc, puis je sors de la voiture tout en payant. Le lieu est plutôt bien peuplé. Des enfants chahutent, les gens traversent l'étendue d'herbe, s'abritent du soleil sous les arbres, jouent de la musique...

Je cherche un instant l'homme, mais ne le voit pas. Je sursaute minablement quand il m'interpelle, juste derrière moi.

- Salut, dit-il.

Il tient mon vélo. Je le remercie, et le reprend. Je souhaitais partir, mais il m'invite à m'asseoir sur un banc. Je le suis, silencieuse. Et ne pouvant refuser, je m'installe à ses côtés.

- Désolé de ne pas avoir répondu à tes appels. J'étais occupé ces derniers temps. Mais j'avoue que je ne m'y attendais plus, après tout ce temps.

Il dit cela avec une moue sarcastique qui me braque.

Je le regarde dans les yeux. Je remarque avec étonnement qu'ils sont vairons. Je trouve cette particularité magnifique. Un iris est bleu, l'autre noisette. Je pourrais m'y perdre, tant son regard est envoûtant. M'y noyer. Il se met à parler, me sortant de ma contemplation.

- Je sais... Mes yeux. Souvent je préfère porter des lentilles. Je n'aime pas toujours que l'on me le fasse remarquer, ou que l'on me pose trop de questions dessus. Parfois je l'ai mal vécu, mais il faut faire avec pas vrai ?

- Oui, peu importe l'avis des gens. Cette particularité te va très bien.

Nous replongeons dans un silence, mais pas un de ces silences gênants dont j'ai l'habitude. Un silence agréable. Cela me plaît, qu'avec lui on ne soit pas obligé de parler pour se sentir bien.

Les oiseaux chantent, et la légère brise effleure ma peau.

- J'aimerais savoir ce qui peut te tourmenter autant. J'aimerais connaître beaucoup de choses à ton sujet. Pourquoi tu étais sur ce pont quand je t'ai vue. Je ne veux pas être rude, ni te rappeler des choses qui te font mal. Mais j'ai besoin de savoir et je veux sincèrement t'aider car je sais que tu en as besoin. Ça peut sembler bizarre, on ne se connaît pas. Mais j'aimerais devenir ton ami. Ou plutôt ton gardien... Non c'est stupide. Oublie ça.

Je fronce les sourcils en fixant mes chaussures, renfermée.

- Je vois, dit-il d'une voix moins ambitieuse. Dans ce cas, je vais attendre que tu veuilles me dire tout ça de toi-même. Le jour où tu seras prête, je serai là pour t'écouter. Maintenant, ça te dérangerait qu'on aille marcher ?

- Non je veux bien, répondis-je.

Nous nous levons et avançons ensemble sur le sentier.

- J'y pense, commençai-je. Je n'ai aucune idée de comment tu t'appelles. Et est-ce que tu préfères que je te vouvoie ?

- Non, non. Je préfère que l'on se tutoie. Et tu as raison, je ne me suis pas présenté. Mais toi non plus.
Je m'appelle Alex.

Âmes en peine [ TERMINÉE ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant