Partie XVIII

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PDV ANELYNE
Je n'ai pas pu faire entièrement mes preuves. En temps normal, après avoir été prise en otage en ayant essayé d'accomplir mon devoir, j'aurais pu avoir ma place et mon tatouage. Mais j'ai senti qu'Alex y était fermement opposé.
Il a beau m'avoir proposé de devenir membre, il était persuadé que je ne réussirais pas les épreuves et que je ne serais pas prise. Il ne voulait pas ça pour moi, il ne le veut toujours pas.

Alors maintenant que nous sommes partis, tout va changer. En route, j'envoie des messages à ma soeur. Si nous devions nous faire arrêter à la frontière, je veux qu'elle garde un bon souvenir de moi. Je fais de même avec mon père.
Je souffle.
- Alex ?
- Oui ?
- Je ne t'ai jamais remercié pour ce que tu as fait pour moi. Ce jour-là, quand j'étais au pont. Tu m'as sauvé la vie. Tu m'as soutenue pendant des mois, tu m'as aidée à remonter la pente. Je te dois tout, dis-je le cœur serré.
- Et toi tu m'as toujours été fidèle, tu as été ma seule véritable amie. Malgré mon passé, mes fréquentations, tu ne m'as pas jugé pour ça et toi aussi tu m'as soutenu. En restant à mes côtés. Qui sait ce qu'il serait advenu de moi si tu n'avais pas été là, répond-t'il sans hésitation.
- C'est à croire que le destin nous a lié. Si nous n'avions pas été là l'un pour l'autre, nous serions perdus, continuais-je.
- Comme deux âmes en peine qui retrouvent leur chemin, prononce-t'il.

Il allume la radio. On entend Tik Tok de Kesha. Ce n'est plus crédible. Alex se prend à la musique, agite la tête en rythme. Je me met à rire sans retenue, moqueuse. Et ça me fait du bien de lâcher prise. Après tous ces moments éprouvants, j'avais oublié ce que ça faisait, de s'amuser, de rire. J'espère qu'aller au Canada nous permettra de connaître la joie plus souvent. Même si nous ne pourront jamais oublier, nous pouvons empêcher le passé de nous entraver.

- Pourquoi est-ce que tu rigoles, cette musique est trop bien !
- Comment dire, ça ne colle pas du tout à ton image.
- Pourquoi ?
- Tu es un gangster dangereux... Et tu me sors cette musique. Sachant qu'en plus, tu es fan de Metallica. Comment veux-tu ?

Je me mets à rire sans pouvoir m'en remettre. Il ne s'en soucie pas et continue à s'amuser, bien qu'au final je trouve cette musique atrocement énervante.

Nous allons dans un hôtel. Dans la chambre, j'allume la télévision. Je reviens brusquement à la réalité lorsque l'on parle à nouveau d'Alex à la télévision. On ne parle pas de lui directement, mais il est suspecté. Ils discutent d'une fusillade qui a eu lieu dans un bar privé. Plus de sept victimes, et des blessés graves ont été retrouvés. L'entrée aurait été forcée. Les raisons de la fusillade sont encore inconnues pour les autorités.
J'éteins le téléviseur.

- J'ai l'impression qu'on est sans cesse poursuivis, dis-je. Que l'on ne s'en sortira jamais. Le peu de fois où je regarde les informations, on parle de toi. C'est insupportable. C'est comme si on était connus partout. Et pourtant, personne pour le moment ne semble nous remarquer. Et s'ils jouaient tous un rôle, et qu'au final ils appelaient la police pour nous coincer ?
- C'est de ce genre de choses dont je te parlais. C'est difficile de devoir rester dans l'ombre et la peur. Mais bon, je ne dois pas me plaindre. Tout ça, je l'ai provoqué par mes actes.

Je m'assois sur le lit, puis je mange une salade emballée achetée à la supérette du coin.
- Est-ce que tu as déjà eu des petites amies ?

La question me trottait dans la tête depuis longtemps.

- Oui, mais ça n'a jamais fonctionné. Une fois je pensais avoir trouvé la bonne. Mais nous n'appartenions pas à la même catégorie. Elle était aisée, moi pauvre. Quand son père a apprit qui j'étais et de quel milieu je venais, il nous a forcé à nous éloigner et m'a interdit de la revoir. Évidemment, j'ai bravé cette règle de nombreuses fois. Mais c'est elle qui commençait à me délaisser alors que je l'aimais. Je n'étais pas assez bien pour elle. Je ne peux pas leur en vouloir. Elle n'aurait pas vécu heureuse à mes côtés.
- Ça n'a pas dû être facile.
- Bah, le temps est passé. J'ai laissé ça de côté. Il y a plus important maintenant. Et je pense avoir rencontré quelqu'un. Elle est intelligente, ni trop belle, ni moche. Elle est juste idéale. Elle a ses défauts, mais ses nombreuses qualités prennent le dessus. Avec elle je pourrais être heureux. Tu pourrais la rencontrer, si tu voulais.
- La chance. Je suis sûre qu'elle est géniale, dis-je avec une pointe d'amertume.
***

Nous reprenons la journée suivante. Il pleuvait énormément, la route était glissante. Nous nous sommes à peine arrêtés, ne voulant pas perdre de temps.
Je restais dans mes pensées, envoûtée par la musique. Je me sentais de plus en plus proche d'Alex. Je me sentais familière avec lui plus qu'avec n'importe qui. Je n'imaginais pas une seule journée sans sa présence. Je devrais faire face à ma vie seule, construire mon avenir en solitaire. Alors je dois profiter de chaque moment avec lui. Nous avons énormément parlé durant ce trajet. De choses insignifiantes, parfois sérieuses.

Puis le lendemain à nouveau, nous reprenons le voyage.
Jusqu'à ce que l'on arrive sur l'autoroute. J'aperçois un grand drapeau Canadien, et un panneau nous demandant de ralentir.

Nous nous approchons de plus en plus de la frontière, au point de contrôle. La tension monte. Un homme sort d'une cabine et nous ralentissons jusqu'à l'arrêt.
Alex ouvre la vitre.
- Papiers et cartes d'identité s'il vous plaît, demande l'homme.

Alex cherche dans la boîte à gants les papiers du véhicule qu'il finit par trouver, puis donne nos cartes d'identité. Il agit avec calme, comme si tout allait bien se passer.

Mais moi, j'angoisse. Je respire profondément, bougeant les genoux. Je ferme les yeux un instant, attendant le verdict.

Si nous ne passons pas, tous nos espoirs seront anéantis. On finira derrière les barreaux, et il n'y aura rien de plus. Ça ne peut pas se finir comme ça. Ce serait encore un coup bas de la vie.

Enfin, ça ne m'étonnerait pas. Après tout ce que nous avons vécu, ou causé, quelque chose d'aussi beau ne pourrait pas se produire sans conséquence. Alors il faut que je m'adapte au pire.

- C'est bon, vous pouvez y aller.
- Merci.

Quel soulagement j'ai ressenti en entendant cette phrase ! Notre nouvelle vie allait enfin commencer, tous les problèmes étaient derrière nous. On ne risquait plus rien, c'était fini. Enfin. Tout était terminé.

Je me sens soudainement incroyablement calme et heureuse.
Je regarde mon compagnon. Il sourit, et me regarde lui aussi avant de revenir sur la route, ne trouvant pas les mots pour s'exprimer.
- On va enfin vivre, pour de vrai ! S'écrie-t'il enfin.
- J'ai encore du mal à y croire, murmurais-je.
- On fera tellement de choses ici, tu peux y croire.

Nous devons rejoindre les amis d'Éden. Ils nous aideront et nous hébergerons quelques temps jusqu'à ce que l'on trouve notre propre logement.
- Où est-ce que l'on doit aller ? Demandais-je de plus en plus impatiente.
- Pas très loin, on doit prendre la sortie à droite à quelques mètres. Ils sont censés nous attendre sur un parking.

Je regard tout autours. Le soleil est haut dans le ciel. C'est la campagne absolue, il n'y a que des champs et des étendues d'herbes. Il y a quelques bâtiments ici et là où sont garés des camions. Mais il n'y a rien d'autre sur des kilomètres.

Nous prenons la sortie et ralentissons un peu pour repérer le parking, mais nous ne voyons rien. Nous continuons donc la route. D'un coup, les pneus se crèvent et déraillent sur la route. Alex pousse un juron, tandis que je m'accroche fortement.
- C'est pas possible, dit-il.

Il se munit de son revolver qu'il charge avec vitesse.
Puis il sort de la voiture. Des sirènes se déclenchent, des policiers débarquent en force. Il hurle mon prénom et attrape ma main, il va vite, et j'accours à sa suite jusqu'à ce que nous soyons côte à côte. Nous essayons de monter une pente. Je ne réfléchis plus à rien. L'adrénaline prend le contrôle de tout mon être.

Un coup violent m'attend en plein ventre. La douleur, elle me transperce. Elle atteint chacun de mes organes. Irradie dans mon corps. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Ma vision se trouble, mes mains sont rouges. Ça ne s'arrête pas. Je bascule. Je tombe à l'infini.

Morphée me bercera.

Âmes en peine [ TERMINÉE ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant