Le matin qui suivit, Victor se réveilla à regret dans son lit. Il était resté tard en compagnie de Clémentine, mais elle n'avait pas voulu qu'il reste dormir. Lou – qui était déjà levée et prête à partir au bureau – lui fit d'ailleurs la remarque, elle qui croyait qu'il avait passé la soirée avec des partenaires d'affaires.
Il ne prit pas la peine d'attendre que sa compagne ait quitté la maison pour appeler Clémentine, il était trop impatient de savoir s'il n'avait pas rêvé les instants qu'ils avaient passés ensemble. Il s'éclipsa dans le jardin et n'eut pas à patienter bien longtemps : elle décrocha dès la deuxième sonnerie.
— Allô ? demanda-t-elle d'une voix ensommeillée.
— Je te réveille ?
— Presque, je suis encore au lit. Tout va bien ?
— Oui. Je voulais juste entendre ta voix. J'ai... Je n'ai jamais fait l'amour comme ça... C'était...
Un silence s'installa à l'autre bout de la ligne, Victor ne pouvait pas voir que Clémentine souriait, elle aussi.
— Tu ne dis rien ? s'enquit-il.
— Moi aussi, j'ai beaucoup aimé.
— Alors on se reverra ?
— Avec plaisir.Les jours qui suivirent, Victor et Clémentine se retrouvèrent dès que possible. Le plus souvent il lui donnait rendez-vous sur son yacht et elle s'empressait de le rejoindre. Leur petit jeu était terminé et aucun des deux ne s'embarrassait plus à feindre l'indécision. Quelques fois ils se voyaient chez elle, quand Clémentine était certaine que Garance ne risquait pas d'y être. Jamais encore ils n'avaient passé une nuit entière ensemble. Et ils ne parlaient pas de Lou.
Victor savait que Clémentine avait plus ou moins mis maître Bourgueil au courant de leur relation, après tout c'est lui qui les avait présentés, il méritait d'être dans la confidence. Et puis l'avocat se sentait responsable, Clémentine avait dû lui assurer ne pas être une petite chose fragile pour qu'il la laisse tranquille, il avait jusqu'alors peur que Victor ne se serve d'elle puis la jette, le cœur brisé. A sa décharge il avait été témoin plus d'une fois de tels agissements de la part de Victor – aussi bien dans les affaires que dans le cadre privé –, il était donc légitime qu'il cherche à protéger sa cliente.
De son côté Victor s'était confié à Arnaud. Il n'avait pas pu cacher ses sentiments de toute façon, il était beaucoup trop radieux ces derniers temps. Arnaud s'était moqué de le voir ainsi pris à son propre jeu, Victor lui avait répondu que Clémentine était comme une drogue dure : maintenant qu'il y avait goûté il ne pouvait plus s'en passer. Arnaud avait souri, son ami était en train de tomber amoureux.Après une nouvelle soirée particulièrement torride sur le yacht, Victor s'arma de courage et posa à Clémentine la question qui lui brûlait les lèvres.
— Reste ? Cette nuit ?
Il avait chuchoté, et caressait lentement le dos de Clémentine. Ils venaient de faire l'amour et étaient nus tous les deux, il redoutait le moment où elle se rhabillerait et l'abandonnerait pour rejoindre son appartement pour la fin de la nuit, presque comme si rien ne s'était passé. Il déposa un baiser sur son épaule et alors seulement elle se retourna pour lui faire face. Elle s'appuya sur son coude et il la trouva irrésistible, avec ses boucles décoiffées par leurs ébats qui partaient dans tous les sens et ses joues rosies par l'effort.
— D'accord. De toute façon tu m'as épuisée, je n'ai pas le courage de me lever !
Elle choisit le ton de la plaisanterie mais cette décision changeait imperceptiblement la nature de leurs rapports. Pour Victor le simple fait de dormir aux côtés de Clémentine revêtait un caractère infiniment plus intime que l'acte sexuel, aussi fusionnel soit-il ; si les rencontres purement charnelles laissaient place à un rapprochement plus personnel, la donne changeait.
Clémentine n'avait pas menti sur son état de fatigue, elle s'endormit quelques minutes plus tard. Victor ne s'en étonna pas. Entre ses cours au lycée, ses rendez-vous fréquents chez maître Bourgueil pour régler son divorce – son futur ex-mari, Olivier, faisait traîner les choses à cause d'une histoire de maison de famille qu'il rechignait à mettre en vente –, sa fille adolescente et bien sûr leur projet de salle handisport qui prenait forme un peu plus chaque jour, elle n'avait plus une minute à elle. C'est en ce faisant cette réflexion que Victor réalisa que le peu de temps libre qu'elle avait elle le lui consacrait, et son cœur se gonfla d'allégresse dans sa poitrine.
Il resta à l'observer de longues minutes. La nuit était tombée mais la lueur de la lune pénétrait dans la cabine et la clarté du dos de Clémentine ressortait sur les draps sombres, alors qu'elle s'était de nouveau couchée sur le ventre. Il eut soudain envie d'immortaliser l'instant. Il fit glisser un peu plus le drap le long de ses reins jusqu'à dévoiler la courbe de ses fesses. Alors il se saisit de son téléphone et filma le temps de quelques respirations ce corps qu'elle lui offrait et dont il désirait conserver la vision.Au petit matin du jour suivant Victor fut le premier réveillé. Il apprit de cette première nuit ensemble que Clémentine était aussi belle au réveil qu'à n'importe quel autre moment de la journée, malgré des paupières gonflées par le sommeil.
Il la regardait quand elle émergea et elle grogna quand elle l'aperçut, penché au-dessus d'elle. Il rit et s'inclina davantage pour l'embrasser doucement sur le front.
— Bien dormi ?
Elle se contenta de hocher la tête, pas encore complétement alerte.
— C'est bon de se réveiller à tes côtés, reprit-il alors.
Elle s'assit et étira sans pudeur ses longs bras vers le plafond de la cabine en laissant échapper un bâillement de détente avant de lui sourire.
— J'avoue, j'ai passé une excellente nuit.
Alors qu'il passait un bras autour de ses épaules elle se blottit contre sa poitrine et ils s'avachirent de nouveau contre les oreillers moelleux. Au diable les affaires, ni l'un ni l'autre n'était pressé de démarrer une nouvelle journée. Victor parsema de nouveau la tempe de Clémentine de ses baisers.
— Je t'aime, chuchota-t-il.
Les mots le surprirent lui-même, mais il constata immédiatement après les avoir prononcés qu'il était sincère. Clémentine quant à elle ne le prit visiblement pas au sérieux.
— Pourquoi tu dis ça ? demanda-t-elle calmement.
— Parce que c'est la vérité.
— Tu aimes les femmes, Victor. Tu ne m'aimes pas moi.
— Ça serait si terrible ?
— Ce n'est pas censé se passer comme ça entre nous.
— Je sais. Mais je n'y peux rien, je pense tout le temps à toi.
— Et Lou ?
— Lou, ce n'est pas pareil.
— Je ne suis pas bigame, Victor. Et elle non plus. C'est une chose de... t'amuser avec moi, mais tu ne peux pas lui faire ça.
— Je peux coucher avec toi mais pas tomber amoureux ?
— Oui.
— Tu es dure, là.
— Je suis sérieuse.
— Et si je la quitte ?
— Arrête, tu ne feras jamais ça.
— Pourquoi pas ?
— Parce que nous deux c'était un jeu, rappelle-toi ? Je n'ai jamais voulu mettre le bazar dans ton couple ! Je crois qu'on devrait se voir un peu moins souvent, toi et moi. Occupe-toi de Lou, tu l'as beaucoup trop délaissée ces derniers temps.
Victor fixa Clémentine avec un air dépité sans piper mot. Au bout de quelques secondes il écarta la couette d'un geste décidé puis se redressa et rassembla ses vêtements à la hâte. Il ramassa aussi la robe de Clémentine ainsi que ses sous-vêtements qu'il jeta au bout du lit.
— Victor...
— Quoi ? Je ne te retiens pas. C'est ce que tu veux, non ?
— Ne le prends pas comme ça...
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Dans l'ombre du démon (Demain nous appartient - Clemor - ROMAN)
FanficQuand Victor décida de charmer Clémentine, il n'imaginait pas être pris au piège de ses émotions. Pouvait-elle être celle qui le soulagerait de la souffrance du deuil ? Serait-il capable de l'aider à affronter ses angoisses ? Avait-il droit au bonhe...