Victor parla longuement de Lola à Clémentine. En fait, il ne s'était jamais autant confié à quiconque depuis le décès de la jeune femme. Ni à Lou ni-même à Arnaud, certainement pas à un psy. Il exprima toute la rage et la souffrance qui l'habitaient désormais. Clémentine l'écouta religieusement, posant ponctuellement une question mais n'interrompant jamais le fil de sa parole. Quand enfin il se tut elle avait entrelacé leurs doigts et le caressait de son pouce. Il porta leurs mains à sa bouche et déposa un baiser sur le dos de la sienne.
— Je ne vous ai pas fait venir ici pour vous raconter tout cela. Vous devez me trouver pathétique.
— Non. Je vous trouve touchant.
Soudain embarrassé, Victor se leva et disparut un instant à l'intérieur de la cabine. Quand il revint, il était enveloppé d'une douce musique aux sonorités jazz. Il tendit les bras vers Clémentine.
— Venez, dit-il. J'ai envie de danser.
Etonnée mais séduite, Clémentine obtempéra. Victor la saisit par la taille et elle fit de même. Ils se laissèrent emporter par le son des baguettes balayant langoureusement la caisse claire d'une batterie en réponse aux notes égrenées avec douceur sur le clavier d'un piano.
— Vous êtes un homme surprenant, Victor Brunet, murmura Clémentine. Le yacht, le champagne, et maintenance une danse ?
— J'en fait trop ?
— Non. Je ne suis pas habituée, voilà tout. J'aime les choses simples et authentiques.
— Aïe.
— Je pourrais m'y faire.
Victor serra plus fort Clémentine contre lui, savourant la joie simple de la tenir dans ses bras. De toute sa vie, jamais il n'avait eu tant envie de séduire une femme. Il n'avait probablement pas dansé de slow depuis une boom en 1985 avec une cavalière à peine pubère dont il se souvenait vaguement du nom. Il se pencha et glissa un baiser dans le cou de Clémentine, doux et délicat, puis il releva la tête et leurs fronts se touchèrent. Leurs visages se reflétaient, éclairés l'un l'autre par leurs sourires contents. Victor réduisit l'espace entre leurs bouches pour enfin embrasser Clémentine, mais elle se recula.
— J'ai fait quelque chose de mal ? demanda-t-il.
Elle n'avait pas quitté ses bras et le regardait toujours tendrement.
— Cette soirée était parfaite.
— Mais... ?
— Mais il est temps que je rentre chez-moi.
Bizarrement Victor ne prit pas ombrage de ce refus. C'est vrai que la soirée était idéale, pourquoi prendre le risque de tout gâcher en allant trop loin, trop vite ?
— Vous voulez que je vous raccompagne ? proposa-t-il.
— Non, ça ira.
Elle s'approcha de nouveau et posa ses lèvres contre le coin de sa bouche, pas vraiment un baiser, plus un cadeau pour qu'il lui pardonne de s'éclipser.
— A bientôt.
Victor la laissa s'éloigner à regret, retardant au maximum le moment de lâcher sa main.
— A bientôt, répondit-il alors qu'elle quittait le bateau.
Il s'affala ensuite sur la banquette, à l'endroit même où Clémentine avait passé l'essentiel de la soirée, et il se demanda par quel miracle elle était parvenue à le mettre dans cet état, alors même qu'elle n'était pas restée. Mais son départ sonnait plus comme une promesse que comme un aurevoir. Il vida une flûte de champagne encore à moitié pleine – la sienne ou peut-être était-ce celle de Clémentine – avant de débarrasser les restes de leur repas. Il resterait dormir sur le bateau ce soir. Il envoya un message à Lou pour la prévenir, invoquant un prétexte quelconque, et se coucha heureux et apaisé.Dès le lendemain Victor réfléchit à la prochaine fois qu'il verrait Clémentine. Il était dans son bureau et était censé préparer un rendez-vous important qu'il avait dans l'après-midi avec un ancien associé qui lui devait de l'argent – une affaire immobilière qui avait mal tournée – mais il n'arrivait à rien. Il cherchait un moyen de la surprendre à nouveau. Ils jouaient au chat et à la souris et ça l'amusait énormément, lui qui avait l'habitude que les femmes lui succombent sans même résister.
Mais cette fois-ci il fut pris à son propre jeu puisque Clémentine le devança en l'invitant à passer la soirée chez elle. Les mots choisis dans son message étaient taquins, voire coquins, et il se surprit à rire tout seul dans son bureau. Sa première intuition fut de répondre aussitôt, il pourrait facilement entrer dans un flirt à distance avec elle, mais il se retint et choisit plutôt de la faire attendre. C'était sa manière puérile de reprendre la main.Clémentine l'accueillit chaleureusement ce soir-là, ne gardant aucune rancune d'avoir dû patienter jusque dans l'après-midi pour avoir sa réponse. Ils se tournèrent autour pendant de longues minutes, retrouvant la même facilité à converser que sur le yacht, mais avec une tension en plus entre eux qui n'existait pas la veille. Victor fut le premier à craquer.
— J'aime beaucoup notre petit jeu de séduction, mais pour être franc, j'ai très envie de vous, avoua-t-il.
Il s'était approché dangereusement, et la température dans la pièce monta subitement de quelques degrés supplémentaires. A cette distance, d'agréables effluves du parfum de Clémentine lui parvenait, sucrés et fleuris, mais c'est sa peau qu'il voulait respirer.
— Peut-être que si c'est agréable entre nous c'est justement parce qu'on ne fait rien, répondit-elle.
— Non, je suis certain que ça serait mémorable. Je le sens. Pas vous ?
Elle le dévorait des yeux. Bien sûr qu'elle le sentait, il ne pouvait pas en être autrement. Il était posté devant Clémentine alors qu'elle était appuyée contre la table derrière elle. Il ne ferait pas l'erreur de la brusquer cette fois-ci alors il attendit, se contentant de caresser une mèche des cheveux qui entourait son visage. Il la sentit hésiter, elle jouait avec le col ouvert de sa chemise. Il espéra qu'elle glisse ses mains sous le tissu. Finalement elle avança le menton en sa direction mais renonça, avant de s'approcher de nouveau, mue par un élan qui n'avait rien à voir avec la raison mais était entièrement guidé par le désir. Ses lèvres s'écrasèrent alors contre celles de Victor, le bout de sa langue cherchant d'emblée à entrer. Il lui octroya l'accès sans résistance et leurs corps entiers frissonnèrent.
Clémentine se hissa sur la table et il en profita pour se repositionner entre ses jambes, sans rompre leur baiser. Il glissa une main dans son dos et à tâtons trouva la glissière de sa robe qu'il descendit entièrement, d'un geste maîtrisé. Lentement, il dégagea les épaules de Clémentine. La robe tomba jusqu'à sa taille en exposant sa poitrine nue. La bouche de Victor se perdit derrière son oreille, dans sa nuque, sur sa clavicule, jusqu'à trouver un sein qu'il fit sien avidement. La tête de Clémentine bascula en arrière et elle enfouit ses mains dans les cheveux de Victor. Elle céda au plaisir quelques instants avant de se redresser et de forcer Victor à se relever lui-aussi, alors qu'il explorait son abdomen.
— Attendez..., souffla-t-elle.
L'interruption agaça Victor. Il avait de bonne grâce – avec plaisir même – accepté d'attendre jusqu'ici mais là c'était trop, elle ne pouvait pas faire machine arrière maintenant, ça serait cruel. Elle dut lire l'incompréhension dans ses yeux parce qu'elle lui sourit tout en prenant son visage entre ses mains. Elle se leva et sa robe tomba au sol. Elle l'enjamba et prit cette fois la main de Victor entre les siennes.
— Je ne connais pas vos habitudes, Victor Brunet, mais il est hors de question que pour notre première fois on fasse ça hâtivement sur ma table de salle à manger. J'ai un lit, vous savez ! Et j'ai l'intention d'en profiter avec vous toute la nuit.
Elle fit quelques mètres à reculons en adoptant une démarche suggestive sans le lâcher pour qu'il la suive. Comme s'il allait rester derrière. Après un instant de subjugation où il s'était laissé envoûter il se remit en action et se pressa à la suite de Clémentine, qui le guida en riant jusqu'à sa chambre.
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Dans l'ombre du démon (Demain nous appartient - Clemor - ROMAN)
Hayran KurguQuand Victor décida de charmer Clémentine, il n'imaginait pas être pris au piège de ses émotions. Pouvait-elle être celle qui le soulagerait de la souffrance du deuil ? Serait-il capable de l'aider à affronter ses angoisses ? Avait-il droit au bonhe...